Intervention de Alain Vasselle

Réunion du 6 novembre 2006 à 15h45
Prélèvements obligatoires — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle, rapporteur :

Elle exigerait également une modification des programmes des URSSAF. Même si tout est possible techniquement, ce serait quand même, il faut le savoir, une contrainte supplémentaire !

Ce qui est plus préoccupant et plus délicat pour la sécurité sociale, c'est qu'une telle mesure rendrait plus difficile l'identification des sommes compensées et « brouillerait » la politique menée par l'État en faveur de l'allégement du coût du travail sur les bas salaires.

Il faut noter que cette proposition s'accompagne désormais, de plus en plus souvent, d'une remise en cause des exonérations elles-mêmes. Aurait-on atteint aujourd'hui la limite de cette politique ?

Il est vrai que la progression très dynamique et immaîtrisable de ces dépenses pose une réelle difficulté. À cet égard, les récentes observations de la Cour des comptes sur le bilan de ces allégements présentent un réel intérêt.

Il en ressort que les mesures d'allégements généraux ont certainement permis un « enrichissement » de la croissance en emplois peu qualifiés, mais que leur coût est très élevé. La Cour précise que 1 % de hausse du SMIC entraîne un coût supplémentaire pour les finances publiques, au titre des allégements de charges, de 600 millions d'euros.

La Cour des comptes est beaucoup plus critique pour les dispositifs d'exonération ciblés sur des publics particuliers ou sur des territoires, qu'elle juge « à la fois nombreux, instables et d'efficacité très inégale ».

Au total, elle estime que l'ensemble des allégements a « un coût permanent très élevé pour les finances publiques. Leur efficacité quantitative reste trop incertaine pour qu'on ne s'interroge pas sur la pérennité et l'ampleur du calibrage du dispositif. » La Cour indique même, à titre d'exemple, que l'abaissement du seuil de sortie des exonérations de 1, 6 SMIC à 1, 3 SMIC réduirait le coût pour les finances publiques d'environ 7 milliards d'euros - un coût que supporteraient les entreprises, me direz-vous ! - ou que le fait de réserver le bénéfice des exonérations sur les bas salaires aux entreprises de moins de vingt salariés le réduirait de 9 milliards ou 10 milliards d'euros.

Ces conclusions doivent nous faire réagir, et je serais heureux, messieurs les ministres, d'entendre votre opinion à cet égard. Que vous inspirent ces observations de la Cour des comptes en termes de remarques, voire de choix ou d'initiatives pour l'avenir ?

En effet, avec la baisse du chômage qui semble se confirmer mois après mois, peut-être devient-il possible de réexaminer le dispositif des allégements de charge, non pas - j'insiste sur ce point ! - en maintenant les exonérations et en diminuant leur compensation, mais bien en revoyant le dispositif d'exonération lui-même. Personnellement, je ne suis pas persuadé que les Français comprendraient que l'on pratique des exonérations un jour et que, le lendemain, on modifie le système de compensation pour redonner des ressources au budget de la sécurité sociale !

Mes chers collègues, le principal défi des mois à venir est bien celui du financement de la protection sociale. Les dernières réformes, notamment celle de l'assurance maladie, ont permis de bien progresser dans la maîtrise des dépenses. M. Philippe Bas en a fait état, et nous y reviendrons à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Bien entendu, il faudra ne pas relâcher les efforts et poursuivre dans la voie des économies. C'est sans doute l'un des exercices les moins faciles à réaliser.

Mais, au rythme auquel vont inéluctablement s'accroître les dépenses, tant les dépenses de santé, liées par exemple au progrès technologique - la recherche de nouvelles molécules, par exemple - que les dépenses résultant du vieillissement de la population, et ce malgré les sensibles progrès accomplis, nous devrons réfléchir au cours des années à venir au moyen de trouver de nouvelles recettes pour le budget de la sécurité sociale, en particulier pour l'assurance maladie.

Le Président de la République a lancé, au début de cette année, une réflexion sur une modification de l'assiette des cotisations sociales, en ne la limitant pas aux seuls salaires mais en l'élargissant à la valeur ajoutée, de façon à ne pas pénaliser l'emploi.

Ainsi que Philippe Marini y a fait allusion tout à l'heure, plusieurs instances et groupes de travail ont approfondi la question et examiné différentes options : une cotisation sur la valeur ajoutée, la modulation des cotisations sociales en fonction du rapport entre masse salariale et valeur ajoutée, la création d'un coefficient emploi-activité, l'institution d'une contribution patronale généralisée - autant de solutions très techniques -, ou encore la réduction des niches sociales, voire la mise en place de la TVA sociale. Le rapporteur général s'est attardé sur cette dernière solution et le président de la commission des finances y reviendra sans doute.

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