Ce principe est clairement énoncé dans l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Cet article est ainsi rédigé : « Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, à l'exception de ceux réservés aux magistrats de l'ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l'ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut. ».
Or, il est manifeste que ce projet de loi ouvre une brèche sans précédent dans le statut de la fonction publique.
En effet, pour l'instant, seuls les agents qui sont, ou seront, embauchés en CDD pourront se voir proposer, à l'issue de leur contrat, un CDI. Mais rien ne garantit aujourd'hui que, à terme, le Gouvernement ne modifiera pas une nouvelle fois le statut général - comme il pourrait le faire dans son prochain projet de loi - et ne proposera pas d'embaucher directement des agents contractuels à durée indéterminée.
D'autres problèmes se posent.
D'abord, je mettrai l'accent sur le problème de la concomitance de deux statuts différents au sein de la fonction publique : d'un côté, il y aura les fonctionnaires, soumis au statut général de la fonction publique, avec leurs droits et leurs obligations ; de l'autre côté, il y aura ces nouveaux agents contractuels, non soumis au statut général. Quels seront leurs droits et obligations ? Ils ne seront pas soumis aux mêmes règles que les fonctionnaires en termes de déroulement de carrière, de mobilité, ou encore de détachement. Et pourtant, ils assumeront les mêmes fonctions que n'importe quel fonctionnaire.
Ensuite, j'évoquerai le problème de la fin du contrat ; ma collègue Josiane Mathon l'a déjà soulevé, mais ce point est suffisamment important pour que je souligne de nouveau que les droits des agents en la matière ne sont pas précisés dans ce texte, ce qui est inacceptable.
Enfin, je note que la question du droit à la retraite est également en suspens. Actuellement, les agents contractuels et les fonctionnaires ne cotisent pas à la même caisse de retraite. Qu'en sera-t-il pour ces agents contractuels à durée indéterminée ? Tout laisse supposer qu'ils cotiseront à l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires, l'IRCANTEC, comme les actuels agents contractuels.
Malheureusement, de telles dispositions ne sont pas sans conséquences sur l'avenir de la fonction publique et des services publics. Nous craignons - à juste titre, je crois - que les agents contractuels ne deviennent une variable d'ajustement très flexible des effectifs.
Il existe un autre point inquiétant : l'externalisation des services. Actuellement, nous assistons à une externalisation croissante de nombreux services assurés par des agents publics titulaires. Nous craignons que ce projet de loi, en multipliant les services assurés par des contractuels, n'en facilite l'externalisation. Il sera beaucoup plus simple d'externaliser des services assurés par des contractuels que des services assurés par des titulaires.
A cet égard, ce projet de loi signe, de mon point de vue, la mort programmée des services publics, ce qui est extrêmement grave.
L'objectif du Gouvernement est, à terme, de supprimer sinon les fonctionnaires, du moins la spécificité de la fonction publique en ce qui concerne les droits acquis des fonctionnaires. Depuis bientôt trois ans, le Gouvernement essaie sur tous les plans d'aligner les droits des fonctionnaires sur ceux des salariés du privé. Après la loi Fillon sur les retraites, ce projet de loi en offre un exemple avec le droit au congé de paternité en cas d'adoption qu'il est prévu purement et simplement de supprimer. Les parents devront choisir ou se répartir le congé parental, en cas d'adoption d'un enfant.
Pourquoi vouloir à tout prix tirer les droits vers le bas plutôt que chercher à les améliorer ou à les renforcer là où ils sont faibles ? Je ne peux pas croire que le coût de tels congés accordés aux pères adoptants soit tel que l'Etat ne puisse plus en supporter la charge.
Je souhaiterais aborder maintenant un autre point de ce projet de loi, qui mérite une attention particulière : les dispositions relatives à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes, qui s'appliquent aussi bien pour le recrutement que durant le déroulement de carrière.
Il est en effet prévu, en matière de recrutement, d'étendre aux hommes les dispositions actuellement plus favorables aux femmes.
Nous ne pouvons que saluer cet effort d'accorder les mêmes droits aux hommes qu'aux femmes. Mais nous aimerions alors que cette égalité de droits s'applique dans les deux sens, et dans tous les domaines, notamment en matière de traitement. En effet, l'égalité salariale est loin d'être atteinte dans la fonction publique. Selon l'INSEE, en 2002, les salaires masculins sont restés, comme en 2001, supérieurs de 16, 5 % en moyenne aux salaires féminins.
Il en est de même en matière d'égalité professionnelle : les femmes sont encore sous-représentées dans les emplois de direction au sein des ministères et dans les services déconcentrés.