Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le peu de temps qui nous est laissé pour débattre de ce projet de loi ratifiant l'ordonnance prévue à l'article 51 de la loi portant engagement national pour le logement, permettez-moi tout d'abord quelques remarques sur la forme.
Chacun s'en souvient, l'ordonnance portant sur le statut des sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété a été introduite dans la loi portant engagement national pour le logement par le biais d'un amendement d'origine gouvernementale : en clair, la manoeuvre visait à contourner la procédure habituelle, qui exige, notamment, que soient soumis à l'avis du Conseil d'État les projets de loi déposés sur le bureau des assemblées.
De plus, le texte de l'amendement tendait à forcer la main au réseau des sociétés de crédit immobilier pour les contraindre à participer au financement de la politique gouvernementale de la ville et du logement par le biais de l'affectation d'une part significative de leur trésorerie.
En effet, lors de la discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement, M. le ministre avait rappelé que la mutation statutaire des sociétés de crédit immobilier devait se conclure par le versement par la Société centrale de crédit immobilier d'une forme de droit d'entrée, d'un montant de 500 millions d'euros, destiné à financer les nouvelles orientations de la politique d'accession sociale à la propriété.
Quelles sont donc ces orientations qui nécessiteraient de solliciter ainsi la trésorerie de ces sociétés et d'installer ce prélèvement dans la durée, alors même que certaines des annonces faites depuis plusieurs mois peinent à trouver leur traduction concrète ? Je rappellerai, pour étayer mon propos, qu'il est désormais clairement établi par les services des directions départementales de l'équipement que le niveau de la construction de logements sociaux n'est pas aussi élevé qu'on a bien voulu nous l'annoncer dans nos plus récents débats et que les « maisons à 100 000 euros » ont quelque peine à sortir de terre... À moins qu'il ne s'agisse pour le Gouvernement de favoriser le déroulement des opérations de cession de logements HLM mis en vente par les actuels bailleurs !
Ce sont donc 500 millions d'euros qui seront très prochainement ponctionnés sur les ressources des sociétés de crédit immobilier et plusieurs autres dizaines ou centaines de millions qui pourront être régulièrement mobilisées, sans qu'il soit pour autant possible de constater d'engagement similaire de la part du Gouvernement lui-même. Car c'est bien là que se situe le principal écueil du texte dont nous débattons, et j'en viens à des observations de fond quant à son contenu.
Quand il s'agit de mener une politique du logement dans ce pays, le législateur opte trop souvent pour le développement de l'incitation fiscale et le recours assez massif à des recettes « obligées » provenant d'autres caisses que de celles du budget général.
Comment ne pas pointer, par exemple, les 2 150 millions d'euros que l'État s'apprête à prélever sur la Caisse des dépôts et consignations, correspondant au produit des plus-values de cession de parts des sociétés d'épargne, pour alimenter l'équilibre du budget général ?
Comment ne pas relever les 500 millions d'euros ponctionnés sur les sociétés de crédit immobilier, les 700 millions d'euros confisqués aux collecteurs du 1 % logement, qui viennent se substituer, dans les faits, à ce qui devrait être la contribution de l'État au financement de la politique de rénovation urbaine ?
Ce choix est contestable au regard des besoins en logement dans notre pays.
Nous ne trouverions pas scandaleux de relever de quelques dixièmes de point les taux d'imposition du barème de l'impôt sur le revenu ou celui des plus-values de cession de droits immobiliers, si les sommes ainsi collectées étaient, par exemple, mobilisées pour financer la politique du logement et pour mettre un terme à la scandaleuse situation de « mal-logement » vécue par plusieurs millions de nos compatriotes.
Utiliser l'argent des SACI, futures SACICAP, revient à demander aux accédants à la propriété, quand ils essaient coûte que coûte de rembourser leurs emprunts, de contribuer au logement des « mal logés », tandis que les spéculateurs immobiliers bénéficient, aujourd'hui, d'une large défiscalisation de leurs investissements stratégiques à moyen et long terme.
Le schéma proposé par le présent projet de loi n'est donc pas, à nos yeux, recevable.
D'une ordonnance validée au travers d'un amendement de dernière minute, nous arrivons en effet à un texte soumis à déclaration d'urgence, tendant à accélérer et à pérenniser les prélèvements sur fonds des sociétés de crédit immobilier.
Pendant ce temps-là, les spécialistes de la vente à la découpe, favorisés par le régime des sociétés foncières, créé sur commande par un amendement de notre collègue Philippe Marini, et les spéculateurs de toutes obédiences peuvent dormir tranquilles : ce n'est pas encore demain qu'ils seront mis à contribution pour que le droit au logement devienne une réalité pour tous ceux qui en sont aujourd'hui privés !
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen ne votera pas ce texte.