Les Français ont donc le sentiment que les économies qu'ils réalisent d'un côté sont aussitôt reprises par le biais d'autres cotisations ou d'autres prélèvements.
Le résultat de cette évolution, c'est que, pour la première fois cette année, les prélèvements sociaux devraient représenter à eux seuls plus de la moitié des prélèvements obligatoires, à savoir 395 milliards d'euros sur un montant total de 784 milliards d'euros, ce qui correspond à 22, 2 % du PIB.
Si nous sommes tous, dans cet hémicycle, des initiés sur ces sujets, nos concitoyens n'ont en revanche pas toujours une juste perception du poids réel des prélèvements ou de la répartition de ces derniers, puisqu'ils ne font pas toujours la distinction entre ceux qui sont liés à la sécurité sociale et ceux qui sont adoptés en projet de loi de finances. Or nous savons tous, ici, que l'écart entre le poids des dépenses de la sécurité sociale et le poids du budget de l'État avoisine les 100 milliards d'euros.
En effet, si nous sommes habitués, depuis 1986, c'est-à-dire depuis vingt ans maintenant, à ce que les prélèvements sociaux dépassent ceux de l'État, le fait que les prélèvements obligatoires dépassent aujourd'hui la totalité des autres prélèvements est, en revanche, vraiment nouveau.
Avant d'évoquer devant vous certaines perspectives d'avenir, je voudrais commencer par analyser la situation actuelle.
Cette année, l'évolution des prélèvements sociaux est d'abord la conséquence d'une série de mesures récentes, adoptées au moment de la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale et des projets de loi de finances des dernières années, dans le cadre, d'une part, de la réforme des retraites et, d'autre part, de celle de l'assurance maladie. Mais elle est aussi l'aboutissement d'un processus de long terme qui a entraîné un remodelage complet des prélèvements sociaux.
L'augmentation récente des prélèvements sociaux a plusieurs causes. Ainsi, en 2006, ces prélèvements ont augmenté de 1, 1 point de PIB - c'est loin d'être négligeable - sous l'effet de deux facteurs.
Il s'agit, premièrement, de l'augmentation des recettes, par le biais non seulement de la hausse des cotisations affectées à la Caisse nationale d'assurance vieillesse, à la branche accidents du travail et à l'UNEDIC, à hauteur de 2 milliards d'euros, mais aussi de la modification, réalisée l'année dernière, du régime des prélèvements sociaux sur les intérêts produits par les plans d'épargne logement de plus de dix ans, qui a entraîné un gain de 2, 7 milliards d'euros.
Il s'agit, deuxièmement, de la décision du Gouvernement de transférer un panier de neuf recettes fiscales à la sécurité sociale - M. le rapporteur général s'est longuement attardé sur ce point - pour financer la compensation des allégements de cotisations patronales de sécurité sociale sur les bas salaires, ce qui s'est traduit par l'affectation de 19, 4 milliards d'euros aux administrations de sécurité sociale.
Ce transfert, par un effet miroir, a évidemment eu pour conséquence directe de diminuer les prélèvements de l'État d'un montant identique. Comme viennent s'y ajouter les mesures de baisse d'impôts votées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, on constate au total cette année une diminution des prélèvements de l'État de 1, 2 point de PIB.
En 2007, les prélèvements de l'État poursuivront leur baisse, perdant 0, 4 point de PIB du fait de l'entrée en vigueur de la réforme fiscale, votée l'année dernière, dont l'impact est estimé à environ 6 milliards d'euros.
L'année prochaine, le taux des prélèvements sociaux sera maintenu à 22, 2 % du PIB. Après deux années de hausse, 2007 sera donc une année de stabilisation. Cette situation est le résultat de plusieurs évolutions de sens contraires.
Tout d'abord, une bonne tenue générale de la progression des recettes a été enregistrée, grâce à une masse salariale dynamique et des assiettes « patrimoine » et « placements » de la CSG également dynamiques.
En revanche, l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 entraînera des pertes de recettes, dues, notamment, au passage en régime de croisière du dispositif de prélèvements sociaux sur les intérêts des plans d'épargne logement, à hauteur de 2, 1 milliards d'euros. Par ailleurs, le retour à 1 % du taux de la taxe sur l'industrie pharmaceutique, qui avait été porté l'année dernière, exceptionnellement, à 1, 76 %, provoquera une perte de recettes de 170 millions d'euros. En outre, les allégements de cotisations sur les salaires au niveau du SMIC dans les entreprises de moins de vingt salariés, nouvelle mesure annoncée par le Premier ministre dont le coût est estimé à 320 millions d'euros, seront adoptés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007.
Quelques rares recettes nouvelles sont prévues. Afin de compenser en partie ces allégements de cotisations, 480 millions d'euros des droits sur les tabacs seront transférés. Ce montant sera néanmoins amputé - nous y sommes habitués ! - de 230 millions d'euros, que la Caisse nationale de l'assurance maladie devra reverser au fonds CMU-C. Par ailleurs, l'incidence de la réforme du barème de l'impôt sur le revenu sur le calcul de la CSG sur les revenus du patrimoine engendrera une recette supplémentaire de 500 millions d'euros. De plus, la modification du régime de versement des acomptes des prélèvements sociaux sur les placements permettra, en 2007, une anticipation de recettes de 430 millions d'euros.
Je voudrais m'attarder un instant sur cette dernière mesure, pour souligner - et regretter, car ce n'est en effet pas la première fois que de telles mesures sont prises - la très grande fragilité des recettes liées à l'anticipation des prélèvements sociaux sur les produits de placement.
Ce sont des mesures « à un coup », qui ont un effet trompeur sur la construction de l'équilibre des comptes. L'an dernier, la mesure sur les plans d'épargne logement, par exemple, a permis d'engranger plus de 2 milliards d'euros, et donc de réduire le déficit de la sécurité sociale pour 2006 d'un montant non négligeable. Mais comment retrouver une telle somme en 2007 ? On avait pensé à l'assurance vie, mais l'idée a été très rapidement abandonnée ! Au demeurant, il n'est pas possible de réduire durablement un déficit avec des mesures dont l'effet est seulement annuel.