Intervention de Renaud Dutreil

Réunion du 23 mars 2005 à 16h00
Transposition du droit communautaire à la fonction publique — Adoption d'un projet de loi

Renaud Dutreil, ministre :

Je vous confirme qu'il est en cours d'achèvement et qu'il devrait être soumis dans les prochaines semaines au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Je souhaitais qu'il puisse être examiné par votre assemblée avant la fin du mois de juin, mais, comme vous le savez, les délais entraînés par l'organisation du référendum ont remis en cause ce schéma. Croyez bien que je ferai mon possible pour que vous puissiez en être saisis dès la rentrée parlementaire, en octobre 2005.

Je ne m'étendrai pas sur ces sujets, car le temps qui nous est imparti pour examiner le projet de loi que je vous présente aujourd'hui est compté. Ce dernier transpose plusieurs mesures de droit communautaire concernant la fonction publique : résorber la précarité dans la fonction publique, poursuivre l'ouverture de notre administration aux ressortissants européens, lutter contre les discriminations, tels sont les objectifs principaux de ce texte.

Le dispositif le plus important concerne les conditions d'emploi des contractuels de la fonction publique. Il permettra de mettre un terme à des conditions de précarité qui ne sont pas acceptables.

Quelle est, en effet, la situation aujourd'hui ?

Le statut actuel de la fonction publique est fondé sur une inégalité radicale : d'un côté, les fonctionnaires titulaires ont droit à une protection intégrale ; de l'autre, les contractuels ont des conditions de sécurité très inférieures à celles des salariés du secteur privé, puisqu'il n'existe pas de contrat à durée indéterminée, ou CDI, dans la fonction publique.

Ce régime à « deux poids deux mesures » crée une situation peu acceptable : les employeurs publics, l'Etat et les collectivités territoriales, peuvent employer des agents sur des contrats à durée déterminée, ou CDD, sans aucune limitation de durée. Des exemples récents ont montré que des contrats à durée déterminée pouvaient être renouvelés des dizaines de fois.

Sauf à passer un concours de fonctionnaire - ce qui ne leur est pas forcément possible - ces contractuels n'ont aucun espoir de voir leur situation consolidée. Cela engendre des situations parfois critiques : le logement, les emprunts, les relations avec les banques, tout est plus difficile pour eux.

Pour y remédier, le projet de loi qui vous est présenté n'autorise le renouvellement des contrats à durée déterminée que pour une durée totale de six ans.

Au-delà, le contrat sera transformé en contrat à durée indéterminée. Par ailleurs, les agents de plus de cinquante ans et justifiant de huit ans de service public bénéficieront de la transformation automatique de leur CDD en contrat à durée indéterminée.

Cette mesure est, je le crois, la seule qui soit efficace. Par le passé, des « plans de titularisation » avaient certes été mis en place, mais ils n'étaient pas satisfaisants. Ces plans ne réglaient pas le problème de manière définitive et laissaient toujours beaucoup de monde au bord de la route. Il me semble que nous avons trouvé avec ce texte - il faut le dire, grâce à l'Europe - un bon moyen de sortir de la précarité les agents non titulaires.

Il s'agit d'une mesure de justice et d'équité, qui n'entraîne aucune dépense supplémentaire pour l'Etat et ne remet en rien en cause le statut des fonctionnaires auquel le Gouvernement est attaché. Cette mesure s'applique aux trois fonctions publiques.

Par ailleurs, le projet de loi parachève l'ouverture de la fonction publique française aux ressortissants de l'Union européenne.

Cette ouverture, qui résulte du principe de libre circulation des travailleurs, favorise la prise de conscience, au sein des administrations, de la réalité de l'Union et renforce le sentiment d'appartenance commune. Par ailleurs, l'ouverture est une occasion pour nos cultures administratives de se confronter et de s'enrichir mutuellement. Nous avons donc tout à y gagner.

Or, dans la situation actuelle, la fermeture est la règle et l'ouverture l'exception, les corps étant ouverts au cas par cas. Nous allons donc renverser la situation : l'ouverture sera la règle et la fermeture, l'exception.

Ainsi, l'ensemble des corps de la fonction publique sera désormais ouvert au recrutement par concours des ressortissants de l'Union. En cours de carrière, l'entrée des ressortissants par détachement dans tous les corps de la fonction publique sera possible. Seul l'accès aux emplois relevant de la puissance publique continuera à être conditionné par la nationalité française.

Les règles antérieures révélaient une certaine frilosité de la fonction publique, qui n'avait accepté que d'entrouvrir ses portes sous pression de la Commission. Désormais, la lettre et l'esprit du droit communautaire seront respectés.

Des ressortissants européens pourront ainsi accéder progressivement aux corps de direction de l'Etat. Nous avons déjà reçu plusieurs demandes d'élèves européens de l'école nationale d'administration, l'ENA, qui souhaitent intégrer la fonction publique française. Nous leur proposons aujourd'hui des contrats. Demain, ils pourront être recrutés sur un pied d'égalité avec leurs camarades français.

Ce nouveau cadre permettra d'enrichir notre fonction publique, par l'échange réciproque d'expériences et de cultures professionnelles. La collaboration, au sein d'un même service, entre Français, Allemands, Italiens ou Suédois, par exemple, ne peut que donner de nouveaux horizons au travail de chacun et être bénéfique à tous.

Deux autres points du projet méritent d'être signalés. Ils concernent l'application du principe communautaire de non-discrimination et la continuité des contrats.

Le projet de loi renforce la lutte contre les discriminations, conformément aux règles du droit communautaire en la matière. En particulier, il met fin à certaines différences de traitement entre hommes et femmes pour les dérogations aux limites d'âge ou aux conditions de diplôme au moment du recrutement.

Enfin, il impose la continuité des contrats des agents publics en cas de transfert d'une activité du secteur privé à l'administration, en application de la directive 2001/23 du 12 mars 2001 relative au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises. L'administration aura l'obligation de reprendre les personnels, à l'image de ce que prévoyait déjà le code du travail pour les employeurs privés. Elle devra également préserver les clauses substantielles des contrats. Cette disposition jouera, par exemple, lorsque les missions d'une association ou d'une concession de service public seront prises en charge par une administration de l'Etat ou une administration locale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est proposé aujourd'hui permettra de grandes avancées, y compris sur le plan social, et c'est l'Europe qui en est la cause.

Plus de stabilité, plus d'ouverture, plus d'égalité, tels sont les acquis essentiels des mesures qu'il met en place.

Elles montrent que l'Europe peut être un moteur de progrès social, une source de protections nouvelles et d'innovations positives pour la fonction publique.

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