Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 9 décembre 2004 à 21h30
Loi de finances pour 2005 — Iii. - ville et renovation urbaine

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Qu'ils soient correspondants de nuit, agents de médiation pour un groupe d'immeubles ou pour des établissements scolaires, coordonnateurs d'associations sportives pour le développement de la pratique, agents de développement culturel ou régisseurs de lieux d'expression artistique, femmes-relais auprès des publics d'origine étrangère, animateurs d'espaces cyberbase, souvent avec des horaires prenant en compte ce que l'on appelle maintenant « le temps des villes », c'est-à-dire des horaires décalés par rapport aux horaires administratifs, tous concourent à la quiétude sociale, à l'amélioration d'offre d'activités, à l'appui des services publics dans des quartiers qui aspirent à n'être, finalement, que des quartiers ordinaires.

Ce ne sont pas des emplois au rabais. Et souvent, ils sont la réponse originale, parce qu'adaptée, à des problématiques elles aussi originales que des structures classiques n'avaient plus la souplesse de pouvoir prendre en compte avec des conventions et des statuts souvent devenus trop rigides avec le temps.

Je peux témoigner du fait que, grâce à des profils adaptés, d'ailleurs pas toujours disponibles dans les fonctions publiques territoriales ou d'Etat, des sites ont vu leur contexte grandement s'améliorer, au grand soulagement non seulement des habitants, mais aussi des services publics présents, ces derniers pouvant ainsi se réinvestir pleinement sur leurs missions premières.

En effet, ce n'est pas parce que l'on est chômeur de plus de trente ans que l'on n' a pas une connaissance appréciable du lieu de travail et une aptitude à assumer des fonctions émergentes, si utiles pour les collectivités locales.

Monsieur le ministre, que ceux qui, éventuellement, vous conseilleraient un abandon du dispositif se plongent quelques jours en situation réelle dans les quartiers où ont été testées ces initiatives, qui relèvent effectivement de la politique de la ville et non d'un je ne sais quel traitement social du chômage.

J'en viens à ma troisième question, et je suis heureux de la poser juste avant l'intervention de M. Alduy. J'ai soutenu dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, qui a été examiné hier par la commission mixte paritaire, l'heureuse initiative de recentrer sur un nombre de communes limitées l'abondement de la dotation de solidarité urbaine au profit de celles qui en ont vraiment besoin. Je défendrai donc, par cohérence, une approche identique en ce qui concerne les décisions qui seront prises par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, s'agissant des dérogations au titre de l'article 6.

La presse régionale se fait quelquefois l'écho de décisions qui auraient été prises pour telle ou telle localité, sans d'ailleurs que nous ayons eu l'opportunité d'en débattre au sein même du conseil d'administration de l'ANRU.

Si nous devons ne pas nous imposer un corset dans cette instance, nous devons néanmoins être en mesure d'expliquer pour chaque cas les justifications d'une éligibilité, avec des critères opposables et identiques d'un site à l'autre. M. Dallier, tout à l'heure, disait ne pas comprendre pourquoi telle ou telle commune de son département était ou non aidée au titre de la DSU. Il faut que nous puissions expliquer pourquoi tel ou tel site est dérogatoire ou non au titre de l'article 6. Cette question me semble ne pas pouvoir être éludée : il s'agit d'une garantie de traitement républicain des populations concernées.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir nous donner votre analyse sur ces trois interrogations.

Je conclurai en évoquant les fonds structurels européens, dont certains orateurs ont parlé avant moi. Nous nous trouvons dans une situation assez paradoxale : dans le domaine de la politique de la ville, alors que les sites sont quelquefois éligibles au Fonds européen de développement régional, le FEDER - le règlement de ce dernier prévoyant que l'Europe pourrait nous accompagner à hauteur de 40 % des dépenses faites en faveur des quartiers éligibles à l'ANRU, imaginez ce qu'un tel accompagnement pourrait apporter à nos collectivités locales ! -, certaines régions n'y ont plus droit en raison d'une importante consommation durant les trois premières années. Ainsi, la région Rhône-Alpes ne peut plus prétendre à quoi que ce soit alors que, d'ici à quelques semaines, nous aurons à traiter les dossiers de Saint-Etienne, de Roanne, de Lyon et de Chambéry. Paradoxalement, d'autres régions ont sous-consommé, et, avec la règle du dégagement d'office, les fonds, en cas de consommation insuffisamment rapide, sont réaffectés par Bruxelles à d'autres régions. Cette même région Rhône-Alpes, qui ne peut plus rien recevoir au titre du FEDER pour les investissements, a ainsi renvoyé plusieurs dizaines de millions d'euros au titre du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, le FEOGA, et du Fonds social européen, le FSE, !

Monsieur le ministre, ne pouvons-nous pas prendre l'initiative d'organiser une sorte de fongibilité de ces trois fonds structurels afin que, pour la région Rhône-Alpes, soit nous puissions abonder le FEDER par des fonds FSE ou FEOGA non utilisés, soit nous puissions utiliser des fonds FEDER attribués à d'autres régions et non utilisés par elles ?

Pourquoi nous adressons-nous à vous, monsieur le ministre ? Nous pourrions en effet interpeller à cet égard le ministre des affaires européennes ! Mais votre ministère serait sans doute celui qui en profiterait le plus. Les dossiers déposés au titre de la politique de la ville sont, en effet, les plus consommateurs de crédits. Le paradoxe est le suivant : quand il y a un manque de fonds, la crise doit être gérée ; or, les décisions sont souvent prises en suivant l'avis des conseils généraux, et l'on connaît le poids du monde rural dans les comités départementaux choisissant les dossiers ! On constate que, aujourd'hui, les dossiers agricoles sont privilégiés au détriment de ceux du monde de la ville, qui sont très consommateurs de crédits. Si nous pouvions mettre en place cette fongibilité et une meilleure répartition au titre interrégional, les fonds abonderaient sans doute utilement les dossiers présentés à l'ANRU.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion