Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits affectés au logement dans le projet de loi de finances pour 2005, qui s'établissent à 6, 5 milliards d'euros, s'inscrivent cette année dans le cadre du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.
En effet, conformément à l'article 41 de ce texte, la ligne fongible est abondée cette année à hauteur de 442 millions d'euros en autorisations de programme et de 465 millions d'euros en crédits de paiement, soit des hausses respectives de 22 % et de 61 %. Cette évolution devrait permettre le financement de 90 000 logements locatifs sociaux et de 40 000 réhabilitations en 2005, compte non tenu de l'action de l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.
La commission des affaires économiques s'est félicitée de cette progression sensible des moyens attribués à la construction de logements sociaux.
Toutefois, à titre personnel, je note que, dans la mesure où la subvention budgétaire moyenne par logement social ne progresse pas par rapport à l'année dernière, le financement du plan de rattrapage de la construction locative sociale va mobiliser fortement et les finances des collectivités territoriales et la trésorerie des organismes d'HLM.
En outre, je relève que, depuis le 1er août dernier, le taux du Livret A évolue en fonction non plus d'une décision politique mais d'une règle automatique tenant compte de l'évolution de l'inflation et des taux d'intérêt. En 2003, la baisse du taux du Livret A avait été avancée comme justification de la réduction de la subvention moyenne par logement. Or, à mon avis, l'envolée du prix du pétrole et le déséquilibre entre l'euro et le dollar risquent de pousser à la hausse le taux du Livret A et donc de diminuer mécaniquement les allégements de frais financiers escomptés par les organismes d'HLM. Ces derniers éprouveront donc des difficultés à financer le plan de cohésion sociale.
La commission des affaires économiques a également tenu à s'arrêter sur les avantages fiscaux dont bénéficient les organismes d'HLM, avantages qui représentent une part non négligeable du plan de financement global d'un logement social et près de 13 % d'un logement PLUS, ou prêt locatif à usage social.
J'ai souhaité plus particulièrement me pencher, à cette occasion, sur l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, dont bénéficient les logements sociaux pendant quinze ans, période qui sera portée à vingt-cinq ans après la promulgation de la loi programmation pour la cohésion sociale.
Beaucoup d'élus locaux ignorent en effet que les pertes de recettes qui résultent pour les collectivités locales de cette exonération, pourtant décidée par l'Etat, ne sont que très partiellement compensées, car le droit en vigueur ne prévoit une compensation de l'Etat que si ces pertes sont substantielles. Surtout, les modalités de calcul de la dotation de compensation sont telles qu'en pratique cette dernière couvre une part infime des pertes de ressources. A l'échelle nationale, ces pertes atteindraient, selon mes estimations, plus de 327 millions d'euros, somme que l'Etat ne compenserait qu'à hauteur de 6 millions d'euros.
Cette situation est d'autant plus paradoxale que, lors de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, le Sénat a adopté un amendement, précisé d'ailleurs par l'Assemblée nationale, tendant à compenser intégralement les pertes de recettes liées à la prolongation de ladite exonération. Au final, nous allons nous retrouver dans une situation où les pertes vont être compensées très partiellement pendant les quinze premières années et intégralement les dix années suivantes.
La commission des affaires économiques a donc souhaité que cette situation puisse être améliorée en rendant identique le mode de compensation sur la durée de l'exonération, et elle a adopté un amendement, placé après l'article 67 du projet de loi de finances. Je ne doute pas que nous aurons l'occasion d'en débattre avec vous la semaine prochaine, monsieur le ministre, ou que vous ferez connaître votre analyse à celui de vos collègues qui vous remplacera si, d'aventure, vous ne pouviez être alors au banc du Gouvernement.
S'agissant des aides personnelles au logement, malgré une progression de la dotation visant à couvrir les évolutions du nombre de bénéficiaires l'année prochaine, je relève que le montant prévu pour effectuer l'actualisation du 1er juillet dernier - actualisation non encore arbitrée par le Gouvernement, me semble-t-il - devrait être de 50 millions d'euros, soit une somme vraisemblablement insuffisante pour couvrir la hausse du niveau général des prix et des loyers.
A titre personnel, je considère que cela devrait encore se traduire par une hausse sensible du taux d'effort des ménages les plus modestes, qui est déjà passé de 11, 4 % en 1988 à 16, 7 % en 2002.
Pour terminer, j'ai souhaité consacrer une partie de mon rapport pour avis au bilan de l'amortissement fiscal « Robien ». Je rappelle que ce dispositif permet aux investisseurs qui mettent leur logement en location d'amortir plus de 60 % du prix total de leur acquisition, sans contreparties sociales, contrairement à l'amortissement « Besson », qui l'a précédé et qui prévoyait des plafonds de ressources des locataires. Le coût pour les finances publiques de l'amortissement « Robien » est estimé à 75 millions d'euros pour 2005, somme qui est à mon sens sous-évaluée.
D'après les statistiques fournies par la Fédération nationale des promoteurs-constructeurs, ce dispositif aurait permis de mettre sur le marché 54 000 logements locatifs privés en 2003 et 60 500 en 2004. Il est donc indéniable que la réforme de l'amortissement fiscal a permis d'augmenter la production locative privée ; mais à quel prix ?
D'une part, les loyers plafonds du dispositif « Robien » ont été augmentés et presque portés au niveau des loyers de marché. C'est donc un produit qui vise plutôt le haut de la gamme des ménages et ne s'adresse pas aux personnes à revenus modestes ou moyens. D'autre part, les bailleurs sont des gens rationnels : dès lors qu'on les autorise à sélectionner librement leurs locataires, il est probable qu'ils retiennent ceux qui disposent de revenus élevés.
A titre personnel, je m'interroge sur le coût total de ce mécanisme, utilisé pour construire des logements privés à loyers plus élevés qu'avec le dispositif « Besson » et pour des ménages appartenant aux classes moyennes supérieures, alors que les sommes qui y sont consacrées auraient pu ou pourraient être utilisées pour rendre l'offre locative plus accessible à des ménages à revenus moyens.
Nombreux sont les acteurs de la filière logement qui estiment que ce régime d'amortissement a vraisemblablement eu pour effet de faire flamber le prix des logements neufs et de faire monter le prix du foncier. Il serait donc sage de corriger ce dispositif, qui, certes, a eu un effet de relance en 2003 et 2004, mais qui n'est pas adapté dans un contexte d'envolée du prix des loyers, des logements à la vente et des terrains constructibles.
Au total, monsieur le ministre, la commission des affaires économiques, après un échange contradictoire et argumenté entre son rapporteur pour avis et ses membres, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du logement dans le projet de loi de finances pour 2005.