Enfin, il faut ajouter 500 millions d'euros correspondant à l'effet de la réforme de l'impôt sur le revenu, compensés exactement par un effet inverse, à savoir 500 millions d'euros de moins-values de recettes pour la sécurité sociale liées à l'avoir fiscal.
Voilà ce qu'il faut dire si l'on recherche davantage de clarté. Toutes ces données sont aujourd'hui sur la table et figurent dans les documents que nous publions en annexe de nos comptes, aussi bien en loi de finances qu'en loi de financement de la sécurité sociale.
Voilà pourquoi, également, la gestion de la sécurité sociale n'est pas et ne peut pas devenir un sous-produit de la gestion budgétaire de l'État. Elle est, par nature, une gestion à long terme. Une réforme des retraites, par exemple, produit pleinement ses effets au bout de plusieurs années. Il a fallu dix ans avant que la réforme de 1993 n'achève, pour l'essentiel, sa montée en régime ; il faudra cinq ans pour que les principaux éléments de celle de 2003 soient entièrement appliqués, vingt ans pour que tous les résultats attendus se matérialisent...
C'est vrai aussi pour l'assurance maladie, dont la réforme repose sur un changement profond des comportements. C'est dans la durée qu'elle montrera son efficacité. Des gains de court terme seraient faciles à obtenir : il suffirait de diminuer les droits ou d'augmenter les prélèvements. Mais nous savons que de tels gains seraient sans lendemain si le rythme d'augmentation des dépenses n'était pas sérieusement infléchi par la mise en oeuvre d'un principe de responsabilité généralisée.
À cet égard, nous gardons les yeux rivés sur un indicateur essentiel : le taux de couverture des dépenses de santé par l'assurance maladie, l'un des plus élevés au monde. Il est aujourd'hui supérieur à 77 % et dépasse désormais ce qu'il était voilà dix ans. Il faut le maintenir. Les pays qui y ont renoncé sont ceux où les dépenses de santé augmentent le plus vite.
On trouve donc de multiples justifications à l'existence d'une loi de financement de la sécurité sociale distincte de la loi de finances. Les deux textes sont, par nature, profondément différents ; ils n'ont pas la même vocation.
Je tenais à rappeler ces distinctions indispensables avant d'en venir à ce qui fait le principal intérêt d'un exercice comme celui d'aujourd'hui : regarder l'ensemble de nos finances publiques en examinant ce que sont et ce que seront nos priorités, ce que sont et ce que seront les principaux besoins des Françaises et des Français dans les prochaines années, ainsi que les principales ressources dont nous disposerons pour y faire face.
Que seront, d'ici cinq à dix ans, les secteurs dans lesquels les besoins de financement publics seront les plus importants ? Plus précisément, quels seront les secteurs dans lesquels ces besoins progresseront le plus vite ?
De la réponse à ces questions dépendent les choix politiques de l'avenir, qui seront au coeur du grand débat démocratique de l'an prochain.
Examinons les principaux postes de la dépense publique aujourd'hui et, tout d'abord, les intérêts de la dette. Nous devons à l'évidence réduire cette dernière, comme nous avons commencé de le faire, pour diminuer les sommes qui leur sont consacrées.
Viennent, ensuite, les moyens alloués à la défense nationale : après un effort de rattrapage indispensable, ils devraient se stabiliser tout en conservant le haut niveau qu'exigent notre indépendance, notre diplomatie et notre politique européenne.
Quant aux dépenses d'éducation, déjà très importantes, elles ne sont pas destinées à croître encore à l'avenir, mais pourront être redéployées en faveur des lycées, des universités, de la recherche.
Enfin, grâce à la bataille de l'emploi conduite par le Gouvernement, le taux de chômage a été réduit à 8, 8 %. Comme l'a indiqué le Président de la République, nous pouvons espérer descendre au-dessous de 8 % en 2007. Les dépenses d'indemnisation du chômage et celles qui sont liées aux politiques de l'emploi, aux contrats aidés, diminueront donc naturellement sous le double effet de la baisse du nombre des demandeurs d'emploi et des évolutions démographiques. C'est là que réside la principale marge de manoeuvre des années à venir, avec les effets que nous pouvons escompter de la politique très hardie de réforme de l'État conduite au nom du Gouvernement par M. Jean-François Copé, que je tiens à saluer pour l'efficacité de cette action.
Il en va tout autrement des dépenses de santé et de prise en charge des personnes très âgées, qui vont continuer d'augmenter. Les plus de quatre-vingt-cinq ans sont actuellement près de 1, 1 million ; leur nombre doublera dans les dix prochaines années. C'est l'un des plus grands défis qui se posent à notre pays, comme à l'ensemble des pays européens : faire face dans de bonnes conditions à ce vieillissement sans précédent dans l'histoire de l'humanité tout en préparant les conditions du renouveau par des politiques familiales ambitieuses et adaptées à une société où les deux parents travaillent.
Je veux rappeler des chiffres que vous connaissez : d'ici à 2050, le vieillissement de la population pourrait conduire à une augmentation des dépenses publiques comprise entre 3 % et 7 % du produit intérieur brut. C'est considérable ! Dans la plupart des États européens, cet effet sera perceptible dès 2010, les répercussions les plus importantes étant attendues entre 2010 et 2030. Par ailleurs, la croissance des dépenses de santé devrait se traduire, dans les mêmes délais, par des augmentations des dépenses publiques comprises entre 1, 5 % et 4 % du produit intérieur brut.
Cela rend plus que jamais nécessaire une action vigoureuse et permanente de maîtrise des dépenses. Mais, même en étant aussi efficaces que nous le sommes actuellement, nous ne pourrons faire longtemps l'économie d'un débat et d'une action portant sur les financements, car il n'est pas question pour nous d'accepter un recul de notre protection sociale. Ce serait politiquement contraire à nos convictions républicaines, socialement pénalisant pour les plus vulnérables, économiquement déstabilisant pour la croissance et, de surcroît, financièrement absurde, car c'est non pas le champ de nos couvertures sociales qui est à l'origine de nos difficultés financières, mais bien le rythme d'accroissement des dépenses.
Certes, pour faire face à ce défi immense, nous devons améliorer encore la gestion de notre système sanitaire et médico-social, effort trop longtemps éludé. Je pense, pour être précis, à cette période récente où les dépenses de santé galopaient de 5 % à 7 % par an, alors que leur augmentation a, depuis lors, été ramenée à 2, 5 %.
La réforme de l'assurance maladie instaurée par la loi du 13 août 2004 a déjà montré toute son efficacité dans la réduction du déficit. Sans elle, ce dernier aurait été de 16 milliards d'euros en 2005 ; aujourd'hui, nous l'avons réduit à 6 milliards d'euros, et nous ferons mieux encore l'année prochaine en le ramenant à 3, 9 milliards d'euros.
L'effort est très important, car, si l'assurance maladie a bénéficié d'un apport de recettes complémentaires à hauteur de 4 milliards d'euros dans le cadre du plan de redressement, on voit bien que, par rapport à un déficit tendanciel de 16 milliards d'euros, l'essentiel du chemin a été fait grâce à de moindres dépenses.
La loi portant réforme des retraites a, quant à elle, permis de sécuriser nos retraites à l'horizon de 2020. Grâce à elle, le besoin de financement du régime général de l'assurance vieillesse à l'horizon de 2020 devrait être réduit d'environ un tiers et celui des fonctions publiques de moitié. Le grand rendez-vous de 2008 se présente dans des conditions d'autant plus favorables que le chômage baisse fortement et que la natalité française progresse au point que notre pays fait figure d'exception en Europe.
Je voudrais souligner ce qui me paraît être la grande leçon de toutes les politiques de sécurité sociale menées depuis vingt ans, à savoir que la seule manière de lutter efficacement contre le déficit, la seule façon de maîtriser structurellement les dépenses, c'est d'agir sur les comportements en veillant à faire jouer la responsabilité de tous : responsabilité des patients, à travers la mise en place du parcours de soins et le choix d'un médecin traitant ; responsabilité des médecins, à travers la convention médicale ; responsabilité des pharmaciens ; responsabilité dans l'usage des médicaments, pour que la sécurité sociale finance les traitements les plus efficaces au meilleur prix ; responsabilité aussi des industriels dans la maîtrise de la promotion des médicaments.
Pour continuer à assurer cette maîtrise des dépenses, il nous faut persévérer dans ce choix de modifier les comportements, en nous appuyant sur les instruments de gouvernance que nous avons mis en place et en cherchant sans cesse à renforcer les logiques de responsabilité.
Nous n'avons pas encore été au bout des six milliards de dépenses inutiles que la Cour des comptes a identifiés. Nous obtenons des résultats sur les indemnités journalières, notamment en matière d'accidents du travail, et sur le médicament, mais nous devons continuer à agir sur les gisements d'économies qui demeurent. Je pense, par exemple, aux affections de longue durée ou aux actes inutiles ou redondants que la mise en oeuvre du dossier médical personnel permettra de limiter.
La priorité, c'est donc bien de poursuivre le redressement des comptes de la sécurité sociale. Et les chiffres prouvent que nous sommes sur la bonne voie : nous avons réduit de près de 20 % - je le rappelle - le déficit du régime général entre 2005 et 2006.