Monsieur Bourquin, je vous remercie d’avoir posé cette question orale avec débat sur la crise de l’industrie, car cette crise, au-delà de la représentation nationale, intéresse et préoccupe l’ensemble des Français.
Le constat que vous dressez n’est pas nouveau. Le Président de la République réaffirme régulièrement qu’un pays sans industrie est un pays qui ne croit pas en l’avenir de son économie.
L’industrie a des effets qui dépassent largement son poids dans le PIB, de l’ordre de 16 % aujourd'hui. Elle représente en effet 80 % de nos exportations, 85 % de la recherche et développement du secteur privé dans notre pays. En ce début de xxie siècle, elle offre des perspectives de réponse à tous les grands défis qui se posent au monde : l’alimentation, la sécurité, l’environnement.
Alors que, pendant trop d’années, elle a été considérée comme un problème, notamment au regard de l’environnement et du développement durable, l’industrie sera demain une solution. Tout l’enjeu réside dans notre capacité à innover et à investir pour qu’il en soit ainsi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’orienterai mon propos autour de trois axes, ce qui me permettra de répondre à l’ensemble des questions que vous m’avez posées.
Premièrement, le Gouvernement n’a pas attendu la crise que nous traversons actuellement pour prendre des mesures fortes en faveur de l’industrie.
Dès 2007, lors de sa campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy a dressé un certain nombre de constats et, aussitôt après son élection, nous avons instauré des mécanismes nouveaux pour assurer la compétitivité de notre économie, et donc de notre industrie.
Lorsque nous décidons de mettre en œuvre le dispositif des heures supplémentaires – je sais qu’il s’agit d’un sujet qui prête à controverse –, donc d’allégements des charges des entreprises, c’est évidemment pour améliorer la compétitivité de notre industrie. Il s’agit d’alléger le coût du travail pour que l’offre industrielle de la France soit meilleure que celle de ses voisins.
Lorsque nous décidons de proposer, entre la démission et le licenciement, une troisième voie de séparation entre l’employeur et le salarié, c’est pour apporter une certaine flexibilité au marché du travail, dont la rigidité est un frein à l’attractivité de notre industrie.
Lorsque nous mettons en œuvre le triplement du crédit impôt recherche, c’est clairement pour stimuler l’innovation, afin de donner un avantage comparatif à l’offre industrielle française. De fait, notre pays dispose aujourd'hui du dispositif le plus attractif des pays de l’OCDE. Ce point est essentiel, car nous savons que l’innovation d’aujourd'hui permettra les investissements industriels de demain.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous êtes inquiétés les uns et les autres de l’impact sur le budget de l’État de toutes ces mesures en faveur de l’innovation. Je rappellerai simplement que le crédit impôt recherche devrait représenter cette année environ 3 milliards d'euros. C’est considérable, mais l’effet retour l’est tout autant : si Thales a décidé de maintenir la production du cockpit du futur A 350 en France, c’est grâce au crédit impôt recherche ; si Google ou Microsoft ont pris la décision d’investir dans d’importants centres d’innovation dans notre pays, c’est aussi grâce à ce dispositif.
Vous avez également évoqué, mesdames, messieurs les sénateurs, les pôles de compétitivité. Après les avoir créés en 2005, nous les avons évalués l’année dernière, de manière tout à fait indépendante, et nous avons décidé de les pérenniser, avec une rallonge de 1, 5 milliard d’euros sur trois ans, mais en demandant à ceux qui n’avaient pas forcément répondu à nos attentes initiales de réagir. Cet été, c'est-à-dire un an après l’évaluation, nous allons prendre des décisions qui seront d’ailleurs peut-être douloureuses pour certains pôles, mais nous devons concentrer nos moyens sur les pôles dont nous pensons qu’ils ont vraiment vocation à fédérer tous les acteurs d’une filière.
S’agissant des pôles à vocation mondiale, nous avons décidé d’aller plus loin et d’investir davantage. Sans doute faudra-t-il un jour aller vers de véritables technopôles, des clusters physiques, dont cinq ou six pôles de compétitivité offrent d’ores et déjà une esquisse. En tout cas, le Gouvernement a renforcé son investissement sur les pôles de compétitivité.
Voilà pour l’action que nous menons depuis deux ans, mais il ne fait pas de doute que la crise a changé la relation de l’État à l’industrie et modifié notre approche en la matière, ce qui m’amène au deuxième point que je souhaite aborder.
L’industrie a été la première victime de la crise. Il nous fallait donc y répondre vigoureusement par un certain nombre de mesures ciblées, dédiées, volontaristes, réactives. Il y avait effectivement urgence en la matière.
Dans le secteur de l’industrie, l’action du Gouvernement face à la crise s’est articulée en trois temps.
Le premier temps a été celui de la réponse à l’urgence et de la gestion de la problématique de l’assèchement du crédit. La source du mal, c’était la crise financière. Si les entreprises industrielles ont été les premières touchées, c’est parce qu’elles sont particulièrement demandeuses de crédit, qu’il s’agisse d’équilibrer ponctuellement leur trésorerie, de financer des investissements ou même de financer leurs propres clients. Dans ces conditions, le système financier s’étant arrêté de fonctionner normalement, le secteur industriel a été considérablement fragilisé.
C’est pourquoi le Gouvernement a pris une série de mesures qui, toutes ensemble, ont eu de réels effets. Je pense notamment au remboursement anticipé de la TVA, à la réduction des délais de paiement, qui a eu une forte incidence sur l’ensemble des fournisseurs et, notamment, des sous-traitants ; je pense à l’instauration de la médiation du crédit, qui a permis de débloquer plus de 7 000 dossiers d’entreprises qui rencontraient des difficultés avec le système bancaire et de maintenir, dans cette période de crise, 90 000 emplois ; je pense à l’action menée avec OSEO, la banque des PME, en matière de garantie, de lignes de crédit, mais aussi dans le domaine de l’innovation.
Cette crise nous a en outre fourni l’occasion de créer un fonds d’investissement, qui est une première dans notre pays. Nous en parlions depuis longtemps ; le Président de la République a pris la décision d’instituer un fonds souverain de capital-risque, le Fonds stratégique d’investissement, qui a vocation à prendre des participations dans des entreprises stratégiques, pour soutenir des filières et à les dégager des cycles purement financiers en leur permettant d’épouser les cycles économiques qui caractérisent généralement la production industrielle. En effet, on ne peut pas exiger, comme l’ont trop souvent fait d’anonymes et lointains fonds d’investissement, des retours sur investissement à deux chiffres, parfois supérieurs à 15 %, alors que, bien souvent, les modèles économiques de l’industrie ne dégagent pas plus de quelques points de marge dans le résultat.
Je mentionne également le dispositif de réassurance public mis en œuvre par le Premier ministre, qui a permis de pallier la défaillance à cet égard causée par la crise.
Le Gouvernement a donc eu pour objectif, dès que les premiers effets de la crise financière se sont fait sentir, de répondre à l’urgence.
Le deuxième niveau de réponse du Gouvernement face à la crise a consisté en un choix stratégique dont j’ai compris qu’il faisait débat et qu’il n’était pas forcément le vôtre, monsieur Bourquin, ni celui de vos collègues du groupe socialiste. C’est vrai, nous avons décidé de miser sur l’investissement et nous n’avons pas retenu votre solution, qui consisterait en un soutien diffus de la consommation.
Six mois plus tard, force est de constater que nous avons sans doute fait le bon choix.
Nous l’avons vu, aujourd’hui, le gros problème de notre économie est le manque d’activité de nos entreprises, notamment de nos entreprises industrielles. Si nous avons fait le choix de l’investissement, c’est parce que nous pensons que le plan de relance va progressivement permettre de remplir leurs carnets de commande, donc de créer de l’activité économique et de l’emploi, et ainsi d’offrir une vraie réponse à la crise. Or la consommation est, en France, le dernier moteur à continuer de bien fonctionner, et notre pays fait un peu, à cet égard, figure d’exception en Europe.
À mon sens, la réponse du Gouvernement a été plus adaptée puisqu’elle a visé les ménages les plus fragiles, c'est-à-dire ceux qui en avaient le plus besoin. Lorsque nous décidons, par exemple, d’exonérer la première tranche d’impôt sur le revenu du deuxième et du troisième tiers provisionnels, nous envoyons très clairement un message fort aux 2, 5 millions de foyers concernés.