Permettez-moi, tout d'abord, monsieur le ministre, de saluer l'effort du Gouvernement. En effet, à structure constante, dans une période difficile, le budget du logement augmente cette année de 3, 4 %.
Ce budget s'inscrit dans le cadre du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Il confirme la volonté du Gouvernement de dynamiser la politique du logement, de relancer la construction et la réhabilitation des logements sociaux tant dans le secteur locatif qu'en accession à la propriété, mais aussi de rééquilibrer les quartiers difficiles.
L'objectif est, en cinq ans, de construire 500 000 logements locatifs sociaux qui viendront s'ajouter aux 200 000 constructions, démolitions et aux 400 000 réhabilitations.
L'accession sociale à la propriété, quant à elle, devrait plus que doubler sur les cinq prochaines années avec la construction de 250 000 logements par an.
De même, monsieur le ministre, votre action sur la vacance du parc privé ancien va se traduire par un renforcement des crédits de l'ANAH à hauteur de 70 millions d'euros en 2005 et de 140 millions d'euros sur les quatre années suivantes.
Ce plan, extrêmement volontariste, est à la hauteur des retards cumulés depuis plus de dix ans ; mais cet ambitieux programme ne doit pas buter sur la réalité.
La réussite du projet gouvernemental et l'amélioration des conditions de vie quotidienne des Français passent également par la prise en compte très concrète d'une triple difficulté : l'équilibre financier des opérations, la multiplicité des guichets d'aide à la pierre et l'adaptation rapide des organismes d'HLM.
La première difficulté concerne le prix de revient des opérations, qui a augmenté de près de 30 % en quatre ans du fait de la hausse du coût de la construction et du foncier. Cette hausse n'a pas été compensée par l'évolution des loyers. Les opérations de construction de logements sociaux sont donc aujourd'hui, monsieur le ministre, structurellement déséquilibrées à hauteur de 20 % environ, ce qui représente, en moyenne, un déficit de 20 000 euros par logement.
Ce déséquilibre est particulièrement marqué sur la zone C, la zone rurale, en périphérie des agglomérations. Le prix de revient y est souvent identique à celui de la zone B, alors que l'équivalent en loyer y est inférieur de 7, 5 % ! Nous constatons ainsi un effet de ciseaux, entraînant alors une impasse financière de 22 000 euros en moyenne par logement !
Vous comprendrez aisément, monsieur le ministre, que, au-delà des masses financières budgétaires, c'est une réponse opérationnelle, permettant d'atténuer cet effet de ciseaux, qui aura un impact direct sur la concrétisation des opérations, et donc sur la production de logements.
La réponse qui consisterait à dire que les subventions accordées par les collectivités locales pourraient servir de variables d'ajustement aux opérations, n'est pas satisfaisante. Faute de réelle motivation, seul leur sens de la responsabilité et de la solidarité amène aujourd'hui les communes à s'engager dans la construction de logements sociaux. Cela nous renvoie au débat sur les quotas réservataires des logements. C'est d'autant plus vrai que l'exonération sur vingt-cinq ans de la taxe foncière sur les propriétés bâties ne semble pas, à ce jour, monsieur le ministre, totalement compensée.
De même, le problème de la souplesse et de la modulation territoriale des aides à la pierre me paraît aujourd'hui clairement posé, tout comme la délimitation des périmètres des zones B et C.
La deuxième difficulté concerne la multiplication des guichets d'aides à la pierre. Alors que nous nous engageons à quasiment tripler la production de logements locatifs sociaux, nous devons rester attentifs à la complexité et donc aux retards que pourrait entraîner une période de transition liée à la décentralisation. Alors que je la trouve souhaitable et que j'y suis attaché, cette loi risque de démultiplier les guichets pour les opérateurs, y compris sur les territoires de petite taille : je pense ici aux établissements publics de coopération intercommunale avec programme local de l'habitat, ou PLH.
Ma troisième inquiétude, monsieur le ministre, concerne la capacité des opérateurs d'HLM à s'adapter rapidement à ces nouveaux enjeux : tripler la production en construction neuve et en réhabilitation, participer aux grands projets de ville, s'engager dans des programmes de grosses réparations, assurer l'entretien courant, voilà autant de défis qui vont nécessairement imposer des arbitrages financiers aux organismes d'HLM.
Mais, au-delà de ces arbitrages sur l'autofinancement, se pose, à mon avis, la question de l'adaptation rapide des équipes de maîtrise d'ouvrage et parfois même de leur professionnalisation. L'évolution des statuts des organismes d'HLM est donc urgente : l'application de la loi « habitat pour tous » devient aujourd'hui l'une des conditions de la réussite de ce vaste plan.
Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais vous dire ce soir, sans oublier de rappeler - cela a été dit par tous les orateurs - la rareté et le coût de la matière première de la construction de logements : le foncier.
Ce budget de mobilisation, qui est à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes tous confrontés, reçoit le soutien déterminé du groupe de l'Union centriste.
Quant aux difficultés que je viens d'évoquer, vous pouvez également compter sur notre participation attentive, loyale et constructive pour que la loi « habitat pour tous » prévoie les capacités de mise en oeuvre dont votre budget a besoin.