Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’industrie est un principe existentiel dans la vie des collectivités humaines. Il y a les sociétés qui ont une industrie et il y a celles qui n’en ont pas. Il faut résolument s’inscrire dans la première catégorie.
Les orateurs qui m’ont précédé ont décrit l’enchaînement infernal qui peut survenir : diminution de l’activité du centre de production, partie émergée – et image de marque – de l’iceberg, mais aussi diminution des activités de sous-traitance, parfois localisées dans des territoires très éloignés du site de production principal ; c’est le problème des équipementiers automobiles, très nombreux dans la Marne, problème méconnu parce que les constructeurs sont en Île-de-France, dans le nord, dans l’est ou dans le centre.
Comme l’a dit Gérard Longuet, l’industrie, dans notre pays, c’est bien plus que 20 % du PIB. Voilà une vérité que nous ne devons pas perdre de vue !
Quant à Martial Bourquin, c’est avec raison qu’il a souligné que la réindustrialisation devait faire la part belle à l’intervention régionale, remarque qui m’a beaucoup frappé, et je le remercie d’ailleurs par avance de bien vouloir la réitérer auprès de ses amis présidents de conseil régional qui, pour certains d’entre eux – pas tous ! –, n’ont pas cru bon d’impliquer leur assemblée de façon formalisée dans des plans de relance…
En tout état de cause, il y a un véritable enjeu dans la localisation même des sites d’activité économique. Au-delà du slogan politique, c’est la question de la compétitivité de nos activités industrielles et de leur localisation sur notre territoire qui est posée, car il faut répondre en profondeur à une interpellation sociale tout à fait légitime.
Un élément souvent majeur de compétitivité du produit fabriqué tient à son caractère innovant. Or, si les grands groupes envisagent volontiers leur développement à travers la problématique de recherche et d’innovation, il n’en est pas toujours de même pour les PME et les PMI, au moins dans notre pays.
Christian Gaudin a rappelé que, même sur le Vieux Continent, dans des pays tels que l’Allemagne, la dimension de l’innovation était très présente dans la culture entrepreneuriale des PME et des PMI, où elle est clairement perçue comme un élément essentiel du développement.
L’innovation est, en effet, le soutien indispensable à l’économie de l’entreprise, grande ou petite. Elle permet d’apporter au produit livré au jeu concurrentiel du marché une valeur ajoutée qui le rendra compétitif, même à un prix de vente plus élevé, soutenant ainsi le pouvoir d’achat des salariés.
Il est vrai que la crise du secteur de l’automobile offre un bon exemple de la difficulté de piloter l’effort de recherche et développement. Vous êtes largement intervenu dans ce domaine, monsieur le secrétaire d'État, et je vous en remercie.
Les grands groupes n’échappent pas au risque de ne pas se montrer assez audacieux ou de ne pas emprunter la meilleure voie en matière de recherche et développement. C’est ainsi que les constructeurs automobiles de notre pays n’ont peut-être pas toujours suffisamment pris en compte l’exigence d’une voiture peu gourmande en énergie et aussi « propre » que possible.
À ce propos – question que Gérard Longuet n’a d’ailleurs pas manqué de vous poser –, qu’en est-il de la voiture électrique ?
L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques avait préconisé, dans un rapport présenté voilà près de cinq ans déjà, de faire le choix du développement d’une voiture hybride rechargeable et d’y investir. Cette recommandation n’avait pas, d’emblée, emporté la conviction de nos constructeurs nationaux, qui ont manifesté davantage de désintérêt que d’intérêt pour cette perspective qui s’impose pourtant aujourd’hui.
Cela signifie que les grands constructeurs, les grands groupes peuvent, eux aussi, faire de mauvais choix dans le domaine de l’innovation.
Cependant, l’affaire est plus dramatique encore pour les PME-PMI : on sait quelles peuvent être les conséquences si elles n’ont pas les moyens d’introduire rapidement l’innovation dans leur production.
Vous vous rappelez sans doute mieux que tout un chacun ici, monsieur le secrétaire d'État, ce qui s’est passé dans le bassin nogentais, où la production traditionnelle de coutellerie et même de bistouris avait subi de graves revers face à la compétition économique internationale. La « relève » n’a pu venir que grâce à l’innovation, la recherche sur les traitements de surface ayant porté très haut la compatibilité entre matériel biologique et matériel minéral et permis la fabrication de prothèses ostéo-articulaires.
L’innovation a ainsi démontré qu’elle pouvait sauver des bassins entiers de PME-PMI, y compris parfois dans les zones les plus en difficulté sur le plan économique et les plus désertifiées.
Ce résultat peut aussi être porté au crédit de la mise en place d’un certain nombre de mesures et de structures. Je pense à l’Agence pour l’innovation industrielle, au plan Innovation, qui a fondé le statut de la jeune entreprise innovante, à la réforme du crédit impôt recherche. Je pense aussi à la création des pôles de compétitivité, à celle de l’Agence nationale de la recherche, chargée de soutenir le développement de la recherche fondamentale et appliquée. Je pense encore au rapprochement de l’Agence nationale de valorisation de la recherche et de la banque du développement des PME, avec la création d’OSEO. Je pense enfin aux huit commissaires à la réindustrialisation et aux contrats de transition professionnelle, dont Martial Bourquin a réaffirmé l’intérêt et souligné à quel point ils étaient porteurs d’espoir.
Ces diverses structures, qui agissent chacune à leur manière, doivent développer une stratégie d’approche et de démarchage de l’ensemble du tissu des PME-PMI, afin que ces entreprises, dont l’énergie est véritablement dévorée par leur activité quotidienne de production, s’inscrivent dans une dynamique d’innovation et changent leurs pratiques de développement. C’est en amont que ces organismes doivent intervenir, avant que les entreprises ne le leur demandent ou ne lancent un appel de détresse. C’est même au moment où tout va bien qu’ils doivent leur tendre la main, afin que les PME-PMI s’appliquent à acquérir une culture d’innovation et, ainsi, à renouveler leur production.
Dans cette optique, il faut susciter la volonté des responsables et même leur enthousiasme pour la démarche innovante, qui doit faire partie de la culture de l’entreprise. Henry Ford, ce grand capitaine de l’industrie automobile américaine, affirmait déjà : « L’enthousiasme est à la base de tout progrès. »
Depuis 1960, la Grande-Bretagne n’a plus nourri cet enthousiasme : nous savons ce qu’il est advenu de son industrie.
À vous, monsieur le secrétaire d'État, à nous, parlementaires, de faire souffler partout sur le territoire le vent de la recherche et de l’innovation, pierre angulaire du développement, donc de la compétitivité et de l’emploi sauvegardé.