Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à remercier mon collègue Martial Bourquin d’avoir eu l’initiative de cette question orale avec débat sur la crise de l’industrie. Je partage très largement son analyse et ses interrogations. Ce n’est pas tout à fait une surprise : étant élu d’un grand département industriel et originaire du Pays-Haut, en Lorraine, il est « né » dans l’industrie et se préoccupe naturellement de ses problèmes.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous poserai cinq questions d’importance inégale, dont la liste n’est pas exhaustive.
Je rappellerai tout d’abord quelle est la place de l’industrie dans l’économie française. Elle représente bien plus que les 20 % de produit intérieur brut que lui assigne la comptabilité nationale car, en amont, en aval et à côté, de nombreuses activités de service dépendent de l’industrie. Lorsqu’une industrie disparaît, ce sont les activités situées en amont, comme la recherche et développement, ou celles du secteur des nouvelles technologies, qui disparaissent en premier lieu. La France ne peut se contenter d’être un pays d’importation, de logistique et de distribution !
Comment le Gouvernement organise-t-il sa politique industrielle, qui est nécessairement une politique interministérielle ?
Je me réjouis qu’un secrétaire d’État chargé de l’industrie ait été nommé, et plus encore que celui-ci ait l’expérience du secteur privé. Mais j’aimerais savoir comment le Gouvernement prend position face aux questions industrielles, qu’il s’agisse pour lui de réagir à l’actualité – et c’est sans doute ce qu’il fait le mieux – ou de gérer les actifs dont il a la charge.
Ma deuxième question concerne le secteur de l’automobile.
Vous avez mené, monsieur le secrétaire d’État, une politique extrêmement active dans ce secteur de l’économie de marché, en dispensant judicieusement les crédits publics. Je ne rappellerai pas ces mesures : en six minutes, ce serait une gageure !
J’aimerais savoir comment vous comptez sortir de ce système. Comment entendez-vous supprimer la prime à la casse ? Comment ferez-vous évoluer la fiscalité sur le diesel ? Je rappelle que la plus grande usine de fabrication de moteurs fonctionnant au diesel d’Europe est implantée en Lorraine.
Quelle est votre position, non pas en matière de véhicules électriques – nous savons tous que la France sait construire ce type de voitures –, mais de batteries ? J’aimerais obtenir l’assurance que toutes les voies ont été explorées, et pas seulement celle des batteries au lithium-ion, qui sont surtout produites aux États-Unis et au Japon, et non dans notre pays. Pour ma part, je trouve la solution du lithium-polymère intéressante.
Vous menez donc une politique industrielle efficace dans le domaine de l’automobile. Nous avons tous constaté, en effet, que le premier trimestre avait été moins difficile en France que partout ailleurs en Europe. Les interventions d’OSEO en matière de restructuration de trésorerie sont pertinentes, mais elles sont coûteuses. Avez-vous, sur ce point, des raisons d’espérer ?
Ma troisième question concerne la politique industrielle dans le secteur électronucléaire. On compte plus de 450 réacteurs nucléaires dans le monde, et il est vraisemblable que ce nombre aura largement doublé dans les dix ou vingt prochaines années. Ne pensez-vous pas que le réacteur pressurisé européen, l’EPR, un équipement de très haute technicité conçu par les Allemands et les Français pour le marché européen et dont la complexité se traduit par une certaine lourdeur de conception, épuise toutes les forces que l’industrie électronucléaire française devrait mobiliser pour conquérir une part significative sur le marché mondial des réacteurs nucléaires ?
Ma quatrième question porte sur la taxe professionnelle.
Un débat public s’est ouvert sur ce sujet qui vous concerne au premier chef, monsieur le secrétaire d’État. En effet, la part de l’industrie manufacturière dans le produit de cette taxe est, en moyenne, deux fois supérieure à sa part dans la valeur ajoutée nationale. Il faudrait mener une réflexion, afin que l’industrie manufacturière puisse retrouver, dans le cadre de la réorganisation de la taxe professionnelle au 1er janvier 2010, un niveau d’effort conforme à sa valeur ajoutée.
Ma dernière question portera sur le sujet sensible et complexe des charges sociales et de la politique d’allégement de charges.
Je ne vous demande pas, monsieur le secrétaire d’État, de prendre des mesures immédiates, mais de conduire une réflexion de long terme.
Compte tenu du niveau des salaires et de la protection sociale en vigueur en France, auxquels tous nos compatriotes sont attachés, l’emploi industriel ne pourra perdurer que si les entreprises apportent à leurs produits une très forte valeur ajoutée, ce qui suppose à la fois un haut niveau de formation des personnels et une intensité capitalistique considérable par emploi créé.
Alors que j’assumais mes premières responsabilités publiques, l’emploi nécessitait des investissements. Aujourd’hui, le coût de l’emploi d’un ouvrier titulaire d’un brevet de technicien supérieur dans le secteur de la mécanique, par exemple, a été multiplié par dix par rapport aux années quatre-vingt, c’est-à-dire après les deux premiers chocs pétroliers.
Cela signifie que nous avons une industrie de plus en plus capitalistique, avec, pour les emplois exposés à la concurrence, une meilleure formation et des niveaux de salaires plus élevés. Par conséquent, nous nous apercevons que l’essentiel de l’effort consenti par la collectivité nationale en faveur de l’allégement des charges bénéficie non pas à l’industrie soumise à cette compétition mais à des activités de services.
Certes, nous avons ainsi soutenu la croissance en encourageant la création d’emplois. Statistiquement, la chose est incontestable : lors des années de croissance qui ont eu lieu à la fin du siècle précédent et au début des années deux mille, on a constaté que, malgré une croissance plus faible, nous parvenions non seulement à maintenir des emplois, mais même à en créer.
Il faut nous demander si nous n’avons pas en réalité organisé un déplacement des activités à forte valeur ajoutée, que nous souhaitons pourtant localiser dans notre pays, au profit d’activités à plus faible valeur ajoutée, qui ne sont pas exposées à la concurrence internationale. Ces dernières bénéficient d’allégements de charges qui pèsent sur les activités à forte valeur ajoutée, lesquelles auront tendance à ne plus choisir la France pour localiser leurs activités.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d’État – et ce sera ma conclusion, sinon M. le président me rappellera que j’ai dépassé mon temps de parole…