Nous sommes au coeur du problème posé par ce projet de loi : la possible réintroduction massive de CDI dans la fonction publique. Malgré les propos de M. le ministre, rien ne nous permet d'affirmer que le robinet ne sera pas largement ouvert. La pérennisation hors statut de ces emplois est une remise en cause du statut de la fonction publique.
Rappelons que cette directive a pour objet de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats ou relations à durée déterminée successifs. A cette fin, elle demande aux Etats membres d'introduire une ou plusieurs dispositions parmi les mesures suivantes, en tenant compte des besoins des secteurs spécifiques et des catégories de travailleurs : le renouvellement de tels contrats ou relations de travail doit être justifié par des raisons objectives ; la durée maximale de ces contrats et relations de travail à durée déterminée doit être fixée ; enfin, le nombre de renouvellements autorisés doit être déterminé.
Partant d'une directive porteuse de progrès social, le dispositif délibérément retenu par le Gouvernement a abouti paradoxalement, je le rappelle, à une régression, une remise en cause du statut de la fonction publique. La philosophie de cette directive a donc été totalement détournée. C'est pourquoi nous nous opposons au dispositif retenu pour transposer cette directive.
Comme toute directive, celle-ci fixe des objectifs - tout à fait positifs - à atteindre, laissant aux Etats toute liberté quant à la manière de la transposer, compte tenu de leurs spécificités.
Or la spécificité de la fonction publique française fait du recrutement par concours le principe, et du contrat l'exception. Au lieu de cela, le Gouvernement « utilise » cette directive. Loin de chercher à adapter celle-ci à la spécificité du droit de notre fonction publique, il se contente simplement de poser le principe - ex abrupto, sans aucun souci d'adaptation - selon lequel les CDD de plus de six ans sont soit supprimés, soit transformés en CDI. Point final. On se moque du monde !
En effet, le dispositif retenu par le Gouvernement, en optant pour la requalification quasi systématique des CDD en CDI, fait délibérément le choix du contrat contre le statut. Il ouvre grand la porte à une voie d'accès à une sorte de fonction publique bis, accessible sans concours et pour laquelle il suffirait de laisser le temps faire son oeuvre, remettant ainsi en cause l'un des fondements de notre fonction publique. Il remet également en cause la mobilité au sein des fonctions publiques et entre elles.
Un changement total de conception marque la philosophie de ce gouvernement, qui vise avant tout, en la matière, à réduire les effectifs de fonctionnaires et les missions de services publics.
A aucun moment cette directive ne préconise le recours au contrat à durée indéterminée pour assurer cette pérennisation. Cette solution n'est que pur choix du Gouvernement, qui se sert du droit européen pour masquer sa propre volonté d'affaiblir le statut de la fonction publique.
Ni l'exposé des motifs ni le texte de loi lui-même ne fait référence ou ne prennent en compte le droit de notre fonction publique avec ses spécificités indispensables à l'accomplissement des missions de puissance publique et des missions de cohésion nationale. Ils ne proposent pas non plus de mesures tendant à la « déprécarisation » des agents contractuels en place en diversifiant, facilitant et modernisant l'accès à la fonction publique, en limitant l'utilisation de la voie contractuelle dans la fonction publique, évitant ainsi la reconstitution de l'emploi précaire.
Il n'est pas logique de vouloir mettre en place un dispositif tendant à lutter contre la précarité des agents, sans prévoir dans le même temps des réformes qui empêchent la reconstitution de la précarité, c'est-à-dire le recrutement de nouveaux contractuels.
Cette transposition de directive avait toute sa place dans le texte de modernisation de la fonction publique, toujours annoncé, mais pas encore présenté.
La solution retenue pour transposer cette directive aurait dû au minimum respecter quelques conditions fondamentales.
Il faudrait éviter que la fin du « plan Sapin » de titularisation soit moins attractive, ce qui risque malheureusement d'être le cas. L'absence de dispositions et de références, aussi bien dans l'exposé des motifs que dans le rapport de la commission des lois, nous fait craindre par ailleurs une large utilisation des possibilités de recours aux non-titulaires.
Le CDI ne devrait pas être banalisé dans l'administration. Or il est clair que le dispositif proposé nous y conduit tout droit. En outre, il aurait été indispensable d'organiser le devenir des CDD arrivés à expiration. Là non plus, rien n'est prévu. Enfin, les administrations ne devraient pas être mises dans l'incapacité de remplir leurs missions.
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l'article 7.