J'en cite quelques- unes : ouverture du recrutement par le PACTE, seconde carrière des enseignants, proposition de loi de M. Serge Poignant visant à supprimer les limites d'âges pour accéder aux concours, réorganisation de la fonction publique de l'Etat en six ou sept filières, éventuelle remise en cause des 35 heures et instauration de CDI.
Pour en revenir à cette instauration, nul besoin d'être grand clerc pour comprendre qu'elle n'endiguera nullement le recours aux CDD !
Le plan Sapin prévoyait la création d'un groupe de travail pour revoir les conditions de recours aux agents contractuels de la fonction publique. Fortement souhaité par les syndicats, ce groupe est resté à l'état de voeu. Quand peut-on espérer le voir enfin mis en place ?
Certes, si, avec ce texte, les CDD ne pourront plus être reconduits indéfiniment, le nombre de leurs renouvellements restera néanmoins illimité, dans une durée maximale de six ans. Rien n'empêchera donc l'administration d'employer des contractuels, notamment sur le mode « dix mois de contrat, deux mois de chômage », comme dans l'éducation nationale.
A-t-on seulement réfléchi à l'autre piste ouverte par la directive, à savoir la limitation du nombre de renouvellements des CDD ?
Le texte n'impose aucune obligation de pérennisation, passée la durée de six ans, des CDD des contractuels, à l'exception de ceux des personnes âgées de plus de cinquante ans. Autrement dit, si les employeurs publics peuvent proposer un CDI aux contractuels, ils peuvent tout aussi bien les remercier sans qu'aucune indemnité ne soit prévue, ce qui paraît inadmissible s'agissant d'agents qui ont servi de longues années une administration.
Il semble pourtant évident que six années devraient permettre d'estimer si un emploi est pérenne ou non et, s'il l'est, la logique voudrait que le contractuel puisse se voir proposer une titularisation. Nous défendrons un amendement en ce sens.
Dans ce dispositif, la seule mesure qui nous paraît acceptable concerne les personnes âgées de plus de cinquante ans et justifiant d'une certaine durée de services effectifs, qui bénéficieront de la transformation automatique de leur contrat en CDI. A cet âge, le CDI peut en effet paraître plus intéressant que la titularisation, même si le choix de la titularisation doit leur être proposé.
Des interrogations subsistent cependant.
Que se passera-t-il pour les agents qui remplissent, au 1er juin 2004, les conditions exigées et dont le contrat prend fin à cette date, ou avant l'entrée en vigueur de la loi ? Comme ils ne seront plus en fonction au moment où la loi sera applicable, devra-t-on les réintégrer ?
On peut également se demander ce qui a motivé le choix du Gouvernement de donner à cette mesure un caractère transitoire. Comme les recrutements en CDD vont sans nul doute se poursuivre, un système glissant à compter de 2004 aurait été plus honnête.
Reste à calculer combien de personnes sont éligibles à ce dispositif. On parle, par exemple, de 30 000 agents dans la fonction publique territoriale, mais les études d'impact font cruellement défaut, ce qui ne facilite en rien le travail du législateur.
Les chiffres posent d'ailleurs un problème général, car s'il est indiqué, dans le dossier de presse du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, que 250 000 agents seront concernés par les CDI, les chiffres que donne l'Observatoire de l'emploi public et ceux qui figurent dans le rapport annuel Fonction publique : faits et chiffres sont sensiblement différents pour l'ensemble des non -titulaires.
Dans tous les cas, il s'agit d'un nombre considérable de personnels, ce qui pose les questions fondamentales de la gestion prévisionnelle des effectifs et du recrutement. Soit l'on admet que le recrutement contractuel autorise une souplesse de gestion nécessaire et qu'il doit être maintenu, voire développé, dans l'intérêt du service ; soit il n'est pas indispensable, auquel cas il faut prendre des mesures pour en limiter drastiquement l'usage en verrouillant efficacement les possibilités d'y avoir recours.
Il faudrait aussi résoudre le problème de la confusion budgétaire, qui explique en partie le recours des collectivités publiques aux emplois précaires. Jusqu'alors, la discussion budgétaire s'est focalisée sur le nombre de créations et de suppressions d'emplois budgétaires dont dispose chaque administration, ce qui ne coïncide pas forcément avec les recrutements.
On peut espérer que la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui entrera en vigueur en 2006, clarifie ce point - un exposé brillant nous a été fait lors de la réunion de la commission ce matin -, mais est-ce bien sûr ? En effet, cette nouvelle procédure, qui fait disparaître la notion d'emploi budgétaire, pourrait surtout permettre au Gouvernement de remplacer, sans qu'il n'y paraisse, à l'occasion des départs en retraite, les fonctionnaires par des personnels en CDI.
Je dirai tout de même un mot sur les autres mesures, qui, pour la plupart, ne soulèvent pas d'opposition aussi marquée : l'amélioration de l'accès des ressortissants communautaires à la fonction publique ; la continuité des contrats en cas de reprise par un organisme administratif d'activités jusque-là gérées par une entité privée ; la lutte contre les discriminations ; la promotion de l'égalité de traitement entre hommes et femmes.
Notons tout de même que, sous prétexte d'évolution des moeurs, l'harmonisation se fait par le bas, certains avantages étant en effet rognés : suppression pure et simple de la dérogation permettant de ne pas opposer de limite d'âge pour l'accès à la fonction publique aux femmes veuves, divorcées et non remariées et aux femmes séparées ; alignement sur le moins-disant du régime général pour les congés en cas d'adoption.
Pour conclure, je me demande, après tant de coups portés aux fonctionnaires ? de la réforme des retraites à la diminution de 5 %, ce qui est beaucoup, de leur pouvoir d'achat ?, ce que l'on peut espérer d'un Gouvernement qui semble ne comprendre que le rapport de force et confond négociations salariales et nouvelle banalisation de la fonction publique.
Dans le même esprit, l'enjeu principal de ce projet de loi - la création de contrats à durée indéterminée de droit public -nous paraît être un cheval de Troie peu discret mettant en danger le statut de la fonction publique.
Nullement dictée par la directive européenne, dont elle est censée être une transposition, mais dont elle ne constitue qu'une version arrangée, la solution retenue dresse le contrat contre le statut. Elle participe d'un démantèlement en catimini des services publics. Elle ne pourra que détériorer le concept même de service public, dont les principes d'égalité d'accès, d'égalité de traitement et de continuité sont plus aisément mis en oeuvre avec des fonctionnaire régis par un statut qu'avec des contractuels.
En outre, au moment où le président de l'UMP prône la disparition du CDI, jugé « trop rigide », au profit du « contrat de travail unique », manière de CDD à rallonge, l'offre paraît même assez peu engageante !
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, le groupe socialiste s'interroge.