Le projet de loi instaure en effet une limite maximale au nombre de contrats à durée déterminée. Il est proposé un premier contrat de trois ans maximum, renouvelable. Au terme de la période de six ans sous contrat à durée déterminée, une reconduction est encore possible, mais exclusivement par un contrat à durée indéterminée.
Voilà comment remplacer des fonctionnaires par des agents non titulaires ! Pourquoi ne pas envisager leur titularisation plutôt que de les soumettre à un statut hybride, car c'est bien de cela qu'il s'agit, au sein de la fonction publique et créer ainsi deux catégories d'agents aux statuts et garanties différents ?
Plusieurs arguments viennent étayer notre opposition au projet de loi.
Tout d'abord, aucune disposition ne précise quel sera le déroulement de carrière de ces agents en contrat à durée indéterminée. Pourtant, nous assistons à la naissance d'un nouveau statut, celui d'agents non titulaires et qui ne seront pas soumis au statut général de la fonction publique.
Actuellement, les règles applicables aux contractuels de droit public sont prévues par le décret du 17 janvier 1986. Il faudra donc bien le modifier afin d'y intégrer les agents contractuels à durée indéterminée. Mais ni les organisations syndicales, ni les parlementaires n'ont eu connaissance d'un éventuel projet de décret.
Il est très ennuyeux que nous devions nous prononcer aujourd'hui sur une modification du statut de la fonction publique sans connaître les intentions réelles du Gouvernement, ce d'autant plus que les garanties minimales que sont en droit d'attendre ces agents n'apparaissent pas dans le projet de loi, alors que de nombreux points restent en suspens. Je pense, notamment, aux questions relatives à la fin des fonctions de ces agents, à leur droit d'avancement ou à la mobilité.
Concernant les fins de fonctions, quelles en seront les modalités ? Que se passera-t-il en cas de licenciement ? Quels seront les droits et garanties des agents ? Le Gouvernement aurait dû communiquer ses intentions aux organisations syndicales. Le silence du texte nous contraint à la plus grande prudence.
Si le déroulement même de la carrière est incertain, de manière générale, le projet de loi ne comporte pas de plus grandes garanties contre la précarité que ce qui existe actuellement. En effet, si l'article 7 prévoit bien une durée maximale pour les contrats à durée déterminée, il ne retient pas de durée minimale. Autrement dit, des CDD de très courte durée pourront toujours être contractés. Dans un cas de figure extrême, on peut imaginer la succession de trente-six contrats de deux mois, et cela pendant six ans, ainsi que vous l'avez vous-même remarqué, monsieur le ministre.
Par ailleurs, se pose le problème des contrats conclus pour la mise en oeuvre d'un programme de formation, d'insertion, de reconversion professionnelle ou de formation professionnelle d'apprentissage.
Que les contrats d'apprentissage soient exclus du dispositif de l'article 7 ne nous pose pas problème. Ils sont, en effet, par nature à durée déterminée et n'ont donc pas vocation à être conclus pour une durée indéterminée.
En revanche, l'exposé des motifs indique très clairement que la reconduction sous forme de contrat à durée indéterminée est exclue pour les enseignants recrutés dans le cadre de conventions de mise en oeuvre de formations d'insertion ou de reconversion professionnelle. Nous ne pouvons que contester un tel choix, car ces formations correspondent à un besoin pérenne, reconnu - s'agissant de l'apprentissage et de la formation - par la loi.
Si l'on applique l'article 7 à la lettre, les personnels formateurs n'auront d'autres perspectives, à l'issue de six ans de contrat à durée déterminée, que le chômage. Même si nous considérons que votre projet de CDI pour les agents contractuels ne constitue pas la panacée, nous souhaiterions que cette disposition, minimale en termes de droits et de garanties, s'applique pour tous les agents contractuels. Cela d'autant plus que les dispositions actées par le protocole de juillet 2000 sur la résorption de l'emploi précaire ouvraient un droit aux agents quel que soit « le mode de financement de leur rémunération ».
Le projet soumis aujourd'hui à notre vote comporte donc une régression sur ce point, puisqu'il borne l'emploi des agents contractuels qui assurent ces missions de formation et d'apprentissage.
Pour en revenir au texte dans son ensemble, je tiens à réaffirmer que nous rejetons la philosophie même du dispositif qui nous est proposé. En effet, nous voyons bien, à terme, comment seront utilisés ces contrats à durée indéterminée : par essence plus flexibles que les emplois statutaires, il existe un risque réel qu'ils ne servent de variables d'ajustement en cas de difficultés budgétaires, car il est évidemment plus facile de procéder à des licenciements que de supprimer des postes statutaires !
Mais ce ne sont pas les seuls problèmes soulevés par le projet de loi. Se pose, en effet, celui des emplois qui n'ont pas de cadre d'emploi statutaire. Dans la fonction publique territoriale, par exemple, de nombreux agents exercent des missions qui ne trouvent pas de cadre d'emploi statutaire ; je pense aux journalistes, aux informaticiens, ou encore aux responsables de la communication. De fait, toutes ces personnes ne peuvent et ne pourront jamais être titularisées.
Le service public, pour se moderniser, doit intégrer de nouveaux métiers, de nouvelles compétences, et l'Etat doit être capable de créer les corps nécessaires au plein accomplissement d'un service public qui aura su suivre les évolutions du monde professionnel contemporain.
Or, le projet de loi, au lieu de prévoir une réforme du statut permettant de créer de nouveaux cadres d'emploi, continue d'envisager, dans son article 9, le recrutement de contractuels pour remplir ces fonctions.
J'ose espérer, monsieur le ministre, que votre projet de loi à venir, relatif à la fonction publique territoriale, comblera cette lacune.
Bref, vous l'aurez compris, ce n'est pas de la sorte que nous envisageons une réforme du statut de la fonction publique et la résorption de la précarité chez les agents non titulaires.
Le projet de loi ne répond pas à l'attente de ces derniers. L'existence de contrats à durée indéterminée interdira quasiment de devenir fonctionnaire. Le Gouvernement prend prétexte de la transposition de la directive 1999/70/CEE pour ne pas engager de plan de titularisation des agents non titulaires en situation précaire. Mais il est vrai que le service public est la cible privilégiée des directives européennes !
Nous pensons, au contraire, qu'une politique efficace de résorption de la précarité ne peut s'appuyer que sur le respect du statut de la fonction publique ; l'Etat doit aujourd'hui la mettre en oeuvre. A ce titre, une application stricte de la loi Sapin du 3 janvier 2001 serait un premier signe de cette volonté politique. Ce n'est manifestement pas votre choix.
Mais appliquer la loi Sapin n'est pas suffisant. Il conviendrait également de modifier l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984, modifiée par loi du 30 juillet 1987, et mettre ainsi fin à la disposition permettant de recruter des non- titulaires pour les emplois de catégorie A sous la seule justification des « besoins du service ». Cette formule est, en effet, suffisamment vague pour permettre le recrutement pas toujours justifié de non -titulaires.
Il est indispensable de mettre un terme aux suppressions massives de postes de fonctionnaires ; il est vital d'engager un plan de titularisations, seule mesure permettant à court terme la résorption des emplois précaires de la fonction publique ; il est essentiel, enfin, de réaffirmer que le statut général impose que les missions de service public soient assumées par les fonctionnaires.
Sous prétexte de mise en conformité avec la directive, le Gouvernement propose la création d'un nouveau type d'emploi permanent d'agents non titulaires de l'Etat, différent du statut de fonctionnaire et qui n'en offrirait ni les garanties ni les droits. C'est à l'opposé de ce que nous voulons et c'est la qualité même du service public qui en souffrira.
Mon groupe votera donc contre ce texte.