« Croyons aux miracles ! », pourrait-on dire s'agissant de votre budget, monsieur le ministre.
L'appréciation de ce budget ne peut se faire qu'au regard de la crise du logement que nous connaissons, crise sans précédent depuis les années d'après-guerre : un million de demandeurs de logements, plus de 100 000 personnes sans logis, 5 % d'augmentation par an des loyers depuis deux ans, une spéculation financière galopante qui gagne toutes les grandes villes. L'accès au logement est rendu de plus en plus difficile à des couches de population de plus en plus larges, étant entendu que ces populations perçoivent des salaires qui, eux, n'augmentent pas - c'est le moins que l'on puisse dire.
Les réponses engagées par l'Etat, à travers ce projet de budget pour 2005 présentent de grandes mutations.
Le projet de budget comprend des dispositions destinées à substituer à l'actuel prêt à taux zéro un nouveau dispositif de crédit d'impôt qui modifiera la nature de l'intervention publique en matière d'accession sociale à la propriété. Va-t-on en déduire qu'il y aura une meilleure accession sociale à la propriété ? J'en doute.
Dans le même temps, la situation juridique des organismes bailleurs sociaux est en pleine évolution, sous les effets de la loi Robien d'août 2003, de la première loi Borloo et de la loi sur les responsabilités locales.
Cette loi sur les responsabilités locales entraîne, à l'évidence, une mutation importante en matière de logement, qu'il s'agisse du transfert de la gestion des contingents d'attribution préfectoraux aux élus locaux, de la fongibilité des aides publiques au logement et de leur répartition entre les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, investis de la compétence habitat, ou encore du transfert des fonds de solidarité logement aux départements.
L'Etat finançant moins, tout repose sur les collectivités. Que vont faire ces dernières, avec quels moyens et surtout avec quelle volonté pour certaines qui, comme nous le savons, sont peu désireuses de construire des logements sociaux ?
Quant au projet de loi de programmation pour la cohésion sociale - nous venons d'avoir de multiples débats à ce sujet -, il fixe des objectifs très ambitieux, mais on ne peut pas dire, contrairement à ce qui est souvent affirmé ici, que le financement correspondant est adéquat pour l'instant.
Cet ensemble de dispositions constitue-t-il pour autant une politique cohérente, susceptible de répondre aux énormes besoins de logements collectifs ? Nous avons de très grands doutes à ce sujet.
Nous avons indiqué, lors du débat sur le projet de loi Borloo, que nous avions quelques inquiétudes quant à l'atteinte des objectifs programmés, le financement direct de l'Etat étant, dans ce programme, plutôt réduit et se fondant pour l'essentiel sur un redéploiement des moyens existants.
Ainsi, par exemple, la disparition de 260 millions d'euros sur le financement du prêt à taux zéro se traduit par un redéploiement interne au chapitre, mais ce redéploiement reste inférieur au montant de crédits « économisés » au terme de l'extinction du prêt à taux zéro.
La réforme des aides personnelles au logement a conduit de nombreuses familles à perdre le bénéfice de ces allocations, ce qui permet d'ailleurs à la Caisse nationale des allocations familiales de dégager un excédent de ressources pour le moins discutable.
La question de la révision du décret charges et de la revalorisation du pouvoir d'achat des allocataires est directement posée.
S'agissant de l'aide à la construction et à la réhabilitation de logements, plusieurs observations s'imposent.
La redistribution des cartes au sein du chapitre 65-48 modifie de façon sensible le niveau global des dépenses du ministère. Malgré les effets d'annonce, ce sont, en effet, 117 millions d'euros de crédits qui disparaissent sur ce chapitre puisque, ainsi que nous l'avons déjà relevé, la réduction sensible des engagements budgétaires du prêt à taux zéro est plus importante que la hausse des crédits globalisés sur l'article « opérations locatives sociales et renouvellement urbain », c'est-à-dire la programmation de la loi de cohésion sociale.
On notera d'ailleurs également une contraction des crédits sur les opérations pilotées par l'ANRU, ce qui ne peut nous convenir.
La baisse des crédits « construction et amélioration de l'habitat » s'avère quasiment équivalente à la progression de la dotation de solidarité urbaine.
L'Etat aurait-il gagé la progression de la DSU, la dotation de solidarité urbaine, sur la réduction des moyens de la politique du logement ?
Nous jugerons aux actes ! Avec le budget pour 2005, on est loin d'un engagement de moyens correspondant aux ambitions affichées et aux besoins, qui sont encore bien plus importants que les ambitions affichées !