Intervention de Éric Doligé

Réunion du 1er avril 2010 à 9h30
Débat sur les conséquences de la sécheresse de 2003

Photo de Éric DoligéÉric Doligé, au nom :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, face à certaines situations il est parfois difficile de maîtriser sa colère. Après le choc du moment, après le désespoir, tous ceux qui ont eu à subir des catastrophes sont souvent gagnés par une colère qui s’exprime peu à peu.

La catastrophe provoquée par la tempête Xynthia est inacceptable. Elle représente une forme d’échec de la politique actuelle de prévention des inondations, du côté tant de l’État et des collectivités que de la société civile.

Les conséquences de la sécheresse de 2003 sont tout aussi inacceptables et peuvent également provoquer la colère. Ce phénomène connu n’a pas été traité par notre société qui, face à de telles situations, reste sourde aux appels à l’aide et temporise, sans prendre les décisions de sauvegarde les plus élémentaires. Or l’art de gouverner, c’est prévoir et non pas refuser de traiter les problèmes.

Au cours de ce débat, je ne vous lirai pas les multiples courriers et appels au secours que j’ai reçus, comme vous tous, de personnes en détresse. Ces nombreux témoignages ont conduit à la constitution, au cours de l’année 2009, d’un groupe de travail au sein de la commission des finances, chargé d’étudier les conséquences de la sécheresse de 2003. Ses travaux ont fait l’objet d’un rapport d’information, intitulé Un passé qui ne passe pas, dont Fabienne Keller et Jean-Claude Frécon sont les auteurs. Ces derniers vous parleront respectivement de la réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, ou régime CAT-NAT, et des leçons à tirer, pour l’avenir, de la sécheresse de 2003.

Je ne reviendrai pas en détail sur cet événement climatique. Chacun, ici, en connaît l’ampleur : 138 000 sinistres, un coût de plus de un milliard d’euros et de nombreuses familles plongées, encore aujourd’hui, dans une situation de détresse, leur logement ayant été rendu impropre à l’habitation.

J’indiquerai tout d’abord que la prise en charge des conséquences de la sécheresse de 2003 n’est pas allée sans difficultés. Les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ont dû être progressivement adaptés, faute de quoi seule une poignée de foyers sinistrés aurait été indemnisée. Au final, cette évolution n’a permis de classer que la moitié des 8 000 communes ayant sollicité cette reconnaissance. Vous ne nous ôterez pas de l’idée, monsieur le secrétaire d’État, que le recalibrage progressif des critères a reposé, au moins en partie, sur des considérations budgétaires, afin d’éviter que le coût total des indemnisations n’entraîne l’appel en garantie de l’État.

En outre, l’insuffisance des données scientifiques et techniques sur lesquelles a reposé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle – je veux parler ici du fameux zonage de recueil de données météorologiques « Aurore » – a conduit à des situations d’iniquité patente. Ainsi, des communes aux caractéristiques géologiques similaires et ayant connu des conditions météorologiques identiques en 2003 ont pu se voir accorder des traitements opposés pour la seule raison qu’elles étaient rattachées à des stations météorologiques différentes. Il faut cesser d’utiliser des artifices administratifs pour éviter d’indemniser !

Enfin, la mise en œuvre de la procédure exceptionnelle d’indemnisation, décidée en 2005, a révélé plusieurs faiblesses, la plus importante consistant à fonder l’instruction des dossiers sur de simples devis. Si ce choix a été motivé par le souci d’indemniser rapidement les victimes, il a toutefois conduit à octroyer des indemnisations dont le montant a pu se révéler très insuffisant au regard des travaux effectivement nécessaires.

Au total, la sécheresse de 2003 aura causé un désarroi profond et durable ; le maintien de collectifs d’élus ou de sinistrés, toujours très actifs, les saisines fréquentes dont nous faisons l’objet en tant que parlementaires, ou encore les recours juridictionnels intentés par les victimes ou les communes démontrent que la situation n’est pas soldée. Tous ceux qui se battent ont en effet subi de réelles injustices.

Monsieur le secrétaire d’État, des circonstances cruelles veulent que nous débattions de cette sécheresse alors que la France déplore la perte de vies humaines et des dégâts matériels considérables à la suite de la tempête Xynthia. Établir une sorte de hiérarchie entre ces deux événements serait particulièrement malvenu : dans toutes les circonstances où un aléa naturel affecte gravement notre pays, la solidarité nationale doit se manifester avec une égale diligence.

Certes, la sécheresse n’est pas la tempête, nul n’ayant perdu la vie. Mais combien de familles éprouvent encore de graves difficultés, leur maison, fruit de l’investissement de toute une vie, étant désormais invendable ou nécessitant des travaux de confortement qu’elles n’ont pas les moyens de payer ? La tempête est soudaine, brutale et spectaculaire, alors que la sécheresse est dispersée, sourde, progressive et, en cela, moins sujette à la médiatisation qui suscite les grands élans de compassion nationale. Mais est-ce une raison pour oublier que, sept ans après, elle fait encore des victimes ?

Le 16 mars dernier, à La-Roche-sur-Yon, le Président de la République a prononcé un discours duquel je n’ai pas un seul mot à retrancher et qui augure d’une mobilisation importante des ressources publiques pour indemniser les sinistrés ou pour favoriser la prévention. Il a évoqué la mobilisation du Fonds d’aide au relogement d’urgence, une nouvelle extension du champ d’intervention du Fonds « Barnier », l’indemnisation des pertes non assurables des agriculteurs et ostréiculteurs, un soutien exceptionnel aux collectivités territoriales, ou encore le financement de la rénovation des digues.

Nous souscrivons à cette mobilisation, parce qu’elle est nécessaire, et surtout parce qu’elle prouve que des moyens exceptionnels peuvent être dégagés lorsque la situation l’exige.

J’ignore quels seront les montants consolidés qui seront consacrés par l’État à la gestion des suites de la tempête Xynthia. Peut-être nous l’indiquerez-vous tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État. J’ignore également quelle enveloppe serait nécessaire pour solder définitivement le dossier de la sécheresse de 2003, mais je doute fort que les ordres de grandeur soient sensiblement supérieurs.

Comme le disait le Président de la République à propos de Xynthia, « l’enjeu n’est pas seulement financier. Ce qui est en question, c’est la possibilité pour des personnes qui ont perdu leur maison [...] de pouvoir retrouver un toit pour recommencer à vivre ! » Les sinistrés de la sécheresse de 2003 ne demandent pas davantage : ils désirent recommencer à vivre normalement.

Dans son rapport, la commission des finances a souhaité que la totalité du reliquat de fonds constaté au titre de la procédure exceptionnelle d’indemnisation soit exclusivement consacrée au versement des aides aux victimes de la sécheresse. Qu’en est-il, aujourd’hui, monsieur le secrétaire d'État ?

Nous souhaitons également que le Gouvernement mette en œuvre une vague complémentaire d’indemnisations. Nous sommes soucieux de l’équilibre des finances publiques et conscients des effets d’aubaine et des demandes reconventionnelles qui ne manqueraient pas de se manifester. C’est la raison pour laquelle nous avons suggéré que ces indemnisations soient réservées aux personnes sinistrées ayant déjà déposé un dossier dans le cadre de la procédure exceptionnelle et soient conditionnées à la réalisation d’une expertise préalable. Quelle réponse le Gouvernement apporte-t-il à cette préconisation ?

Monsieur le secrétaire d’État, ne me dites surtout pas que cela serait trop compliqué et que l’équité, comme me l’a répondu Mme Jouanno, ne le permet pas. Je n’accepterai pas cette réponse.

Le Président de la République, qui peut servir de référence, a démontré dans son discours du 16 mars que lorsque l’on veut, on peut.

Je demande que ce dossier reçoive le même traitement que celui qui fait l’objet de sollicitations du Président de la République. Les vingt-huit observations que nous avons faites sont réalistes ; elles peuvent gommer le passé et prévenir le futur. Le Président de la République l’a dit, l’État ne laissera pas tomber les sinistrés de la tempête ; nous souhaitons qu’il ne laisse pas tomber les sinistrés de la sécheresse. Pour ma part, je ne le ferai pas et chercherai tous les moyens, si vous ne nous les proposez pas, pour répondre à leur légitime attente.

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