Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique de la ville conduite en France depuis des années a permis, grâce aux efforts consentis, d'atténuer la fracture territoriale, génératrice de la fracture sociale. Pour autant, elle n'a pas résolu la crise urbaine et sociale qui frappe un nombre croissant de villes et d'agglomérations de notre pays.
Ce constat étant établi, je relève que le projet de budget de la politique de la ville pour 2005 marque une progression de 22, 7 % par rapport à 2004, qui mérite d' être saluée tant nous nous trouvons aujourd'hui dans un contexte très contraignant pour nos finances publiques. Le Gouvernement a dû procéder à des arbitrages difficiles, et force est de reconnaître que la politique de la ville, de la rénovation urbaine et du soutien au logement social constitue une priorité de l'action gouvernementale. Les maires de France ne peuvent qu'être satisfaits de cette prise de conscience.
Personnellement, en tant que gaulliste, je suis très heureux de constater aujourd'hui un changement dans la vision globale de la politique de la ville, puisque l'homme est enfin replacé au coeur de la cité et des dispositifs d'action. En effet, 70 % des crédits du projet de budget sont affectés au programme visant à restaurer l'équité sociale et territoriale.
Surtout, je suis particulièrement satisfait de la volonté affichée par le Gouvernement de renforcer les actions entreprises en faveur de la rénovation urbaine. En effet, l'application du programme défini par la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine a pour finalité de rendre plus attrayants certains quartiers aujourd'hui déshérités.
Ce programme vise en effet à restructurer, dans un objectif de mixité sociale et de développement durable, les quartiers où le cadre bâti est le plus dégradé, ce qui se traduira par la démolition et la reconstruction de 200 000 logements, ainsi que par la réhabilitation de 200 000 autres. De fait, 30 % des crédits inscrits au projet de budget pour 2005 de la politique de la ville y sont affectés, soit 128 millions d'euros.
A la fin du mois de septembre 2004, quarante-neuf projets de rénovation urbaine avaient été examinés par le comité d'engagement de l'ANRU, et plus de 250 autres sont en préparation. Ces projets concernent des interventions dans soixante-huit quartiers, dont trente-neuf sont identifiés comme étant des quartiers d'intervention prioritaire. Ils représentent un montant total prévisionnel de 5, 5 milliards d'euros de travaux, subventionnés à hauteur de 1, 7 milliard d'euros par l'ANRU.
Je me réjouis donc de cette montée en puissance de l'ANRU, dont l'objet est de simplifier les circuits de financement dans un souci d'efficacité.
Toutefois, monsieur le ministre, je ne puis que m' interroger, au regard de ce qui se passe dans certaines collectivités territoriales, en particulier dans celle que je connais sans doute le mieux, à savoir ma ville de Brive-la-Gaillarde, dont j'évoquerai le cas à titre d' exemple concret.
Comme vous le savez certainement, monsieur le ministre, la ville de Brive-la-Gaillarde a lancé, voilà plus de dix ans, un programme de démolition et de reconstruction et travaille depuis bientôt deux ans à l'élaboration d'un projet de rénovation urbaine, afin de poursuivre et d'accentuer sa démarche de rénovation engagée dans le cadre de la charte urbaine de 2001 et amorcée à la faveur de la convention de redynamisation rurale signée en 1999.
Je n'entrerai pas ici dans les détails de ce projet, fruit d'un large consensus local sur les difficultés rencontrées dans nos quartiers sensibles et sur les moyens à mettre en oeuvre collectivement afin de remédier aux déséquilibres identifiés. II recueille l'assentiment général et est unanimement salué pour son sérieux et son ambition. Son élaboration est achevée, et nous sommes prêts à agir.
Cependant, à l'heure où je vous parle, nous sommes dans l'attente de l'obtention de la « dérogation » à l'article 6 de la loi du 1er août 2003, indispensable pour bénéficier des financements de l' ANRU, puisque Brive-la-Gaillarde ne compte pas de quartiers situés en ZUS. De fait, notre projet est paralysé, ce qui hypothèque lourdement le démarrage des chantiers et ternit les espoirs des futurs locataires.
Nous ne sommes certainement pas prioritaires, nous en sommes bien conscients, et nous ne devons pas être les seuls dans cette situation, mais c'est un peu au nom de toutes ces communes, que je qualifierai d' « intermédiaires », que je me permets d'exposer cet exemple, qui brouille l'image très positive du dispositif mis en place.
Ces retards, inexplicables pour les élus que nous sommes, ne dénotent-ils pas une insuffisance des moyens accordés à l' ANRU pour faire face à l'ensemble de ses engagements, qui concernent très naturellement au premier chef des quartiers prioritaires, mais qui doivent aussi permettre de financer des projets de rénovation urbaine que les moyens budgétaires de droit commun ne peuvent plus financer ?
Toujours au titre des exemples de terrain, monsieur le ministre, je soulignerai que la ville de Brive-la-Gaillarde est exonérée du prélèvement prévu à l' article 55, puisqu'elle est éligible à la DSU et comporte un pourcentage de logements sociaux légèrement supérieur à 15 %.
Or la mise en oeuvre du projet de rénovation urbaine va se traduire par des démolitions. Programmées dans un premier temps avant la réalisation des logements prévus au titre du programme local de l'habitat de la communauté d'agglomération de Brive-la-Gaillarde et de la mise en oeuvre du projet de rénovation urbaine, ces démolitions auront pour conséquence de faire passer provisoirement le taux de logements sociaux au-dessous du seuil de 15 %. Il en résultera donc une charge pénalisante pour la ville.
Dans ces conditions, ne conviendrait-il pas de donner des instructions aux services de l'Etat, afin que, pour une période déterminée, le nombre des logements sociaux à prendre en considération soit celui qui avait été constaté avant la réalisation des démolitions pour lesquelles la reconstruction est programmée ? Décider de s'engager dans un processus de rénovation urbaine correspond à un choix politique courageux qu'il convient de soutenir, mais, dans le cas présent, le dispositif se retourne contre les collectivités qui ont anticipé l'une des mesures clés de la loi, sans négliger les accompagnements indispensables en termes d'équipements sanitaires, scolaires, sociaux, sportifs, culturels et, bien sûr, économiques.
Malgré ces interrogations nourries d' exemples concrets et vérifiables, je ne doute pas, monsieur le ministre, que le projet de budget de la politique de la ville, tel qu' il se dessine, permettra d' atténuer les effets les plus préoccupants de la crise qui affecte actuellement les quartiers en difficulté. Je le soutiens donc fortement et espère, grâce à votre aide, pouvoir rapidement en faire bénéficier mes concitoyens.