« Tous des hypocrites » ? Non, je ne le crois pas ! Les personnes que j'ai reçues étaient, au contraire, déterminées ! Vous utilisez là un adjectif qui ne me semble pas du tout approprié !
Toutes redoutent, avec raison, les conséquences de ce mode d'accès dérogatoire au concours : comment ne pas y voir une voie parallèle de recrutement ? Comment ne pas craindre la constitution d'une fonction publique bis ?
Le choix de six ans n'est, d'ailleurs, pas anodin, puisqu'il correspond exactement à la durée d'un mandat local, ce qui peut conduire à la tentation d'user du spoil system à l'américaine.
La suppression du concours laisse également la porte ouverte à tous les favoritismes, ce qui est bien évidemment contraire à l'esprit ayant présidé à la rédaction de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui pose l'égal accès des citoyens aux places et emplois publics.
Monsieur le ministre, vous vous dites « attaché au principe du concours », mais votre texte en est une bien piètre démonstration, puisqu'il vise purement et simplement à contourner ce fondement de notre fonction publique que constitue le concours.
Il existe un réel danger que ce dispositif ne vienne perturber l'accès de jeunes souvent diplômés qui essaient d'entrer dans la fonction publique par la voie normale du concours de droit commun. De même, certains contractuels pourraient être tentés de laisser le temps faire son oeuvre, espérant un CDI plutôt que de tenter de préparer un concours réservé.
Il faudrait veiller attentivement à ne pas rendre moins attractive la fin du plan de résorption de l'emploi précaire, à savoir le « plan Sapin », élaboré par la loi du 3 janvier 2001, pour les contractuels susceptibles d'être titularisés.
Même s'il s'agit là non pas de présenter un nouveau plan de ce type, mais bien de transposer le droit communautaire, la directive en question n'a de sens que si l'on s'efforce de résorber l'emploi précaire.
Le plan Sapin avait, en effet, ceci d'exemplaire que le problème y était envisagé dans sa globalité : il prévoyait, d'une part, un dispositif de « déprécarisation » pour les agents contractuels en place, grâce à l'organisation, selon des modalités adaptées, des concours réservés, des examens professionnels - je suis d'accord avec ce qu'a dit Mme le rapporteur sur ce sujet - ainsi que des titularisations sur titre, ou la possibilité laissée aux collectivités territoriales de proposer l'intégration directe, et, d'autre part, un dispositif de moyen terme pour éviter la reconstitution de la précarité, notamment en améliorant la gestion prévisionnelle et l'efficacité des concours ordinaires de manière à en faciliter l'accès aux agents non titulaires.
Dans ce domaine, peut-être allez-vous nous faire une proposition, monsieur le ministre.
Quelle sera, d'ailleurs, l'articulation de ce plan, valable jusqu'en 2006, avec des CDI de droit public ?
Pourquoi, surtout, utiliser l'Europe comme « faux nez » d'une politique strictement comptable, qui risque fort de faire de ces CDI frais émoulus de nouvelles et confortables variables d'ajustement budgétaire ?
Le contexte de réduction des effectifs entraîne, en tout cas, à le craindre, puisque 1 745 postes budgétaires ont été supprimés en 2003, 4 561 en 2004, 7 188 en 2005, et que probablement 15 000 environ le seront en 2006, avec une obsession grandissante de la productivité, sans qu'aucune réflexion d'ensemble ne soit menée sur les besoins et les missions du service public.
L'application du droit communautaire a beau exiger des adaptations des règles applicables à la fonction publique française, cela ne conduit pas pour autant à la remise en cause de son existence, au contraire.
Il appartient au Gouvernement et au législateur de veiller à limiter la précarisation de l'emploi dans le respect de la construction statutaire, ce qui aurait pu prendre la forme, par exemple, d'une nouvelle loi de résorption de l'emploi précaire. Toutefois, je sais parfaitement que tel n'est pas l'objet d'une loi de transposition.
Loin de cette perspective, le projet de loi vise à introduire, à côté des fonctionnaires et des contractuels, une autre catégorie d'agents : les agents sous contrat à durée indéterminée. Certes, ils bénéficieront d'une sécurité de l'emploi que leur interdisait le statut d'agent contractuel, mais avec quelle évolution de carrière ?
Monsieur le ministre, vous balayez un peu trop négligemment cette question, pourtant essentielle, en affirmant simplement que « pour l'instant, nous en sommes au stade des principes » et que vous n'avez donc « pas de réponse sur ces questions de modalités ».
Rien n'est prévu sur le déroulement de carrière, rien non plus que sur la mobilité, à laquelle vous mettez un frein avec la généralisation des CDI, rien sur les écarts de rémunérations, rien sur une éventuelle convention collective !
Si, par ailleurs, la transformation en CDI peut sembler acceptable du point de vue de la situation sociale des agents en CDD, on risque fort d'assister à ce que d'aucuns qualifient déjà de véritable « vente à la découpe » du statut, jusqu'à l'extinction de celui-ci.