Intervention de Philippe Bas

Réunion du 6 novembre 2006 à 15h45
Prélèvements obligatoires — Débat sur une déclaration du gouvernement

Philippe Bas, ministre délégué :

Nous le réduirons à nouveau de près de 20 % entre 2006 et 2007.

Ce redressement structurel des finances sociales mérite d'autant plus d'être souligné qu'il n'empêche pas la sécurité sociale de continuer à financer une part importante de la politique de l'emploi et d'autres grandes priorités du Gouvernement : la politique salariale - avec l'intéressement et la participation, qui sont exonérés de cotisations -, la politique de santé publique, la politique du logement.

La sécurité sociale participe ainsi pleinement à la réalisation de l'ensemble de nos objectifs de finances publiques. En contribuant directement au financement des grandes politiques, elle aide l'État à tenir l'objectif de réduction de 1 % en volume de ses propres dépenses, et en réduisant sensiblement son déficit, elle contribue plus que proportionnellement à sa part dans les dépenses publiques à ramener l'ensemble des déficits au-dessous de 2, 5 % de la richesse nationale

La vraie question, c'est donc d'agir sur les comportements, dans une logique de responsabilité ; ce n'est pas de distinguer entre ce qui relève de la solidarité et ce qui relève de l'assurance. En effet, ces deux logiques sont présentes depuis l'origine au sein de notre système, et c'est leur combinaison qui fait l'originalité de la sécurité sociale « à la française ».

Depuis soixante ans, l'article 1er du code de la sécurité sociale le rappelle : si la sécurité sociale répond pleinement à une logique assurantielle contre les grands risques ou événements de la vie - la maladie, la vieillesse, les accidents professionnels, les charges familiales -, son organisation « est fondée sur le principe de solidarité nationale ».

L'originalité et je dirai même la grandeur de la sécurité sociale viennent de ce qu'elle lie de manière indissociable assurance et solidarité. Chacun contribue ainsi en fonction de ses ressources et reçoit en fonction de ses besoins : c'est un élément essentiel de notre pacte républicain en même temps qu'un facteur d'équilibre social indispensable au développement économique de notre pays.

La sécurité sociale n'est donc réductible ni à l'État ni au système assurantiel. C'est un système de solidarité collective qui accompagne chacun de sa naissance à la fin de sa vie. Elle aide les parents à réaliser leur désir d'enfant, à concilier vie familiale et vie professionnelle ; elle nous offre un revenu de remplacement lorsqu'on ne peut pas travailler pour cause de maternité, de maladie, d'invalidité ou de retraite ; elle nous permet de faire face aux accidents de la vie, notamment en matière de santé, ce qui nous donne la possibilité de préserver notre capital « santé » le plus longtemps possible ; elle nous soutient lorsque nous avons besoin d'aide, à domicile ou en établissement.

La sécurité sociale, ce ne sont pas seulement des prestations, c'est aussi un formidable élément de lien social, c'est le choix démocratique et collectif de redistribuer une partie de la richesse nationale à ceux qui en ont besoin, avec l'idée fondamentale que chacun, quels que soient ses revenus, sa situation, sa santé, pourra, lui aussi, bénéficier du système.

Je voudrais d'ailleurs souligner un point essentiel : notre système de responsabilité collective n'est pas le plus mal armé pour contenir l'évolution des dépenses.

Dans aucun pays au monde, en effet, les mutuelles et les assurances privées ne sont parvenues à enrayer la dérive des coûts de santé. L'exemple des États-Unis le montre bien. Alors même que seulement 45 % des dépenses de santé américaines sont couvertes par la protection sociale, ces dépenses atteignent 14, 6 % du produit intérieur brut contre 9, 5 % en France avec la sécurité sociale.

C'est une loi non écrite, mais que confirme l'expérience de tous les pays industrialisés - mon collègue Jean-François Copé a raison : il faut se comparer aux autres -, la sécurité sociale reste un instrument essentiel de maîtrise des dépenses de santé. Elle a la vertu de libérer du pouvoir d'achat vers d'autres consommations, en évitant que la part du revenu des ménages consacrée à la santé n'atteigne des chiffres comparables à ceux que l'on connaît aux États-Unis, pour une situation de la santé qui n'est pas meilleure qu'en France, si l'on en croit les indicateurs de l'OMS.

Mais les mesures d'économie et de bonne gestion ne suffiront pas. Pour faire face au « tsunami démographique » du vieillissement et pour financer les nouvelles technologies médicales, il faudra veiller à la préservation et au dynamisme des recettes sociales et fiscales affectées à la sécurité sociale.

Préserver les recettes de la sécurité sociale est une impérieuse nécessité.

Nous devons absolument éviter les écueils du passé, en particulier ceux de la précédente législature qui ont abouti, entre 1998 et 2002 - on peut le déplorer ! -, à priver la sécurité sociale de près de 6 milliards d'euros de recettes pour financer les 35 heures, prendre en charge les cotisations de retraite complémentaire des chômeurs, payer la dette de l'État auprès de l'Association générale des institutions de retraites des cadres, l'AGIRC, ou contribuer à l'allocation personnalisée d'autonomie, qui n'était d'ailleurs pas complètement financée.

Chacun peut calculer ce que seraient aujourd'hui les comptes de la sécurité sociale ou du Fonds de solidarité vieillesse sans ce pillage de recettes opéré à l'époque !

Nous devons également utiliser avec discernement les dispositifs d'exonération. Le dernier conseil d'orientation des finances publiques a d'ailleurs évoqué la nécessité d'un moratoire sur ces dispositifs. Et si une réflexion a été ouverte en ce qui concerne les cotisations pesant sur les heures supplémentaires, il va de soi que toute décision dans ce domaine ne pourrait être prise qu'en prévoyant une exacte compensation de la perte de recettes que cela induirait pour la sécurité sociale.

Il faudra procéder aussi, à l'avenir, à un examen critique des différentes « niches sociales » existantes. Lorsque la sécurité sociale contribue au financement d'autres politiques publiques à travers ces exonérations et que les montants en jeu atteignent plusieurs milliards d'euros, il est logique que cette contribution soit soigneusement et périodiquement réévaluée afin de s'assurer que les exonérations mises en place à un moment donné pour des raisons précises sont toujours justifiées aujourd'hui. Je partage donc les préoccupations exprimées sur ce thème par M. le rapporteur général.

Mais il faudra aller plus loin et affecter les ressources les plus dynamiques aux besoins les plus évolutifs que j'ai décrits tout à l'heure.

A ce titre, je voudrais rappeler le choix du Gouvernement de financer, à partir de 2006, les allégements généraux de cotisations sociales par l'affectation à la sécurité sociale de recettes fiscales. Ce changement provoque des effets de périmètre liés à la compensation des allégements de charges. Cela conduit à une présentation des comptes différente en 2006 par rapport aux années précédentes. Ainsi, la progression de la part des prélèvements obligatoires affectés à la sécurité sociale n'est qu'apparente, même si le financement de la protection sociale représente désormais la moitié des prélèvements obligatoires, soit 22, 2 % du PIB.

Ces recettes comprennent l'essentiel de la taxe sur les salaires pour 10 milliards d'euros, les droits sur les alcools et, à hauteur de plus de 5 milliards d'euros, la fraction de la taxe sur la valeur ajoutée assise sur les tabacs et les produits pharmaceutiques. C'est un premier pas.

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