Intervention de Marcel Vidal

Réunion du 9 décembre 2004 à 21h30
Loi de finances pour 2005 — Iv. - logement

Photo de Marcel VidalMarcel Vidal :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen du projet de budget du logement pour 2005, je souhaite aborder plus particulièrement le problème du logement social, qu'il s'agisse du locatif ou de l'accession à la propriété, puisque c'est la frange de la population la plus modeste qui est la plus touchée par la crise immobilière que nous vivons actuellement.

La situation actuelle des ménages en matière de logement d'une manière générale, et a fortiori de logement social, devient extrêmement préoccupante. En effet, nous constatons tous aujourd'hui que la crise de l'immobilier est devenue une crise sociale. La production de logements est, depuis plusieurs années, très insuffisante. On le mesure notamment par l'augmentation du « taux d'effort » financier consenti par les couches populaires pour se loger. Alors que les difficultés financières des particuliers augmentent, la participation de l'Etat, au titre de l'aide au logement, régresse.

Face à ce constat rapide, on remarque que tous les acteurs du logement social - les organismes compétents, les collectivités territoriales et l'Etat - sont confrontés à l'évolution du secteur de l'immobilier et aux modifications des responsabilités politiques et budgétaires du secteur public.

En effet, les opérateurs d'HLM, acteurs essentiels du logement social, sont aujourd'hui dans l'incapacité de produire les logements qui correspondent aux besoins de la population. Ils sont quotidiennement confrontés à la difficulté de trouver les terrains nécessaires à la réalisation de leurs opérations. Cette pénurie du foncier s'explique principalement par trois facteurs.

Il s'agit tout d'abord des effets de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », et de la loi urbanisme et habitat.

Avec la modification du contenu et de la forme des documents d'urbanisme, les élus locaux ont été conduits à geler de nouveaux terrains à la construction, le temps d'intégrer les nouvelles données réglementaires.

Ensuite, les aléas boursiers de ces dernières années ont provoqué une réorientation des investissements des particuliers vers la pierre. Ceux-ci ont été fortement encouragés par la refonte du dispositif d'amortissement fiscal « Besson » devenu dispositif « Robien ».

Enfin, les élus locaux, parfois insuffisamment informés de leur possibilité d'intervention dans ce domaine, n'ont pas toujours les moyens de mettre en oeuvre une politique sociale volontariste du développement de leur territoire, laissant le marché immobilier se réguler par lui-même.

Même si le travail de ces opérateurs en matière de logement social est important, ceux-ci ne peuvent assumer seuls les réponses sociales aux difficultés actuelles.

En ma qualité de président de la société FDI SA du Crédit immobilier en Languedoc-Roussillon, je tiens à saluer le travail réalisé au niveau national par les sociétés anonymes de crédit immobilier, qui forment un réseau important, membres à part entière du mouvement d'HLM.

En effet, leurs missions sociales d'intérêt général contribuent efficacement, notamment depuis 1995, à la politique du logement en matière d'accession à la propriété, pour suppléer aux insuffisances du marché. Leur vocation sociale s'inscrit dans une très ancienne implantation locale, réunissant des personnalités du monde politique, économique et social en prise directe avec les réalités du terrain.

Notons que les missions sociales placent beaucoup d'espoir dans le nouveau dispositif visant à renforcer le prêt à taux zéro, qui facilite l'accession à la propriété des jeunes ménages aux revenus très modestes, avec notamment l'accession sociale à des logements anciens, ce qui est un élément nouveau de nature - reconnaissons-le - à stimuler et à accélérer la revitalisation des centres-villes ou le coeur des communes rurales.

Monsieur le ministre, il serait intéressant en la matière d'encourager l'organisation de concours d'architectes dans la construction et la réhabilitation de logements sociaux qu'on ne peut sacrifier au seul motif qu'il s'agit d'opérations à caractère social.

Malgré des conditions financières difficiles, on doit pouvoir trouver un mécanisme satisfaisant à un coût raisonnable. Le recours à de jeunes architectes soucieux de prouver leurs qualités et de montrer leur imagination pourrait être une solution intéressante à encourager. De même, on pourrait envisager de solliciter des directeurs d'écoles d'architecture l'organisation de concours d'idées associant professeurs et étudiants, ce qui offrirait notamment une diversité architecturale et romprait avec une fréquente monotonie des constructions ou réhabilitations immobilières.

Gardons également toujours présente à l'esprit la nécessité de développer l'accessibilité des immeubles aux personnes handicapées.

Pour ce qui est de la responsabilité des collectivités locales, nous sommes tous conscients que les réponses et les solutions à apporter au logement social sont bien souvent locales. La construction du logement social en est un exemple évident.

En effet, le terrain à bâtir, qui constitue la « matière première » du logement, dépend presque exclusivement aujourd'hui de l'échelon communal et intercommunal depuis que les communes maîtrisent les documents d'urbanisme - hier, les POS, les plans d'occupation des sols, et aujourd'hui, les PLU, les plans locaux d'urbanisme - et disposent des outils de l'urbanisme opérationnel.

Or, on s'aperçoit que la construction de logements sociaux constitue une démarche très complexe pour les élus, et ce pour deux raisons principales. D'une part, les outils juridiques existants ne sont pas toujours bien connus des élus, et, d'autre part, ceux-ci gagneraient à être développés et aménagés, afin de faciliter l'action des élus. Je pense, par exemple, à la mise en place d'un emprunt bancaire à taux faible sur le long terme, ce qui pourrait être une solution efficace, envisageable pour les municipalités, pour compenser le désengagement financier progressif de l'Etat et les inégalités entre les territoires, ainsi que pour réguler la conjoncture difficile du marché immobilier.

C'est dans ce même esprit que la commission des affaires économiques, et son rapporteur pour avis, notre collègue le sénateur Bernard Piras, examinant dans le projet de loi de finances pour 2005 les crédits relatifs à l'urbanisme, ont proposé que le Gouvernement accorde plus de moyens aux collectivités territoriales pour conduire les interventions foncières et les opérations d'aménagement qui permettront de remédier au renchérissement des terrains à bâtir, de créer une délégation à l'action foncière fédérant tous les services ministériels compétents et d'instaurer un droit de préemption prioritaire aux collectivités locales lors de la cession de terrains publics.

Outre les mécanismes à créer, il y a ceux qui existent déjà, dont l'application est encore beaucoup trop rare et qui gagneraient à être davantage connus des élus locaux.

En ce sens, les missions confiées aux établissements publics fonciers locaux en faveur du logement social devraient être encouragées. L'action conduite depuis plusieurs années par les élus du département du Puy-de-Dôme me paraît exemplaire et devrait « faire des émules ».

Enfin, pour ce qui est de l'Etat, garant de la solidarité nationale, il demeure, malgré la poursuite de la décentralisation, responsable des politiques de logement.

Dans le sud de la France, on s'aperçoit qu'il devient de plus en plus nécessaire que l'Etat pallie le défaut de planification du territoire par la mise en place d'un zonage consacré au logement social.

En effet, la région Languedoc-Roussillon, « victime » au même titre que la région PACA de sa façade maritime, fait partie des zones géographiques qui sont fortement touchées par ces évolutions foncières préoccupantes. L'augmentation du prix des terrains et la bulle spéculative des années quatre-vingt-dix ont aggravé la spécialisation des territoires et leur marquage social. En effet, les tensions sont particulièrement fortes dans les agglomérations, ainsi qu'en milieu rural.

Enfin, même si le volet budgétaire du plan de cohésion sociale affiche un programme alléchant, digne d'un parfait catalogue, il n'est réalisable que moyennant une participation financière très importante des collectivités territoriales. Localement, les élus et les acteurs concernés assisteront obligatoirement à un décalage entre les mesures annoncées par le Gouvernement et la réalité budgétaire régionale ou départementale, et ils seront incapables du jour au lendemain d'assumer les ambitions gouvernementales en matière de logement social.

Monsieur le ministre, ayant participé avec mes collègues parlementaires du département de l'Hérault, en septembre dernier à Montpellier, au congrès de l'Union sociale pour l'habitat qui est placée sous la présidence de Michel Delebarre, j'ai eu l'occasion de vous écouter avec attention.

Bien qu'ayant apprécié la tonalité de votre intervention, votre bonne connaissance du dossier, eu égard notamment à votre expérience dans la région Nord-Pas-de-Calais, je crains très fortement que, compte tenu du décalage entre les effets d'annonce du Gouvernement et les réalités comptables budgétaires, avec des risques de gel de crédits, nous ne nous trouvions encore confrontés à une insuffisance des aides publiques, lesquelles sont pourtant nécessaires pour assurer cette solidarité qui a été décrétée grande cause nationale par le Président de la République.

Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le ministre, que je ne puisse émettre un vote favorable sur ce projet de budget.

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