Intervention de Jean-Claude Frécon

Réunion du 1er avril 2010 à 9h30
Débat sur les conséquences de la sécheresse de 2003

Photo de Jean-Claude FréconJean-Claude Frécon, au nom de la commission des finances :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le président de notre groupe de travail, Éric Doligé, vient d’interroger le Gouvernement sur les moyens de solder le passé. Il a évoqué les multiples appels que nous avons reçus. Par exemple, voilà deux jours, des documents concernant les départements de la Drôme et de l’Ardèche, dans la vallée du Rhône, me sont parvenus. Dans ce dernier département, seul le dossier de dix-huit des soixante maisons touchées par la sécheresse a été accepté.

Ma collègue Fabienne Keller et moi-même allons maintenant vous demander comment vous penser préparer l’avenir, monsieur le secrétaire d'État.

Les auditions que notre groupe de travail a consacrées à la prévention du risque de subsidence nous ont donné l’impression que l’État avait tardé à agir.

La subsidence est un phénomène de gonflement et de retrait des terres, en particulier des terres argileuses, qui provoque les dégâts que nous avons constatés. Comme le disait à l’instant Éric Doligé, le caractère lent et diffus de ce phénomène n’a pas joué un rôle d’aiguillon suffisant. Contrairement à une inondation ou à une tempête, qui suscite une prise de conscience très rapide parmi la population, une sécheresse ne fait apparaître ses conséquences qu’au bout de plusieurs mois, voire de plusieurs années.

De fait, nous avons constaté qu’une large gamme d’outils et de procédures favorise, en théorie, l’information préventive du public sur le risque de subsidence. Mais quelle est la portée réelle de ces outils et de ces procédures quand certaines communes de l’Essonne où nous nous sommes rendus – mais nous aurions pu aller en de nombreux autres endroits –, département particulièrement exposé à l’aléa retrait-gonflement, prescrivent dans leur plan local d’urbanisme la plantation d’arbres à haute tige à proximité des habitations, ce type de plantation favorisant justement la survenance du phénomène de subsidence ? Il faut donc mettre en rapport tous les risques.

Au fond, le problème n’est pas tant l’absence de procédures que l’acclimatation insuffisante des services de l’État, des élus locaux et des populations à ce phénomène. Dans ces conditions, nous avions appelé à une sensibilisation accrue au risque, et en particulier à la mise en œuvre, avant la fin de 2010, d’une procédure d’alerte spécifique des élus locaux, assortie de recommandations permettant à ces derniers de mieux prendre en compte ce risque dans l’exercice de leurs compétences d’urbanisme, d’instruction et de délivrance des permis de construire. Où en est-on, monsieur le secrétaire d'État ? Êtes-vous en mesure de nous confirmer que cette recommandation sera suivie d’effet dans les mois qui viennent ?

S’agissant de nos concitoyens, si soucieux soient-ils de s’informer des risques naturels auxquels ils s’exposent, il est permis de douter qu’ils aient systématiquement le réflexe de consulter les documents publics mis à leur disposition. Il faut être réaliste et pragmatique : le message préventif ne sera jamais mieux reçu qu’au moment où les particuliers choisissent leur logement, c'est-à-dire au moment où ils préparent leur demande de permis de construire.

Le groupe de travail, dans ses conclusions, a salué la création du dispositif d’information acquéreur-locataire, qui permet d’informer les populations sur les risques naturels et technologiques majeurs au moment de l’achat du terrain ou de la prise à bail. Pour que ce dispositif s’applique, il est nécessaire qu’un plan de prévention des risques ait été prescrit ou approuvé dans la commune de résidence. N’est-il pas possible de faire sauter ce verrou et de généraliser ce dispositif, même en l’absence de plan de prévention des risques ?

Après l’information nécessaire, j’en viens aux règles de construction, sur lesquelles il y a beaucoup à dire. Il nous semble qu’aucune adaptation significative au phénomène de subsidence n’est intervenue depuis 2003. Comment expliquer cette inertie alors même que les conséquences de ce phénomène peuvent être circonscrites par des techniques relativement simples à mettre en œuvre ?

Aujourd’hui, un obstacle majeur à la prévention réside dans les conditions de montage des contrats de construction de maisons individuelles. Ces contrats ne favorisent pas la réalisation d’une étude de sol, pourtant nécessaire, puisque, au moment de leur signature, le propriétaire de la maison n’est souvent pas encore propriétaire du terrain. De même, le contrat de construction, dès lors qu’il a été signé, comporte un engagement sur le coût global de l’opération mais sans étude de sol, ce qui rend impossible, dans les faits, un redimensionnement des fondations.

Quelles solutions s’offrent-elles à nous ? Faut-il imposer une première évaluation de la présence d’argile dans le sol lors de la vente d’un terrain, évaluation à la charge du vendeur ? Cette solution offrirait l’avantage d’adapter le prix du terrain au risque et de permettre au constructeur de dimensionner son offre en connaissance de cause.

Faut-il aller plus loin et rendre obligatoire dans les zones à risques une étude de sol plus complète, attachée au projet définitif de construction ? Faut-il, enfin, pour les constructions neuves dans ces zones, instituer une obligation réglementaire de profondeur minimale de fondations ? Sur l’ensemble de ces points, des réponses sont attendues, monsieur le secrétaire d'État, et je ne doute pas que vous pourrez nous les fournir.

Pour lutter contre le risque, il faut le connaître. Par conséquent, l’efficacité des nouvelles normes de construction implique l’achèvement impératif de la cartographie de l’aléa argileux par le bureau de recherches géologiques et minières, ou BRGM. Le groupe de travail vous le demande avec insistance, monsieur le secrétaire d'État.

Afin de renforcer le caractère opérationnel de cette cartographie, nous avons suggéré que les collectivités territoriales particulièrement exposées à cet aléa soient aidées, via le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, à affiner la cartographie, de manière à disposer d’une information fiable à l’échelle des parcelles. Tant que cette cartographie n’est pas disponible, les élus locaux doivent gérer des risques qu’ils sont dans l’incapacité de mesurer.

Le moment semble opportun pour agir puisque, comme le rappelait mon collègue Éric Doligé dans son intervention, l’extension du champ des interventions du Fonds « Barnier » semble à nouveau à l’ordre du jour.

Monsieur le secrétaire d'État, les recommandations du groupe de travail n’ont, en définitive, rien de révolutionnaire. Elles pourraient même passer pour timorées lorsqu’on les compare au véritable réquisitoire prononcé par le Président de la République dans son discours du 16 mars dernier. De fait, le chef de l’État déplore un retard généralisé sur les plans de prévention des risques, retard imputable à des « approches bureaucratiques », à des « manœuvres dilatoires » qui l’ont conduit à prendre l’engagement de « remettre de l’ordre dans notre politique de prévention et de gestion des risques ».

La commission des finances nourrit, à ce stade, une ambition plus limitée, mais elle souhaite que ces préconisations soient rapidement suivies d’effet.

Au lendemain de la tempête Xynthia, le président du conseil général de Vendée a rappelé que « là où la mer est venue, la mer reviendra ». Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je le dis, là où la sécheresse est survenue, la sécheresse surviendra à nouveau. L’amélioration de la connaissance des risques, de l’information préventive et de l’adaptation des règles d’urbanisme et de construction au risque de subsidence ne doit pas être différée.

Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d'État, pour nous apporter des réponses encourageantes.

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