Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en cette dernière année de quinquennat, et à l'aube de l'examen du dernier budget de la législature, comment ne pas vous rappeler à vos promesses électorales ?
En effet, en dépit de vos engagements, le niveau global des prélèvements obligatoires a augmenté depuis 2002. L'ensemble de tous les impôts et des cotisations sociales perçus par les administrations publiques et par l'Union européenne sont passés de 43, 1 % du PIB en 2002 à 44 % du PIB en 2006.
Par ailleurs, au-delà de l'effet taux, la facture s'est alourdie en six ans de plus de 144 milliards en euros courants, passant de 667, 6 milliards de prélèvements obligatoires effectifs en 2002 à 811, 7 milliards d'euros attendus en 2007.
Monsieur Copé, lors de votre présentation du projet de budget pour 2007, vous aviez fortement insisté sur l'impact que devaient avoir sur le pouvoir d'achat des mesures de revalorisation de la prime pour l'emploi et des baisses de l'impôt sur le revenu. En revanche, vous vous étiez montré alors beaucoup plus discret sur l'évolution des prélèvements obligatoires pendant le quinquennat. Et l'on comprend évidemment pourquoi !
La hausse des prélèvements obligatoires est lourde de conséquences pour les foyers fiscaux de ce pays, déjà fort sollicités. La progression de ces prélèvements représenterait en effet une moyenne de 531 euros pour chaque foyer fiscal. C'est un énorme sacrifice que vous imposez ainsi à nos concitoyens, et ce pratiquement sans aucun résultat pour le plus grand nombre.
De fait, nous ne pouvons que constater une explosion de la dette publique, en hausse de plus de dix points de PIB entre 2001 et fin 2005, soit près de 2 700 euros de plus par Français. De 2001 à 2005, la dette publique a connu une dégradation historique, et il faudra attendre au mieux 2009, selon nos estimations, pour la voir retrouver son niveau de 2001, et encore sous condition de croissance optimale.
En outre, les « cadeaux fiscaux » du Gouvernement aboutiront à ce que les 10 % de Français les plus riches bénéficient des deux tiers des baisses d'impôts sur le revenu, soit près de 5, 5 milliards d'euros sur un total de 8, 5 milliards d'euros.
Ces développements chiffrés ne sont pas inutiles ; ils traduisent le choix d'une politique fiscale injuste et insincère que vous avez fait et que nous ne cessons de dénoncer !
En cinq ans, le Gouvernement a modifié le périmètre des prélèvements obligatoires. Il a modelé leur structure à sa guise, au service des personnes les plus aisées et au détriment de nos concitoyens les plus modestes.
En effet, la baisse du montant des impôts qu'aurait dû percevoir l'État a été plus que largement compensée par l'augmentation de la fiscalité locale, pourtant plus injuste !
Cette situation est inéquitable parce que le Gouvernement a été défaillant : il n'a pas compensé les transferts de compétences au niveau local, à l'euro près, comme il s'y était engagé, et il a laissé dériver les comptes sociaux.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : dans le projet de budget pour 2007, 35, 7 % des prélèvements obligatoires sont destinés à l'État et aux administrations locales, et seulement 13 % aux collectivités locales, contre 50, 7 % perçus au profit de la sécurité sociale !
Mes collègues Jean-Claude Frécon et Jean-Pierre Michel reviendront tout à l'heure sur ce délestage financier de l'État.
L'aggravation des déficits publics, dont sont responsables les deux derniers gouvernements depuis 2002, résulte de décisions qui consistent à se priver de ressources sociales et fiscales. En combattant l'impôt - vous avez en effet choisi de réduire le rôle de l'État -, vous diminuez la portée du principe de redistribution.
L'impôt, quand il est justement prélevé, n'est pas un gros mot. C'est la contribution de chacun au développement du pays et à la solidarité nationale.
En réalité, le niveau des prélèvements obligatoires ne suffit pas à déterminer si une politique fiscale est juste et utile pour la nation.
Au-delà du taux, la vraie question porte sur l'assiette des prélèvements et sur la finalité de ces derniers. C'est pourquoi il importe à mon avis de relativiser les comparaisons avec d'autres pays. Elles sont difficiles et souvent sans véritable enseignement applicable en l'état dans la mesure où les deux critères que j'évoquais tout à l'heure diffèrent d'un pays à l'autre. On pourrait dire que, idéalement, il faudrait réaliser la meilleure synthèse des meilleurs exemples.
Selon nous, des prélèvements obligatoires équilibrés permettent de fournir un niveau élevé de services publics et de biens collectifs qui ne peuvent être entamés par un affichage volontariste, voire électoraliste, de baisse du taux des prélèvements obligatoires. Ils sont l'instrument qui permet de corriger les inégalités de la gestion de plus en plus libérale de l'économie de marché que vous défendez.
Vous n'avez pas su utiliser ce levier pour rendre la France plus compétitive, pour soutenir la croissance et faire progresser le pouvoir d'achat.
Vous n'avez pas assuré l'indispensable efficacité sociale des prélèvements obligatoires, qui équilibre la répartition des richesses.
Par idéologie, vous préférez faire peser sur le plus grand nombre l'adaptation de la France à la compétition économique mondiale. Vous épargnez, pour ce faire, une minorité, favorisée, qui n'aura jamais à redouter les fins de mois difficiles. Vous défendez des intérêts privés catégoriels au détriment de l'intérêt général !
Les chiffres sont éloquents. Selon la Cour des comptes, 10 % des contribuables ont bénéficié de 69 % du montant total de la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu de 2002, 4, 5 % ont profité de 56 % de la baisse de 1 % décidée en 2003, et seulement 2, 9 % des contribuables ont tiré parti de 45 % des allégements des 3 % de baisse consentis en 2004.
De fait, c'est moins la hausse des prélèvements obligatoires qui a conduit les Français à sanctionner la majorité actuelle par leurs votes depuis 2002, que ce que vous en avez fait.
Les Français savent, parce qu'ils le vivent au quotidien, que le seul fonctionnement du marché ne permet pas une bonne et juste redistribution de la richesse ainsi créée.
Une fiscalité juste permet la progressivité de l'impôt pour améliorer la redistribution. La réduction continue et sensible de la part de l'État dans les prélèvements obligatoires ainsi que la réforme du barème intervenue dans la loi de finances pour 2006 ont engendré un net recul de la progressivité et donc de la justice fiscale.
Les prélèvements obligatoires doivent être, à notre sens, affectés à deux priorités principales : d'une part, aux dépenses d'investissement pour entrer de plain-pied dans l'économie de la connaissance et amorcer ainsi un cycle vertueux de création de richesses, et, d'autre part, à la prise en charge des questions structurelles de l'emploi, de la santé et des retraites.
Avoir une fiscalité juste, c'est avoir la volonté politique de dégager des moyens supplémentaires en modifiant la structure des recettes.
Enfin, nous ne pouvons que critiquer la méthode que vous employez pour faire passer votre politique fiscale. Elle est souvent faite de faux-semblants, de trompe-l'oeil et d'artifices.
Le mot qui est le plus régulièrement utilisé, et pas uniquement sur les travées de la gauche, pour qualifier vos budgets, c'est « insincérité » ; et cette insincérité est confirmée par le fossé qui existe entre votre discours et les faits.
Alors que vous annoncez la chasse aux niches fiscales, tout reste en l'état ! Le démantèlement organisé de l'impôt de solidarité sur la fortune, par le biais d'amendements adoptés nuitamment ou à la sauvette, est un autre exemple. Mais là, votre idéologie bute sur la peur de la sanction électorale, ce qui vous retient d'aller au bout de votre démarche.
En cette fin de législature, il est évident que la politique que vous avez menée en réalité est une « non-politique » fiscale, économiquement inefficace, socialement injuste et politiquement irresponsable.