Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise du logement est devenue aujourd'hui, dans notre pays, une véritable crise de société : la question du logement apparaît, en effet, dans les enquêtes d'opinion, comme la deuxième préoccupation des Français, après l'emploi.
En février dernier, en commémorant le cinquantenaire de l'appel de l'abbé Pierre, la fondation qui porte son nom dressait ce bilan accablant : à l'aube du XXIe siècle, en France, plus de trois millions de personnes sont mal logées !
Habitant dans des logements insalubres, surpeuplés ou précaires, elles ne peuvent conduire leurs projets familiaux et professionnels dans des conditions dignes d'une société riche et moderne.
Face à ce constat, le projet de budget du logement pour 2005 traduit une ambition à mon sens trop modeste.
L'année dernière, déjà, à la consternation générale, M. de Robien présentait un budget en baisse de 8, 7 %, et croyait pouvoir rassurer en affirmant qu'il ferait « mieux avec moins ». Il n'y a, hélas ! pas eu de miracle : avec moins, on fait toujours moins ! Cette baisse a en outre été aggravée en cours d'année par deux régulations budgétaires, d'un montant total de 235 millions d'euros.
Ainsi, alors que le Gouvernement affirmait que 90 000 logements sociaux seraient construits en 2004, le nombre d'agréments de financement délivrés en septembre dernier ne dépassait pas celui de l'année 2003, soit 26 000.
La présentation du projet de budget pour 2005 du logement confine à un tour de passe-passe, car elle donne l'illusion d'une hausse des crédits supérieure à 8 %, grâce à la modification du périmètre budgétaire et aux effets reportés de la réforme du prêt à taux zéro : en réalité, à périmètre constant, ce projet de budget s'élève à 6, 5 milliards d'euros, contre 6, 6 milliards d'euros en 2004 et 7, 3 milliards d'euros en 2003.
En réformant le PTZ, le Gouvernement fait, certes, une économie immédiate qui peut être évaluée à 300 millions d'euros, mais la bombe à retardement du nouveau système pour les recettes fiscales éclatera dans les prochaines années.
Rappelons encore que les aides à la pierre, de même que les aides à la personne, voient leur part en valeur dans la richesse nationale diminuer de manière tout aussi régulière qu'inquiétante.
La question est donc celle-ci : ce projet de budget, mis en rapport avec, en particulier, les objectifs quinquennaux de la loi de cohésion sociale, permettra-t-il de donner une impulsion nouvelle à la politique du logement ?
La réponse est à mon sens « non », car le désengagement de l'Etat se poursuit, et il est de plus en plus fait appel aux financements des bailleurs et des collectivités locales.
Comme nous l'avions souligné lors du débat inachevé sur les responsabilités locales, le fait de rompre avec la notion d'Etat garant de la solidarité nationale ne peut avoir pour conséquence que l'insécurité sociale.
Si l'essentiel de l'effort, en matière de construction sociale, relève des collectivités locales, comme ce sera vraisemblablement le cas, les inégalités territoriales ne pourront être résorbées.
Au contraire, ce sont généralement les collectivités les plus engagées dans les réalisations sociales qui comptent les populations les plus modestes !
Les égoïsmes locaux, déjà confortés par l'absence de mesures coercitives dans l'application de la loi SRU, notamment de son article 55, seront renforcés par la loi de décentralisation, aux termes de laquelle est prévu le transfert du contingent préfectoral aux maires, loi qui risque d'entraîner la création de véritables zones de relégation au sein des intercommunalités.
Selon nous, le logement social devrait être un produit unique financé par une solide aide à la pierre et accueillant des catégories sociales diversifiées, l'effort de chacun pouvant être modulé par les aides à la personne.
Or, la part de ces aides diminue. Vous avez, monsieur le ministre, annoncé une revalorisation, mais nous craignons que, là encore, l'Etat ne se désengage, puisqu'il transfère, dès cette année, une charge de 200 millions d'euros à la caisse d'allocations familiales.
Au surplus, de nouveaux transferts de charges sont annoncés par la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004.
Aux demandes des plus démunis, le Gouvernement répond par le désengagement de l'Etat, puisqu'il a décidé, en août dernier, de transférer aux départements le fonds de solidarité pour le logement, le FSL, comme l'aide à la médiation locative, l'AML.
Or, la compensation financière pour 2005 a été calculée sur la base de la loi de finances pour 2004, sans prendre en compte les difficultés de gestion du FSL liées, d'une part, à l'augmentation du nombre d'allocataires, et, d'autre part, aux nouvelles missions qui leur ont été octroyées : les impayés d'eau, d'électricité et de téléphone, notamment.
J'ai déjà parlé du cas du transfert du contingent préfectoral aux maires, mais on peut tenir le même raisonnement s'agissant du financement des aides à la pierre ou du logement étudiant.
Dans ce contexte de forte tension, le groupe socialiste porte un oeil attentif sur l'amendement dont M. Repentin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, est à l'origine, et qui a logiquement été adopté par ladite commission, amendement relatif à la compensation de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les collectivités locales pendant les quinze premières années du dispositif.
L'objectif est bien de mettre en place des outils en faveur du logement qui soient non seulement réellement incitatifs pour nos concitoyens, mais également respectueux de l'équilibre des finances locales ; en effet, en l'état, les collectivités locales ont supporté sur leur propre budget une très large part d'une exonération pourtant décidée par l'Etat, comme l'a déjà précisé tout à l'heure l'un de mes collègues.
On ne peut donc se satisfaire d'une telle situation ? L'adoption de cet amendement, dans les articles rattachés que nous examinerons lundi prochain, constituerait à nos yeux une avancée tout à fait nécessaire pour les collectivités locales.