Intervention de Jean-François Mayet

Réunion du 10 juin 2009 à 14h30
Crise de l'industrie — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Jean-François MayetJean-François Mayet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous remercie de l’honneur que vous me faites en me permettant de m’exprimer à cette tribune pour la première fois. Le sujet n’est pas drôle : c’est la crise. Je n’évoquerai pas pour autant des situations locales ou des cas particuliers.

J’ai rédigé cette intervention avant d’entreprendre, la semaine dernière, un voyage en Chine au cours duquel j’ai rencontré des chefs d’entreprise, leurs cadres et leurs ouvriers. Nous avons échangé sur l’économie, la crise, le chômage et, surtout, la formation. Eh bien, ce que j’ai vu et entendu là-bas m’a conforté dans ce que j’avais préparé !

Si le monde entier affronte cette crise, la France doit, en outre, réussir des réformes nécessaires qui, en raison de leur importance et à cause de notre refus historique de bouger les choses, nous plongent à elles seules dans un climat de forte tension. C’est ce que j’appellerai « la crise dans la crise » !

Malgré les difficultés du moment, j’ai la conviction qu’un libéralisme raisonnable et contrôlé produit de meilleurs résultats économiques et sociaux, et que l’un ne va pas sans l’autre. Mais les dirigeants de certains pays, c’est-à-dire des hommes politiques comme nous, portent la lourde responsabilité d’avoir laissé se construire et prospérer jusqu’à l’explosion une bulle financière compliquée, inutile et malhonnête.

C’est cette cassure brutale qui s’est, en quelques semaines, transformée en crise économique. Dans le monde entier, la consommation s’est fracassée sur l’angoisse et la perte de confiance des habitants, notamment dans des secteurs essentiels comme l’automobile, où les produits et les services étaient déjà techniquement remis en question.

Le constat de cet enchaînement tragique et prévisible n’est contesté par personne, et il devrait donc servir de guide dans le choix des moyens pour sortir de ce marasme.

Chez nous, la doctrine de la relance par l’investissement, c’est-à-dire celle du Gouvernement et du Président de la République, est combattue par les partisans de la relance par la consommation. Pourtant, il suffit de regarder ce qui se passe et de ne pas oublier que la consommation, c’est-à-dire la croissance, ne se décrète pas : elle se mérite ou elle se gagne par la confiance. Et, en France plus qu’ailleurs, lorsque le chômage augmente, l’argent distribué va directement sur des comptes d’épargne, il ne sert pas directement et immédiatement l’emploi.

Seule l’augmentation massive des investissements peut casser ce cercle vicieux et le Gouvernement a raison de privilégier cette démarche, comme il a eu raison de soutenir les banques, afin d’éviter l’asphyxie des entreprises et la ruine des épargnants, surtout des plus petits.

Le rôle des élus que nous sommes sera déterminant dans l’accélération d’une sortie de crise. En effet, nos concitoyens nous regardent, nous jugent et attendent de nous un comportement réaliste, constructif et efficace. Notre attitude et notre action sont aussi des repères, et nous avons le devoir de participer à la restauration de cette confiance.

À ce moment de mon propos, permettez-moi de regretter que, dans une période aussi tendue et dangereuse, nous n’ayons pas le réflexe de réaliser, temporairement bien sûr, une forme d’union sacrée qui existe d’ailleurs chez nos voisins.

N’est-ce pas aux élus que nous sommes, de droite comme de gauche, de nous saisir des grands problèmes pour les traiter et des grandes réformes pour les réaliser sans les dénaturer, afin de servir l’intérêt général ? N’est-ce pas aux élus que nous sommes, de droite comme de gauche, de combattre cette tendance au renoncement, dont la France a trop souvent souffert au cours des soixante-dix dernières années ?

Je regrette, j’ose le dire, que, pour des raisons politico-électorales que les Français viennent d’ailleurs de sanctionner, des sujets comme la mondialisation, ou des réformes telles que la justice ou l’enseignement, unanimement reconnues comme indispensables pour la réussite et le progrès économique et social, aient été combattues et partiellement affaiblies !

Concernant la mondialisation, n’est-il pas malhonnête de la part des élus, de droite comme de gauche, de feindre d’ignorer ou d’ignorer qu’il s’agit d’une évolution inévitable et incontournable de l’histoire de l’industrie et de l’économie mondiale qu’il nous faut savoir accompagner ?

Pour plaire aux électeurs, faut-il leur cacher cela et diaboliser cette évolution jusqu’à décourager encore plus une population fragilisée par la crise ? Est-il si difficile d’intégrer le fait, déjà vérifié, que ces pays qui nous « prennent nos usines » sont les clients de demain qui feront tourner nos industries en nous achetant les produits et les services nouveaux que nous aurons l’intelligence et la volonté de concevoir ?

Pour ce qui concerne les réformes, je n’en prendrai qu’une, vitale pour l’économie : l’éducation. Il faut arrêter l’hypocrisie et promouvoir les changements ! Il est inconséquent, de la part des élus de droite comme de gauche, de feindre d’ignorer ou d’ignorer que cette force de notre République est aujourd’hui à terre et qu’elle ne se redressera pas avant que le problème ne soit honnêtement posé et traité.

C’est aux élus de dénoncer que 75 % de nos enseignants-chercheurs n’ont rien publié depuis cinq ans et que 25 % d’entre eux sont sans équipe et sans projet !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion