Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 8 décembre 2008 à 15h00
Loi de finances pour 2009 — Articles additionnels avant l'article 42, amendement 311

Christine Lagarde, ministre :

Sur l’amendement n° II-311 rectifié tendant à la suppression pure et simple du bouclier fiscal, le Gouvernement émet, bien évidemment, un avis défavorable.

Il émet également un avis défavorable sur les sous-amendements nos II-403 et II-404, qui visent pratiquement le même objet en rajoutant le taux supplémentaire de 45 % au titre de l’article 197 du code général des impôts.

Pour des raisons évidentes, le Gouvernement souhaite, en l’état de la réglementation applicable en matière d’impôt sur la fortune, maintenir le principe du bouclier fiscal au taux de 50 %, tel qu’il résulte de la loi de 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. Nous sommes attachés à ce partenariat que nous avons mis en place entre les contribuables et l’État français ; c’est cette philosophie qui sous-tendait, dès l’origine, le bouclier fiscal.

J’en viens aux amendements n° II-309 et II-387. Monsieur le président Arthuis, vous présentez une trilogie : une trilogie est souvent en équilibre, car elle repose sur trois éléments.

Vous proposez de supprimer l’ISF, puis le bouclier fiscal, et de compenser le manque à gagner pour l’État par la création d’une imposition supplémentaire au titre soit de l’impôt sur le revenu soit des plus-values sur valeurs mobilières. À juste titre, vous avez estimé le produit de l’ISF aux alentours de 4 milliards d’euros.

Malheureusement, les gages que vous proposez ne compensent que partiellement le manque à gagner qui résulterait de la suppression des deux premiers éléments de la trilogie : dans la première formule, le gage correspond à 2, 5 milliards d’euros et, dans la seconde formule, il représente 2, 7 milliards d’euros. Nous sommes donc loin du compte pour compenser intégralement le manque à gagner qui résulterait de la suppression de l’impôt sur la fortune. Quelle que soit la formule proposée, soit la création d’une tranche supplémentaire de 45 % au titre de l’impôt sur le revenu, soit le relèvement du taux d’imposition des plus-values des cessions de valeurs mobilières de 18 à 19 %, le compte n’y est pas !

Par conséquent, en l’état actuel des rédactions, ces dispositifs sont coûteux pour la France.

Par ailleurs, la réforme que vous proposée, en dépit de son caractère séduisant – elle est magnifiquement présentée grâce à vos éloquences conjuguées –, me paraît risquée.

Un seul exemple devrait vous en convaincre : sa mise en œuvre aurait notamment pour effet de supprimer un mode de reconstitution et de renforcement des fonds propres des PME qui me semble extrêmement utile et qui a fait ses preuves.

Au titre de l’année 2008, nous avions mis en place un mécanisme intitulé « fléchage ISF-PME », qui a permis aux contribuables redevables de l’ISF de s’exonérer de son paiement en contribuant au capital des PME à concurrence de quasiment 1 milliard d’euros. La suppression de l’ISF et des mécanismes qui y sont associés priverait les PME du 1 milliard d’euros qui est aujourd’hui affecté au financement de leurs fonds propres.

Vous avez évoqué le caractère non attractif de notre pays, qui est le seul au monde à appliquer un impôt sur la fortune. Le Gouvernement a élaboré, au cours des dernières années, plusieurs types de mécanismes pour renforcer l’attractivité du territoire français.

C’est ainsi que nous avons mis en place le bouclier fiscal ; vous en avez rappelé la genèse. Après la création d’un premier bouclier fiscal, plafonné à 60 %, nous avons amélioré le dispositif durant l’été 2007 en mettant en place un deuxième bouclier fiscal, dans le cadre de la loi TEPA qui institue un partenariat entre l’État et le contribuable redevable de cette imposition : nul ne doit payer à l’État plus de 50 % de ses revenus en impôts, y compris l’impôt sur la fortune.

Autre mécanisme -– je suis sûre que vous vous en souvenez très bien, monsieur le rapporteur général, puisque vous y avez été largement favorable –, nous avons renforcé considérablement le statut fiscal des impatriés, adopté notamment en matière d’ISF, dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie.

Voilà quelques raisons techniques qui m’amènent à vous suggérer de retirer vos amendements. Mais je serais incomplète si je m’en tenais là, me bornant à évoquer les éléments d’équilibre ou de déséquilibre budgétaire et à souligner qu’ils font abstraction des mécanismes de rééquilibrage adoptés au fil du temps.

Cette proposition, en ce qu’elle présente un élément d’équilibre grâce à ce facteur trilogique, si j’ose dire, me paraît, en effet, devoir être retenue et examinée dans le cadre de la revue générale des prélèvements obligatoires.

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