Intervention de Philippe Marini

Réunion du 6 novembre 2006 à 15h45
Prélèvements obligatoires — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous entamons donc le cycle budgétaire par ce débat, facteur commun entre la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances initiale pour 2007.

Le calendrier du Sénat nous permet, à la différence de celui de l'Assemblée nationale, d'approfondir un peu les choses. Les commissions se sont efforcées d'y contribuer, en particulier la commission des finances qui a élaboré ce rapport écrit auquel elle a choisi de donner un titre interrogatif : Quels prélèvements obligatoires ? Pour quels besoins collectifs ?

Mes chers collègues, à l'égard de l'extérieur, et en particulier de nos partenaires européens, il est une seule réalité de l'endettement, une seule réalité du déficit public. Tous les pays développés sont aujourd'hui confrontés à la réalité incontournable du vieillissement de leur population. De ce point de vue, la Commission européenne a fait oeuvre utile et oeuvre de pédagogie en publiant, à la mi-octobre, un document qui trace des perspectives macroéconomiques et sociales bien sûr très préoccupantes.

Il y est écrit - cela fait partie des hypothèses qui ont été avancées - que l'Union européenne risque tout simplement la banqueroute au milieu du XXIe siècle si des mesures de maîtrise rigoureuses ne sont pas prises pour affronter les conséquences du choc démographique.

Nous savons depuis le rapport Charpin de 1999 que la population de la France devrait passer, d'ici à 2040, de quatre à sept retraités pour dix actifs.

Nous savons aussi - c'est une réalité scientifique et sociale incontournable - que les coûts de santé et des technologies de santé ne peuvent manquer de s'accroître, notamment dans le domaine de l'hospitalisation.

Dès lors, ces tendances lourdes étant à l'oeuvre, il va nous falloir concilier la préservation de la protection sociale, qui est, bien sûr, une valeur importante de notre société, avec la « soutenabilité » des finances publiques à moyen et à long terme. C'est un défi très sérieux.

Mes chers collègues, lorsqu'on examine les fonctions centrales que représentent les finances publiques, on s'aperçoit qu'il existe quatre séries de variables.

Il y a d'abord les dépenses de l'État, qui peuvent être maîtrisées - c'est une affaire de volonté et d'habileté - en termes de norme annuelle de progression ou de plafonnement.

Il y a ensuite les dépenses de la sécurité sociale, qui ne font pas l'objet d'une autorisation parlementaire de même nature puisque la loi de financement de la sécurité sociale se limite à faire des prévisions sans ouvrir de crédits comme peut le faire la loi de finances.

Il y a enfin les ressources, sur lesquelles je concentrerai mon propos : celles de l'État, qui sont essentiellement d'origine fiscale, et celles de la sécurité sociale, qui sont elles-mêmes de plus en plus fiscalisées.

En 1996, un compromis, en quelque sorte, est apparu et a constitué un élément permettant de revaloriser le Parlement. Dix ans plus tard, il convient de s'interroger sur l'adéquation de ce compromis au temps présent et, bien plus encore, aux années qui viennent.

Comme nous pouvons le constater en observant les flux de financement de la sécurité sociale, l'État est de plus en plus présent. La part des cotisations sociales, qui était de 90 % en 1987, n'est plus aujourd'hui que de 60 %. À l'inverse, la part des impôts et taxes affectés à la sécurité sociale, qui ne constituait que 3 % des ressources du régime général en 1978, pourrait s'élever à 28 % en 2007.

Si l'on raisonne en chiffres absolus, la contribution sociale généralisée, qui n'est autre que la part proportionnelle de l'impôt personnel sur le revenu, apportera en 2007 plus de 78 milliards d'euros de ressources, alors que les autres impôts et taxes affectés aux régimes sociaux rapporteront près de 37 milliards d'euros.

Il est bon à cet égard de revenir sur certaines modifications importantes intervenues au cours des dernières années.

Tout d'abord, un accroissement des recettes est résulté tant de la réforme de l'assurance maladie, avec l'élargissement de l'assiette de la CSG en particulier, que des lois de financement de la sécurité sociale successives, avec la hausse touchant l'industrie pharmaceutique.

Par ailleurs, la réforme du mode de financement des allégements généraux de cotisations sociales patronales menée par l'article 56 de la loi de finances pour 2006 a entraîné le transfert aux organismes de sécurité sociale d'un « paquet fiscal », sorte d'inventaire à la Prévert, composé de neuf taxes ou fractions de taxes, en lieu et place de la dotation budgétaire préexistante. Ces allégements généraux, d'un montant de 22 à 23 milliards d'euros, représentent un enjeu croissant, comme notre excellent collègue et rapporteur spécial chargé de ces questions, Serge Dassault, ne manque jamais d'en faire le rappel en commission des finances - il le répétera sans doute tout à l'heure devant le Sénat.

Pour des raisons de pédagogie, de clarté et de sens des responsabilités, la commission des finances aurait préféré, comme vous le savez, messieurs les ministres, l'affectation à ces organismes d'un bloc plus cohérent de plusieurs points de TVA.

L'examen des rapports financiers de l'État et de la sécurité sociale, du partage entre les éléments contributifs et les éléments fiscaux, fait apparaître une situation singulièrement confuse, peu propice à l'exercice de responsabilités claires. Il suffit pour s'en convaincre d'observer le tableau qui figure à la page 28 de mon rapport écrit et qui présente les impôts et taxes affectés aux différentes catégories de régimes sociaux. Bien que nous ayons fait un effort de clarté en utilisant des couleurs, cet échafaudage n'en apparaît pas moins singulier...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion