Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous me permettrez de rompre avec le caractère généraliste des précédentes interventions pour apporter un éclairage, certes local, mais à mon sens très emblématique, hélas ! de la crise de l’industrie. J’évoquerai en effet la situation de l’entreprise Molex, à Villemur-sur-Tarn, commune du département dont je suis l’élu.
Monsieur le secrétaire d'État, vous connaissez bien ce dossier, mais je crois utile d’y revenir une nouvelle fois, car l’actualité immédiate nous donne matière à réflexion. Cet exemple illustre de manière très aiguë la situation actuelle de la filière des équipementiers et des sous-traitants automobiles, que notre collègue Martial Bourquin a évoquée et dont nous ne saurions admettre qu’elle entraîne, en plus des conséquences économiques que nous savons, des situations humaines inacceptables.
L’entreprise Molex, spécialiste de la connectique automobile, a dégagé au cours de l’année 2008 un bénéfice de 1, 2 million d'euros, ce qui, vous en conviendrez, est loin d’être négligeable. À ce jour, pourtant, la direction maintient fermement sa décision de fermer le site au mois d’octobre prochain, après qu’un sursis a été gagné de haute lutte. L’installation et la mise en fonctionnement d’une chaîne de production de remplacement aux États-Unis apportent d’ailleurs la preuve que la suppression du site de Villemur-sur-Tarn était programmée de longue date.
Monsieur le secrétaire d'État, la fermeture de ce site signifie le licenciement de 300 salariés, qui sont dotés de savoir-faire très spécialisés et dont la moyenne d’âge est de quarante-six ans. Il signifie également que 300 familles de Villemur-sur-Tarn et des environs vont voir leur destin basculer au son de ces seuls mots de la direction : « Nous anticipons des pertes éventuelles. »
Je ne suis pas le seul à me demander aujourd’hui si nous pouvons tolérer que le destin d’une population, fût-elle locale, soit gouverné par de telles « éventualités », et l’on admettra aisément que les élus concernés consacrent toute leur attention à cette population.
Il aura fallu beaucoup de détermination et de courage aux salariés de Molex pour obtenir gain de cause, grâce à une décision du tribunal de grande instance qui a permis au comité d’entreprise d’exposer, enfin, son point de vue sur la viabilité du site.
Il est indispensable de rappeler que le groupe PSA se fournissait principalement chez Molex en matière de connectique : ses commandes représentaient 80 % des recettes du site de Villemur-sur-Tarn. En d’autres termes, le maintien de ce site de production, sous une forme ou sous une autre, est étroitement lié au groupe automobile français, au moment où est évoquée une reprise de l’entreprise – je devrais dire : l’espoir d’une reprise.
Dans ce contexte, le pacte automobile mis en place par l’État devrait s’intéresser non pas seulement au sort des constructeurs, mais également à celui des fournisseurs et des sous-traitants. J’ai la conviction, au moment où j’interviens devant la Haute Assemblée, que l’engagement de l’État est indispensable et répond à une double exigence, économique et sociale.
Cette exigence est ressentie par toute la population de Villemur-sur-Tarn : aux côtés des salariés de Molex, elle se livre à une véritable course contre la montre, dans laquelle votre rôle est primordial, monsieur le secrétaire d'État, car nul ne saurait se substituer aux responsabilités de l’État pour mener à bien cette tâche.
D’ailleurs, la perspective de trouver en quatre mois un repreneur pour le site de Villemur-sur-Tarn paraît aujourd'hui beaucoup moins improbable qu’aux mois de février et de mars, car nous disposons maintenant, à partir des éléments figurant dans l’analyse du cabinet Syndex, de la preuve de la viabilité du site, ce qui contredit les affirmations réitérées de la direction de Molex.
On comprendra facilement que la crédibilité de cette direction soit fortement altérée par des faits très précis : d’abord, la décision de sacrifier ce site ; ensuite, les libertés prises – c’est un euphémisme – avec le droit français du travail ; enfin, l’installation, dans la plus grande opacité, d’une chaîne de production de remplacement aux États-Unis, d’où sortent d’ailleurs des produits d’une qualité très discutable.
J’ajoute que la direction de Molex demande actuellement aux travailleurs une productivité supérieure à celle qui était la leur voilà un an, ce qui justifie le recours à du personnel intérimaire. Or, dans le même temps, elle leur présente la fermeture du site comme inévitable !
Si les informations en ma possession sont exactes, le pire est à venir. Lors de la réunion qui vient d’avoir lieu à la préfecture de Toulouse, la direction de l’entreprise a menacé de rompre l’accord de crise si la productivité n’atteignait pas le niveau qu’elle exige, brandissant le spectre de licenciements à court terme. Il y a tout de même là un paradoxe qu’il convient de dénoncer !
Monsieur le secrétaire d'État, c’est de cette situation qu’aurait bien voulu vous entretenir personnellement la délégation des 110 salariés de Molex qui s’est rendue hier à Paris et qui a été reçue par un membre de votre cabinet.
Sans mettre en cause la qualité de l’accueil qui leur a été réservé, monsieur le secrétaire d'État, je pense que votre attitude s’apparente à un « acte manqué » qui n’est pas de nature à rassurer les salariés. Le fait de recevoir cette délégation personnellement aurait en effet attesté votre volonté d’aider l’entreprise Molex.
Pour autant, le Gouvernement et vous-même avez encore le temps de répondre à l’urgence, en vous engageant résolument dans la recherche concertée d’un repreneur, qui doit pouvoir compter sur un débouché commercial avec PSA. Est-il utile de rappeler que, dans le cadre du pacte automobile, PSA a bénéficié d’un prêt de l’État de près de 3 milliards d’euros ? Cela ne vous donne-t-il pas, monsieur le secrétaire d'État, les moyens d’obtenir que ce groupe concrétise par écrit ses intentions à l’égard du site de Molex à Villemur-sur-Tarn ?
C’est du reste ainsi que le Gouvernement pourra crédibiliser le pacte automobile. En effet, comme d’autres l’ont souligné avant moi, nous ne saurions accepter que la structure de notre industrie soit uniquement dépendante des caprices du marché et de décideurs peu scrupuleux.