Intervention de Marc-Philippe Daubresse

Réunion du 9 décembre 2004 à 21h30
Loi de finances pour 2005 — Iv. - logement

Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, beaucoup d'orateurs l'ont dit, nous traversons une grave crise du logement. Pourtant, cette crise est paradoxale puisque nous allons battre cette année un record historique concernant la construction de logements neufs - plus de 350 000 - et les demandes de mise en chantier.

Quand j'ai été chargé, au sein du Gouvernement, du logement, je me suis interrogé sur les causes de cette crise. J'ai alors consulté un rapport dont je vous recommande la lecture - j'en ai déjà parlé à Thierry Repentin -, le rapport du député socialiste Alain Cacheux, que je connais bien : il habite dans la métropole lilloise, où il préside un office d'HLM, et je considère que cet homme-là ne peut pas être mauvais et peut au contraire nous aider à établir un diagnostic sur la crise.

Ce rapport, qui lui avait été confié par M. Jospin le 2 juillet 2001 - il se réveillait un peu tard ! - débute ainsi : « Le contexte dans lequel ce rapport a été demandé était celui d'une diminution de la production locative sociale. On a construit en 1999 et 2000 environ 43 000 logements sociaux par an en France. Depuis 1960, jamais niveau plus bas n'avait été atteint. Au milieu de la décennie, il était de 70 000 logements par an. » Pourtant, la demande est là !

Et M. Cacheux de poursuivre : « Sur la période 1984-1999, la hausse notable des aides à la personne s'est traduite par une diminution drastique des aides budgétaires à la pierre, mais aussi des autres aides à l'investissement. »

Et il conclut son diagnostic, au terme de trente pages d'analyse dont je vais vous épargner la lecture à cette heure tardive, de la manière suivante : « On ne peut rétablir la confiance des opérateurs que si l'on s'attache à la vraie nature des difficultés : une crise du système ; la crise latente depuis une décennie dans le logement social, qui s'est traduite dans le passé par les critiques sur le non-logement des plus démunis et maintenant par l'accusation de réticence à construire, provient du système lui-même. Les mesures actuelles » - c'était fin 2001, juste avant l'élection présidentielle - « apparaissent fragiles et provisoires car prises dans une conjoncture économique et politique et risquant fort de disparaître avec elle. » - Quelle prémonition ! - « Elles ne créent pas un nouveau cadre dont on pourrait penser qu'il va durer au moins une décennie, temps minimum pour des phénomènes ayant ce degré d'inertie. Elles rétablissent des aides à la pierre, elles ne remettent pas à sa place l'aide à la pierre. »

Tout est dit et explique en quelques mots le fondement de la politique que je mène avec Jean-Louis Borloo afin de résoudre cette grave crise de l'offre.

Nous insistons ainsi sur les aides à la pierre pour doubler la construction de logements locatifs sociaux et, comme l'ont excellemment précisé les rapporteurs Roger Karoutchi, Valérie Létard et à l'instant Dominique Braye, nous fondons cette solution à la crise de l'offre sur une réponse multidimensionnelle en appuyant sur tous les leviers : le logement locatif social, le logement locatif privé, la remise sur le marché des logements vacants et l'accession sociale à la propriété, qui va à l'évidence libérer des places dans le parc locatif et qui est une manière essentielle de répondre à la vocation majeure d'ascenseur social que peut représenter le logement.

Nous pensons résoudre cette grave crise de l'offre grâce cette politique d'ensemble ; mais il nous faudra un peu de temps, parce que, comme il a manqué, comme le dit très bien Alain Cacheux, 40 000 logements par an au cours des cinq dernières années, il nous faudra, si nous voulons réaliser le nombre de logements nécessaires, produire 500 000 logements locatifs sociaux.

J'ai entendu les critiques de Mme Borvo, qui ont le mérite de la cohérence : j'ai relu les interventions du groupe communiste depuis une décennie, et le diagnostic ainsi que les moyens proposés sont les mêmes, que ce soit ici ou à l'Assemblée nationale. La seule différence, c'est que, du temps de M. Gayssot, on votait les budgets alors que, aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Dont acte.

Mme Borvo nous a dit : « Je n'y crois pas, je doute que vous puissiez faire cela, je ne crois pas que... ». A l'heure actuelle, nous en sommes donc au stade des interrogations et des procès d'intention, mais pas des démonstrations !

J'ai repris toutes les interventions qui ont été prononcées au moment où la loi de Jean-Louis Borloo a été votée, le 1er août 2003, et j'ai constaté un certain scepticisme sur quelques travées : « Ce n'est pas vrai », « C'est un magicien », « C'est Harry Potter », a même dit un député socialiste, « Vous allez voir ce que vous allez voir », « Les moyens ne seront pas au rendez-vous ».

Les moyens financiers sont bien au rendez-vous, Jean-Paul Alduy l'a dit tout à l'heure, et les projets s'alignent les uns derrière les autres. On n'a jamais constaté un tel engouement pour bénéficier des dispositifs que nous mettons en place !

Thierry Repentin, qui nous a présenté un rapport mesuré, a critiqué les crédits de paiement et les autorisations de programme que je vous proposais.

Moi, je m'en tiens à ce que disent les intéressés : la méthode du Gouvernement consiste à faire confiance aux acteurs locaux et aux bailleurs sociaux. Et que nous disent-ils ? Selon l'Union sociale pour l'habitat, présidé par M. Michel Delebarre - j'ai de bonnes références, ce soir : M. Cacheux, M. Delebarre... -, « les crédits affectés sont annoncés en euros 2004 et la croissance des autorisations de programme est suffisante sous réserve de l'inscription effective des budgets correspondants » - ce qui vient désormais d'être fait - « pour financer celle du programme physique. Le calibrage du plan permettrait même » - écoutez, monsieur Repentin - « une légère augmentation de la subvention unitaire, de l'ordre de 500 euros. Cette amélioration compenserait en partie la diminution des aides unitaires inscrites au budget de 2004. Elle porterait la subvention unitaire moyenne à 6 400 euros à partir de 2006. Le plan prévoit également une amélioration des crédits de paiement qui incluent un rattrapage » - Dominique Braye vient de le dire - « sur les années 2005 à 2008. Ce rattrapage est indispensable car les retards de paiement sont devenus insupportables et mettent en péril la production nouvelle, voire les équilibres de gestion des organismes. »

En clair, l'Union sociale pour l'habitat nous dit que les autorisations de programme permettent d'atteindre les objectifs fixés et que les crédits de paiement permettent de rattraper le retard qui était effectivement inacceptable concernant la dette HLM.

Plusieurs sénateurs du Languedoc-Roussillon se sont exprimés à cette tribune. Je les salue bien volontiers, j'aime beaucoup leur région et j'y vais assez souvent : j'étais encore récemment - c'était le 23 septembre - au congrès de Montpellier, où j'ai pu les rencontrer et j'y ai fait des déclarations dans un discours assez long, d'une quarantaine de minutes, où j'ai pris un certain nombre d'engagements.

Vous pouvez reprendre la totalité des engagements que j'ai alors pris : à cette heure, ils sont tous tenus, qu'il s'agisse des exonérations fiscales, des moyens que l'on prévoirait dans la loi ou d'un certain nombre de sujets comme la dette HLM.

Sur ce dernier point, je me suis engagé devant les bailleurs sociaux à faire le maximum. Je ne suis pas sûr d'y parvenir, mais, dans le projet de loi de finances rectificative, 50 millions d'euros viendront s'ajouter au rattrapage des crédits de paiement dont je viens de parler.

Au début du congrès, les bailleurs ont exprimé leurs inquiétudes. A la fin, le président du congrès a reconnu, dans un discours très honnête, que, si tout ce j'avais annoncé était tenu, le défi serait relevé et qu'il serait possible d'y aller de bon coeur !

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