Paradoxalement, les gouvernements des pays qui prônent une politique où le marché décide des équilibres et où l'impôt est faible savent aussi utiliser le produit de l'impôt pour dynamiser certains secteurs par l'orientation des dépenses d'investissement et corriger les déséquilibres sociaux induits par le seul marché. Privilégions les exemples de pays comme la Nouvelle-Zélande, le Canada ou la Belgique, qui sont revenus à l'équilibre budgétaire par une réduction de la pression fiscale et par des coupes dans les dépenses évitables, ce qui, de plus, a finalement favorisé une baisse importante du chômage.
Il s'y ajoute un constat : la mondialisation a renforcé la très grande fluidité des capitaux, qui se portent logiquement vers les pays où le rendement et la sécurité s'additionnent. À cela s'ajoute une mobilité des cadres, lesquels choisissent les pays où les salaires nets sont les plus attrayants.
Il suffit de consulter les choix que font les élèves issus de nos grandes écoles. Autrefois ils se destinaient, en très forte majorité, à une carrière hexagonale. Aujourd'hui, ils considèrent que le marché du travail, c'est le monde. Ils consultent les offres d'emplois en Australie, en Californie, à Londres ou ailleurs et décident de leur destination en fonction de la qualité de vie, laquelle est en relation avec le salaire proposé.
Les économies développées, et en particulier la nôtre, nécessitent avant tout savoir-faire et intelligence.
Si la qualité de la main-d'oeuvre française se situe au tout premier rang, il est évident que son encadrement joue un rôle majeur. La comparaison de la fiscalité directe des salaires et des charges des pays de l'OCDE nous donne des indications fortes sur l'évolution que doit connaître notre fiscalité.
Quelques chiffres sont révélateurs : alors que le poids des prélèvements obligatoires dans notre PIB est passé de 42, 8 % à 43, 7 % entre 1990 et 2000, il est passé aux États-Unis de 26, 7 % à 26, 4 %, avec une croissance moyenne sur quinze ans supérieure d'environ 1, 2 point.
Le niveau de nos prélèvements obligatoires se situe parmi les plus hauts d'Europe, derrière la Suède, le Danemark et la Belgique. Il est de 3, 5 points supérieur à la moyenne de l'Union européenne.
Si l'on considère les prélèvements directs sur les entreprises, ce taux est proche de 17 % contre moins de 10 % pour les autres grands pays européens.
Les soixante taxes sur les facteurs de production rendent le contexte ubuesque tellement il est difficilement lisible.
L'OCDE a souligné, en 2005, que le système français de l'emploi est porteur de précarité. Cette critique met en avant que les salariés peu ou pas qualifiés coûtent plus cher que dans n'importe quel autre pays de l'OCDE : un SMIC français coûte 54 % de plus qu'un salaire médian, contre 33 % de plus aux États-Unis, 40 % de plus en Belgique, 36 % de plus en Espagne.
L'utilisation des prélèvements obligatoires influe bien entendu fortement sur le niveau de fiscalité des salaires et des charges. La tendance des gouvernements consiste à augmenter ces prélèvements afin de satisfaire aux besoins de l'État, ce qui engendre ainsi - je le souligne de nouveau - une aggravation du chômage.
Les ménages ou les entreprises sont de bien meilleurs gestionnaires : ils ne pourraient survivre en supportant année après année un tel déficit. N'oublions pas que plus leur revenu disponible est grand, mieux l'économie se porte ! Le bon sens ne doit pas être étranger à la fiscalité.
Néanmoins, la complexité est telle que, comme je l'ai souligné, il est difficile d'être péremptoire.
Prenons deux exemples opposés.
En Suède, le taux de prélèvements obligatoires est de 6 points de PIB supérieur à celui de la France, mais la fiscalité sur les entreprises et les revenus du capital est nettement moins élevée. Ce pays garde un niveau élevé de redistribution grâce à ses investissements massifs dans la recherche et le développement, avec une fiscalité qui ne décourage pas ses principaux acteurs - chercheurs, entrepreneurs ou financiers -, ce qui est trop souvent le cas dans notre pays.
Le contre-exemple du Royaume-Uni est instructif. Mme Thatcher, qui n'a pas séduit la plupart des Français, a rompu de façon drastique avec la politique menée par les gouvernements travaillistes - c'est-à-dire socialistes - qui l'avaient précédée.
La France avait, à l'avènement de Mme Thatcher, un PIB supérieur d'environ 25 % à celui du Royaume-Uni. Aujourd'hui, le PIB du Royaume-Uni tend à dépasser le nôtre.
Il est très difficile de transposer une politique d'un pays à un autre et les prélèvements obligatoires ne sont qu'un élément, même s'il s'agit d'un élément majeur. Mais au nom de quoi devrions-nous refuser la comparaison ?
Quitte à infirmer l'exemple que j'ai pris, j'ajoute que l'industrie britannique s'est étiolée alors que les entreprises du CAC 40 sont souvent les premières dans la compétition internationale.
Quoi qu'il en soit, la croissance britannique a été très supérieure à la nôtre et son taux de chômage - peu importe la façon de le mesurer ! - très inférieur au nôtre. Nous ne sommes égaux que dans la tranche de population souffrant de la pauvreté.
Il est un sujet tabou que peu oseront aborder, car la plupart des politiques donnent une connotation idéologique et même morale à la finalité de l'ISF.
Bien sûr, il est normal que les plus grands revenus subissent la plus grande fiscalité, d'autant que la TVA touche tous les consommateurs. Mais la seule question qui demeure concerne son incidence sur l'économie française.
L'ISF engendre-t-il des ressources fiscales supérieures à celles qu'il fait disparaître ? La richesse patrimoniale de notre pays est-elle plus grande ? La réponse est, nous le savons tous, négative.
De nombreuses PME et de nombreux biens immobiliers sont rachetés par des investisseurs étrangers. Pourquoi ne pas remplacer l'ISF par un impôt sur le revenu de la fortune ?
Seules les réponses à ces questions devront motiver le maintien, l'évolution ou la suppression de l'ISF.
Le rapport de M. le rapporteur général apporte une réponse, qui a reçu le soutien d'une importante majorité de la commission des finances.
Les mesures votées dans les derniers projets de loi de finances vont heureusement dans le sens d'une limitation de la nature confiscatoire des prélèvements obligatoires : bouclier fiscal à 60 % des revenus, réforme de l'IRPP par refonte des barèmes et écrêtement des taux pour un allègement total de 26 % depuis 2002, réforme de l'impôt sur les sociétés par la révision du régime des produits des plus-values et moins-values à long terme ou suppression de la surtaxe Juppé.
Faire payer les riches sonne peut-être bien, mais l'argument semble un peu limité. Ce qui importe, c'est la santé de l'économie nationale, donc l'intérêt général.
N'oublions pas le profond mécontentement des classes moyennes, estimées à 40 % des salariés par l'Observatoire des inégalités, car c'est un groupe social dynamique impulsant la croissance.
Ces classes moyennes se sentent piégées et désillusionnées : taxées par l'impôt sur le revenu et bénéficiant moins des prestations sociales, elles ont bien conscience aujourd'hui que l'ascenseur social n'existe guère. Gravir les échelons grâce au fruit de son travail n'est plus mécanique. En revanche, la menace de perdre son emploi s'accentue.
Faire de l'Europe la zone économique la plus compétitive du monde était l'objectif affiché lors du Sommet de Lisbonne.
Avec un niveau de dépenses publiques qui s'élève à 54, 2 % du PIB en 2005, la France est mal placée par rapport à la majorité des pays de la zone euro, qui sont à 48, 3 %.
Nous ne pouvons accepter que les transferts sociaux augmentent plus que la production alors que le taux de pauvreté ne baisse plus depuis quinze ans.
Cette incohérence doit nous amener à mettre en oeuvre une nouvelle fiscalité.
J'ajoute que continuer à augmenter la dette de plus de 40 milliards d'euros chaque année quand le PIB augmente de 25 milliards en moyenne depuis 1990 en euros constants n'est pas une position tenable.
Le rapport de Christian Saint-Étienne et de Jacques Le Cacheux, Croissance équitable et concurrence fiscale, nous donne des pistes. Ses auteurs proposent une courageuse réforme d'ensemble de la fiscalité directe française pour l'adapter à la concurrence fiscale européenne et fixe un double objectif d'efficacité économique et d'équité fiscale.
Ils proposent notamment de réduire l'impôt sur les sociétés à 18 % - ce qui placerait la France dans la moyenne des grands pays européens -, de diminuer les taux moyens et marginaux de l'IRPP ainsi que le nombre de tranches et de supprimer un certain nombre de niches fiscales induites par la trop forte pression fiscale.
La réforme de la fiscalité est ardue, controversée, et sans doute impopulaire. Mais l'état des finances publiques et l'énormité de la dette de notre pays sont inacceptables. Ayons le courage de faire face et d'assainir nos finances publiques !
Le risque majeur encouru serait l'expatriation des cerveaux et en particulier des jeunes, qui n'accepteront plus une politique consistant à accroître une dette payée par les générations futures plutôt qu'à accumuler du capital pour une croissance future.
Le système de prélèvements doit donc être repensé en se donnant l'objectif d'une fiscalité incitative pour favoriser l'esprit d'entreprise, le travail et le maintien des élites françaises sur notre territoire.
Le seul intérêt à prendre en considération est l'intérêt général. C'est ce que les Français, dans leur très large majorité, nous demandent. Ils nous demandent de faire, plutôt que de chercher à plaire !