Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la question posée par notre ami Martial Bourquin a un triple mérite : d’abord, elle rappelle que la France doit avoir un dessein industriel ; ensuite, elle replace ce dessein dans la crise que nous connaissons aujourd'hui ; enfin, elle suscite un débat qui peut dépasser les clivages partisans et, à cet égard, je fais miennes les questions soulevées aussi bien par Martial Bourquin et Daniel Raoul que par Gérard Longuet.
En premier lieu, l’emploi industriel est en effet nécessaire en France, et il l’est particulièrement au moment où nous traversons cette crise, car les grands groupes industriels assurent à eux seuls 80 % des exportations. Or, 1 milliard d’euros de produits industriels exportés, ce sont 15 000 emplois créés en France.
En second lieu, si les emplois perdus dans les services peuvent être retrouvés, les emplois perdus dans l’industrie le sont à jamais.
Dans la crise, ce sont surtout les fermetures de sites importants par les grands groupes qui frappent nos concitoyens, mais elles ne sont pas les principales responsables de la forte et inexorable montée du taux de chômage, qui touche d’abord les emplois intérimaires, les emplois des petites entreprises voisines et, parfois, ceux des sous-traitants.
La région Bourgogne a connu la disparition de Hoover, de Kodak, de Dim, de Thomson et assiste aujourd'hui à celle d’un grand groupe agro-alimentaire néerlandais. Voilà qui marque les esprits !
Pourtant, si nous nous en donnons les moyens à tous les échelons territoriaux, et surtout à l’échelon européen, nous pouvons non pas seulement arrêter la « casse », mais créer des emplois industriels. Ainsi, malgré la crise, un grand groupe industriel sur lequel je reviendrai dans ma conclusion crée actuellement des emplois par centaines.
Cela passe d’abord et avant tout par le nécessaire effort d’innovation et de recherche et développement, aspect évoqué par tous et que j’aborderai pour ma part au travers d’un exemple.
Alors que les États-Unis ont laissé partir toute la fabrication de « ménager blanc » en Asie, nous avons pu garder, en les soutenant chacun à notre échelon, des groupes industriels de ce secteur, et je pense en particulier à SEB. Si ce groupe est aujourd'hui en mesure de maintenir des emplois en France, dans deux régions au moins, c’est parce qu’il a tout misé sur l’innovation et qu’il est ainsi capable de produire des appareils comme la friteuse Actifry, vendue – pour plus de 100 euros – à un million d’exemplaires en un an dans le monde entier !
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, puisque vous êtes venu dans notre département, c’est grâce à l’innovation que nous produisons encore du « ménager blanc » dans notre pays. Et l’innovation, ce n’est pas ce qu’en a dit le précédent intervenant, avec qui je suis en désaccord. L’innovation est le fruit d’un processus qui, associant recherche académique et recherche privée, doit déboucher sur des brevets, avec pour fin l’accompagnement et la création d’entreprises, ce qui m’amène à un autre point de mon intervention.
Les collectivités locales, notamment les régions, devraient n’être en mesure d’accompagner ce processus qu’à la marge, parce que leurs ressources, qui ne dépassent pas quelques dizaines de millions, voire quelques centaines de milliers d’euros, ne sont pas à la hauteur des enjeux que doivent assumer les grands groupes. Et pourtant, elles l’accompagnent, par le biais des incubateurs, des technopoles, des C2EI, les centres européens d’entreprises et d’innovation, du réseau Retis et d’autres.
C’est précisément là qu’il faut porter l’effort, en particulier à travers les pôles de compétitivité.
Un groupe de travail sénatorial consacré à ces pôles étudie d’ailleurs actuellement la façon dont on pourrait les rendre plus réactifs, plus évolutifs et donc les mettre en état d’apporter davantage d’aide aux différentes structures. Aujourd'hui, les pôles de compétitivité sont en effet encore un peu figés, tant sur le plan la décision que sur celui des moyens et des crédits à apporter à la recherche.
Je souhaite, monsieur le secrétaire d'État, que la réforme des collectivités locales ait pour effet de donner à celles-ci les moyens d’accompagner mieux encore les groupes industriels dans leurs efforts non seulement de recherche et développement, mais aussi de recherche de parts à l’export, car l’exportation doit, comme je l’ai déjà dit, être encouragée.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, je veux vous interroger sur le secteur de l’énergie. En effet, s’il est un secteur qui, à côté de l’aéronautique, porte haut les couleurs de l’industrie, c’est bien celui de l’énergie !
Le groupe AREVA, en particulier, avec ses filiales, ses succursales, ses fournisseurs, crée de l’emploi sur l’ensemble de notre territoire. Cependant, il est aujourd'hui confronté à un fort endettement en même temps qu’à la perte d’un de ses partenaires, le groupe allemand Siemens.
Dans le cadre du débat budgétaire, j’avais déjà demandé à Mme Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, quelle était la vision du Gouvernement en matière énergétique. J’ai entendu le chef de l’État dire avant-hier que, « là où on dépense un euro pour le nucléaire », un euro sera consacré au développement durable, qui conduit effectivement aussi à la création de pôles industriels. Mais pourriez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d'État, quelle politique le Gouvernement entend mener en ce qui concerne ce pôle créateur d’emplois qu’est le pôle énergétique ?
À côté du secteur automobile, abondamment évoqué cet après-midi, le secteur énergétique, qui répond à une demande mondiale dont on estime qu’elle sera exponentielle au moins jusqu’en 2020, notamment parce que nous ne savons pas encore stocker le carbone comme d’autres énergies fossiles, me paraît en effet tout fait essentiel.