Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 10 juin 2009 à 14h30
Crise de l'industrie — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je profite de la question de notre collègue Martial Bourquin et de l’actualité plus ou moins récente – je pense en particulier à la présidence française de l’Union européenne et au scrutin de dimanche dernier – pour aborder la question de ce que pourrait être une véritable politique industrielle européenne.

Notre système productif est frappé par la crise et entre en récession, avec des restructurations lourdes et douloureuses sur le plan humain. Je suis persuadé que mes collègues Jean-Jacques Mirassou et François Patriat aborderont ces problèmes qu’ils connaissent particulièrement bien sur le terrain, dans leurs départements respectifs.

Pourtant, depuis plusieurs années, on avait pu mesurer la perte de compétitivité qui s’était traduite, entre autres, par des délocalisations ou des fermetures sur notre territoire. La réponse proposée par la stratégie de Lisbonne n’a pu décoller, faute de coordination et de pilotage au niveau européen.

L’industrie représente encore, à l’échelle européenne, 20 % de la production, mais elle perd dans la zone euro environ 16 % par an dans une tendance de long terme. Elle concerne encore plus de 30 millions d’emplois et contribue pour 75 % à l’ensemble de nos exportations.

Une nouvelle politique industrielle est une nécessité dans tous les pays de l’Union, quels que soient leur histoire, leur économie et leur patrimoine industriel. Un plan de relance au niveau européen aurait permis de coordonner les plans nationaux et aurait constitué l’occasion de définir une véritable politique industrielle intégrant les potentiels nationaux et les spécialisations qui existent, mais en assurant une stratégie d’ensemble et en créant une synergie.

En effet, les différents plans de relance nationaux, qui sont verticaux et sectoriels, auraient mérité d’intégrer une perspective horizontale et une coordination. Nous devons dépasser la politique de la concurrence et du marché unique, sur laquelle l’Union a fonctionné jusqu’ici et dont on mesure les limites, voire, parfois, les effets pervers. Je pense par exemple à la concurrence dans le domaine de l’énergie, qui ne fait qu’affaiblir la compétitivité des industries fortement consommatrices d’énergie. Cette politique a donc des conséquences déstructurantes.

Face au déclin de l’emploi industriel et aux délocalisations, une prise de conscience s’est certes opérée, en tout premier lieu pour ce qui est de la nécessité de combler le déficit européen en matière de recherche et d’innovation. Ce déficit aura en effet pour conséquence, à terme, d’augmenter nos problèmes de compétitivité.

Dans ce cadre, nous devons accélérer la mise en place des plateformes technologiques, que vient d’évoquer mon collègue M. de Montesquiou, autour d’un programme commun de recherche. Les domaines éligibles à ces actions sont pourtant très nombreux, comme on le constate avec les pôles de compétitivité ou les clusters, tout spécialement ceux qui ont une vocation mondiale et mériteraient de bénéficier d’une coordination au niveau européen.

Certains enjeux industriels revêtent un caractère stratégique. Je pense à l’énergie, à l’aérospatiale, aux piles à combustible, à l’automobile et en particulier aux véhicules électriques.

Je ne peux pas non plus passer sous silence le développement des nouvelles technologies découlant des avancées de la recherche fondamentale. Je pense tout particulièrement aux nanotechnologies, aux biotechnologies, aux technologies de l’information et de la communication, les TIC, et surtout à la convergence de ces trois domaines.

Nous avons certes en France des potentialités – je pense par exemple au pôle d’innovation Minatec, à Grenoble, qui a su rassembler différents acteurs sur un même site et travailler à l’échelon européen dans ces trois domaines–, mais nous ne pourrons lutter à armes égales au niveau mondial que si nous rassemblons nos moyens au niveau européen. Sinon, nous resterons dans des niches, certes performantes, mais avec un pouvoir de développement relativement limité.

Les États-Unis et le Japon, entre autres, ne s’y trompent pas. Si l’on compare les 450 millions de dollars investis chaque année par les Américains dans le domaine des nanotechnologies avec les crédits consacrés à la recherche au niveau européen, on s’aperçoit que la somme de tous les crédits nationaux représente à peine le dixième de ce montant.

En effet, seuls 15 % des crédits de recherche publics sont coordonnés dans le cadre des programmes communs de recherche et développement européens. La stratégie de Lisbonne a échoué du fait d’une coordination trop souple, fondée sur le volontariat, et de l’absence de priorités stratégiques clairement définies. Il s’agit à la fois de notre indépendance en matière énergétique et de la survie de notre industrie.

La survie et la compétitivité de nos meilleures entreprises passeront par l’échelle européenne face à leurs concurrentes américaines, japonaises, chinoises et indiennes. Encore faut-il favoriser leur développement en créant un environnement législatif et réglementaire favorable. L’accord de Londres sur les brevets européens et la propriété industrielle représente certes une avancée, mais le Conseil européen se doit d’adopter rapidement un brevet européen assurant une sécurité juridique par un système unifié et efficace.

L’élaboration d’une stratégie industrielle dans les secteurs prioritaires ne peut pas non plus être déconnectée d’une coordination plus étroite des politiques économiques, en particulier dans le domaine de l’harmonisation de la fiscalité des entreprises.

Une véritable politique industrielle coordonnée est une nécessité. Elle doit être accompagnée par une priorité dans le budget communautaire, notamment dans les programmes de recherche et développement, voire dans les fonds structurels.

Monsieur le secrétaire d’État, comment la France va-t-elle s’impliquer dans la nouvelle mandature et la nouvelle Commission pour atteindre cet objectif nécessaire à la survie de notre industrie et, au-delà, de l’industrie européenne ?

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