Intervention de René Vestri

Réunion du 10 juin 2009 à 14h30
Débat sur le service civil volontaire

Photo de René VestriRené Vestri :

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la République accueille, protège nos concitoyens et forge leur avenir. Mais elle a également ses exigences de solidarité, de valeurs communes, de défense de l’identité nationale.

Autrefois, le service militaire représentait l’application la plus éclatante de ce que la République pouvait légitimement demander à ses concitoyens. Mais ce service a vécu et, quelle que soit la nostalgie d’un temps révolu que d’aucuns pourraient ressentir, il s’agit aujourd’hui d’aller de l’avant et d’imaginer d’autres solutions pouvant renforcer le lien entre les Français et la nation.

Le service civil volontaire constitue, à mes yeux, un excellent moyen de faire comprendre aux femmes et aux hommes de ce pays qu’un don de soi peut renforcer la cohésion sociale et être porteur d’avenir.

L’État, pour sa part, doit avoir un rôle incitatif. C’est la raison pour laquelle je souhaite l’instauration d’un service civil volontaire de la citoyenneté, obligatoirement proposé aux jeunes de seize à vingt-cinq ans.

Cette formulation me paraît pertinente, car chacun des termes a un sens.

S’agissant du premier, « service », il n’en est pas de meilleur, je crois, pour traduire un esprit d’engagement au service du plus grand nombre.

L’adjectif « civil » implique, dans mon esprit, que ce service devrait s’adresser à tous ceux qui vivent sur notre territoire et qui profitent, à un titre ou à un autre, de la générosité de la communauté nationale. Par conséquent, ce service devrait non seulement s’appliquer aux Français, mais s’étendre également aux étrangers qui ont choisi de s’installer en France.

Le service est « volontaire ». En effet, nous le savons tous, la générosité ne s’exerce véritablement que si elle est voulue. C’est une condition essentielle pour que les missions soient remplies avec tout l’enthousiasme propre à la jeunesse. Elles seront considérées comme valorisantes par cette jeunesse dès lors qu’elles s’adressent aux autres.

Le mot « citoyenneté » constitue le cœur de notre projet, celui de faire de chaque citoyen l’ambassadeur des valeurs de la République et d’affirmer sa vocation de les faire partager par ceux qui s’interrogent parfois sur leur bien-fondé.

Enfin, je souhaite que le service civil soit « obligatoirement proposé », car l’État doit témoigner de sa force incitative de puissance publique, tout en déployant un gros effort de pédagogie afin de faire percevoir à nos jeunes l’attractivité d’un tel dispositif. Cela passe par une politique de communication plus active, par un panel plus étendu des activités tenant compte des besoins économiques de chaque région – tourisme, métiers du bâtiment, etc. Cela passe également par un effort financier. Cela passe, enfin, par des moyens matériels plus adéquats.

Aujourd’hui, notre pays compte 475 structures agréées pour 2 131 jeunes sous convention, et 10 000 postes agréés. Faute de crédits, l’organisme gestionnaire, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, n’a pas pu créer davantage de postes. C’est tout le paradoxe de cet « appel au peuple » que les pouvoirs publics lancent alors qu’ils sont dans l’impossibilité d’accueillir un grand nombre de jeunes par manque de structures d’accueil, de bâtiments et de lieux propices à assurer la formation et la transmission du savoir.

Pourquoi ne pas envisager, par exemple, de créer dans chaque département de France un centre de coordination et de formation pour tous les volontaires, quel que soit leur choix – activités de sécurité civile, activités sociales, économiques, permis auto, permis moto, permis poids-lourds et bateau –, et ce pour une durée de formation, laquelle serait prise en charge par la collectivité, équivalente à l’année scolaire ?

Enfin, dans la mesure où toute peine mérite considération, peut-être faudrait-il s’engager à donner un « petit plus » ou à octroyer quelques avantages à des volontaires dont l’exemple pourra inciter l’ensemble de la jeunesse. Ce principe existait déjà pour le service militaire puisque tous les jeunes qui avaient satisfait aux obligations militaires bénéficiaient d’un accès privilégié aux emplois publics.

Pourquoi ne pas instaurer un « bonus de la citoyenneté » pour certains emplois, pas forcément administratifs, en faveur de ces jeunes volontaires ? Pourquoi ne pas prévoir, par exemple, de mettre en place un taux particulier d’emprunt ? Le caractère universel d’une institution dépend aussi de l’attrait qu’elle présente.

Une telle proposition, me direz-vous, n’est-elle pas discriminante ? Eh bien, c’est ma conception de la « discrimination positive » ! Je la trouve légitime parce qu’il s’agit d’une discrimination constructive, qui renforce notre socle républicain.

Il faudrait également se fixer des objectifs ambitieux. Je voudrais appeler votre attention sur ce point.

Vouloir attirer une frange de quelques dizaines de milliers de jeunes vers une nouvelle forme de creuset républicain n’est pas un objectif suffisant. Il faut avoir pour ambition de drainer vers ce service une partie de la jeunesse au moins égale à celle qui passe son baccalauréat chaque année. Ce n’est que par le nombre que le sentiment d’appartenance à une communauté triomphe. L’idée de Nation est née le jour où l’on s’est aperçu que des millions de gens, sur un territoire donné, parlaient une même langue et partageaient les mêmes valeurs !

Monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, si nous voulons améliorer les choses en la matière, il nous faut résolument changer d’échelle pour construire et pour renforcer la cohésion de notre nation. Il ne faut pas transiger avec les moyens. Pour pertinent que soit l’outil du service civil obligatoire, il gagnerait en efficacité si les moyens matériels et humains étaient plus importants.

Je prendrai l’exemple de mon département, celui des Alpes-Maritimes. Dans le cadre de l’Europe, pourquoi ne pas créer des structures franco-italiennes ou franco-allemandes pour développer l’étude des langues, mettre l’accent sur les métiers découlant du tourisme et former des marins pour la plaisance et les croisières ? C’est une affaire de bon sens. C’est une affaire de cohérence. C’est également une affaire d’intérêt national majeur à une période de notre histoire où la République a parfois donné le sentiment de vaciller sur ses principes fondateurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

J’adresse donc une supplique au Gouvernement de la République pour que l’esprit de volontarisme et de réforme qui l’anime s’incarne dans une politique en faveur de la jeunesse en vue de donner aux valeurs d’intégration et de progrès toute leur ampleur.

Raymond Cartier avait une formule un peu brutale, mais juste : quand on n’a pas les moyens de sa politique, il faut avoir la politique de ses moyens.

Il faut donc nous donner les moyens de la politique que le Gouvernement lui-même souhaite mettre en œuvre pour la jeunesse française. Cela se fera en redonnant à notre jeunesse les codes de la société, car aider et former la jeunesse, c’est non pas dépenser, mais investir. La jeunesse est notre avenir !

Nous devons faire le choix de la volonté et de l’audace. L’enjeu pour la solidité de la République et pour la cohésion de la nation oblige à ne pas se contenter du plus petit dénominateur commun.

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