Alors que la moitié des Français a une image négative des jeunes, une très grande majorité les trouvant même individualistes, je souhaite insister sur le fait que les jeunes s’engagent tout autant que nos autres concitoyens dans la vie associative et qu’ils souhaitent le plus souvent s’y investir davantage.
Nos auditions ont apporté de multiples témoignages de cette réalité et les déplacements de la mission en province nous en ont définitivement convaincus. Or ce désir d’engagement n’est réellement satisfait par aucun mécanisme étatique. En outre, le manque de moyens et de notoriété des associations ne leur permet pas d’y répondre.
Il existe bien un service civil volontaire. Comme les précédents orateurs l’ont rappelé, il s’étend sur une durée de trois, six ou neuf mois, et est issu de la loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006. Toutefois, seulement 2 800 volontaires ont pour l’instant bénéficié du dispositif. Le fait que son existence soit assez largement ignorée est la marque de son échec.
Dans ces conditions, nous nous sommes interrogés : faut-il revoir toute notre législation ou s’appuyer sur l’existant ? A-t-on besoin d’une simple rénovation ou d’une véritable reconstruction de notre service civil volontaire ?
La mission a tranché en faveur du maintien du service en l’état. Il permet en effet de rassembler sous un même fronton des dispositifs existants, comme le volontariat associatif, le volontariat civil de cohésion sociale et de solidarité, le volontariat à l’aide technique ou encore le volontariat de solidarité internationale.
Il assure une réelle mixité sociale et répond aux objectifs principaux que l’on peut lui fixer : il satisfait une jeunesse désireuse de servir des causes justes et nobles ; il lui permet d’acquérir une formation et des expériences utiles pour la vie professionnelle ; il permet à la société de bénéficier de la motivation de jeunes soucieux de réaliser des missions d’intérêt général.
En revanche, monsieur le haut-commissaire, sa montée en puissance est un impératif absolu : 2 800 volontaires, ce n’est pas digne du souhait exprimé par le législateur en 2006, ce n’est pas suffisant pour les ambitions que l’on peut avoir pour le « successeur » du service militaire.
Nous avons fixé un objectif de 50 000 jeunes dès 2012. À cette fin, ce sont près de 335 millions d’euros qu’il faudrait investir. Cette somme correspond à la mise en place d’un dispositif à la fois pertinent et consensuel.
Nos collègues Antoine Lefèvre et Jean-Pierre Plancade l’ont rappelé, en Italie, le service civil volontaire concerne 50 000 jeunes et coûte près de 300 millions d’euros à l’État. Les évaluations dont il fait régulièrement l’objet sont extrêmement positives, tant du point de vue des jeunes que des citoyens et des associations. L’un de ses atouts majeurs est de réunir des jeunes de tous les milieux sur des projets associatifs motivants.
Afin de parvenir à ce chiffre de 50 000 volontaires et d’assurer la mixité sociale du public concerné, l’État ne doit pas seulement allouer les moyens nécessaires, il doit aussi mettre en place une communication spécifique. Au vu des habitudes culturelles des jeunes, une campagne télévisuelle et sur internet apparaît nécessaire. Il faut promouvoir très largement ce dispositif aujourd’hui trop méconnu.
Atteindre l’objectif de mixité suppose aussi que les associations et organismes d’accueil mettent en place des projets de dimension collective susceptibles d’accueillir plusieurs volontaires. En outre, le pilotage de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances doit permettre de garantir la mixité sociale dans chaque association.
Selon la mission, le renforcement du service civil doit s’accompagner de la disparition progressive des autres programmes existants – le programme national de soutien à l’engagement et à l’initiative des jeunes, « Envie d’agir », le volontariat associatif, etc. – et de leur unification dans le cadre du service civil.
Par ailleurs, comme le préconise le Conseil national de la jeunesse dans son rapport d’activité de 2007, afin d’ « inscrire le service civil dans un véritable projet de vie pour la personne », il faut le valoriser « dans le cadre de la validation des acquis de l’expérience ou VAE. ».
Enfin, de nombreux jeunes émettent le souhait de s’engager dans des actions internationales. Le volontariat international administratif permet en partie de répondre à ces demandes, de même que le service volontaire européen destiné à encourager la mobilité des jeunes âgés de dix-huit à trente ans.
J’estime pourtant que l’on pourrait développer un service civil européen qui s’appuierait sur une coordination des dispositifs existants dans les différents pays. Il participerait ainsi au développement d’une citoyenneté européenne et répondrait aux souhaits des jeunes européens. C’est à mon sens extrêmement urgent, au vu de l’abstention massive des jeunes lors des élections européennes de dimanche dernier. Le renouvellement du Parlement européen sera sans doute l’occasion de lancer ce débat.
Monsieur le haut-commissaire, notre jeunesse est une chance. Il nous appartient de lui donner tous les moyens nécessaires à son épanouissement.
Il incombe à chaque génération de préparer l’avenir de la suivante. Le service civil contribue à cet épanouissement que nous recherchons tous. Ce dispositif doit pouvoir compter sur un soutien et une mobilisation sans faille. Ne l’oublions pas, pour les jeunes en difficulté, il est aussi le moyen de trouver leur voie, voire de donner un sens à une vie qui peut parfois en manquer.
Notre responsabilité collective appelle chacun de nous, loin de tout clivage politique, à redonner espoir à cette jeunesse qui s’interroge, mais qui est pleine d’énergie, d’ambition et de rêves.