Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis venu ici pour défendre la cause de très nombreux employés qui, dans les collectivités territoriales d'outre-mer, connaissent des difficultés professionnelles.
En effet, la situation de l'emploi entre la métropole et l'outre-mer est différente, et cela pour plusieurs raisons : nous avons une population très jeune ; notre statut départemental est lui-même très récent - 1946, ce n'est pas vieux et, en 1945, nous étions encore une colonie ; notre taux de chômage est élevé, puisqu'il est supérieur à 30 % dans certains départements ; nous sommes isolés et éloignés de la métropole, de 7 000 à 10 800 kilomètres ; l'insularité entraîne un environnement hostile ; la faible densité du tissu économique n'offre pas suffisamment de débouchés pour une jeunesse nombreuse et de plus en plus qualifiée.
Dans ces conditions, les collectivités territoriales, surtout les communes d'outre-mer, ont dû assumer avec courage la double mission d'amortisseur et d'ascenseur social pour une population régulièrement en difficulté.
Nous avons, il est vrai, un effectif important. Parmi ces gens, nombreux sont ceux qui sont sans ressources, qu'il s'agisse d'une veuve ou d'un veuf dont le conjoint travaillait, ou d'un jeune en situation de déshérence. Dès lors, il est parfois préférable d'avoir un budget communal déficitaire que d'être confronté à la violence dans un quartier.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 16 % d'agents communaux non titulaires en Guadeloupe, 25 % en Guyane, 52 % en Martinique et 80 % à la Réunion.
Vous pourriez penser que ces maires sont des démagogues qui exploitent les gens, puisqu'ils ne les titularisent pas et peuvent ainsi facilement faire pression sur eux à la veille des élections. Ce n'est pas le cas.
Il existe chez nous un index de correction de vie chère : il est de 35 % en Martinique et de 53 % à la Réunion. Ainsi, comme certaines communes l'ont fait, titulariser ces personnels à l'indice 100 de la fonction publique métropolitaine - soit un salaire inférieur au SMIC - ne résoudrait pas le problème. En l'absence d'une aide substantielle de l'Etat, par le biais de la dotation globale de fonctionnement, actuellement, aucune commune n'a pu titulariser l'ensemble de ses personnels.
Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois, monsieur le ministre, à ce sujet, et je vous ai indiqué qu'il fallait très rapidement transposer cette directive dans les lois de notre pays. C'est ce que vous proposez aujourd'hui et, sur ce point, je dois accorder un satisfecit au Gouvernement, puisque ce travail aurait du être fait depuis 2001 : il ne suffit pas d'être critique, encore faut-il travailler !
Toutefois, je souhaiterais que les textes d'application tiennent compte de la situation dans les départements d'outre-mer. Nous ne devrons pas être soumis à des tracasseries administratives lorsque nous allons transformer les contrats actuels en CDI, car ces personnes attendent ce texte pour pouvoir avoir au moins droit, elles qui travaillent dans des conditions difficiles et pour des salaires modestes, à la sécurité de l'emploi.
Les décrets que vous prendrez, monsieur le ministre, doivent permettre aux maires des communes des départements d'outre-mer de « passer » en CDI prioritairement ceux qui travaillent dans les conditions prévues par la loi, mais aussi les nouveaux contrats : les situations locales réclament générosité et souplesse.
Par ailleurs, à l'occasion de l'examen du futur projet de loi concernant la fonction publique territoriale, je souhaiterais que la commission des lois du Sénat, en accord avec le Gouvernement, fasse un diagnostic sur la situation des personnels des collectivités locales d'outre-mer. Mon voeu le plus cher est que soit réalisée une expertise dans les différentes communes.
M. Marc Laffineur, notre collègue député, a rédigé un rapport très pertinent sur la situation des personnels communaux. Il importer que la loi tienne compte de leur situation outre-mer et que cette réforme nous permette de leur donner un statut approprié. Quand les trois quarts du personnel d'une commune sont non titulaires, il convient, au-delà du CDI, de leur offrir un plan de carrière, des perspectives d'avancement. Ce sont 15 000, 20 000 voire 30 000 personnes qui sont concernées dans l'ensemble de l'outre-mer.
Il me reste un dernier point à aborder avec vous, monsieur le ministre. L'Etat, en métropole comme chez nous, encourage à développer les contrats emplois consolidés, les CEC, et les emplois-jeunes. Outre-mer, nous en avons créé un peu plus qu'en métropole, pour les raisons que j'ai indiquées dans mon introduction.
La durée de ces CEC et de ces emplois-jeunes - leurs titulaires accomplissent un travail considérable dans bien des cas - va-t-elle être prise en compte dans le calcul de l'ancienneté nécessaire pour passer en CDI ? Si tel n'est pas le cas, il faudra ouvrir un chapitre sur la situation des emplois aidés dans la réforme du statut du personnel des collectivités locales.
De même, la loi de notre ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, M Borloo, nous encourage à signer des contrats d'avenir et à les prolonger, car il faut leur donner une issue. Si j'emploie une personne en contrat d'avenir dans l'environnement, dans l'éducation ou dans un autre secteur, et qu'elle me donne satisfaction, il faut que je puisse disposer des moyens de pérenniser son emploi à travers un statut approprié, parce que je ne peux pas trouver les 53 % d'index de correction de vie chère !
Monsieur le ministre, vu l'ampleur du problème outre-mer, il faudrait mettre en place un groupe de travail pour faire un diagnostic sur la situation et définir un statut humain, approprié et qui accorde une véritable reconnaissance de leurs mérites à l'ensemble de ces personnels qui servent la population avec dévouement et compétence.