Intervention de Fabienne Keller

Réunion du 1er avril 2010 à 9h30
Débat sur les conséquences de la sécheresse de 2003

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller, au nom de la commission des finances :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je conclurai donc cette présentation à trois voix du rapport de notre groupe de travail. Je dois d’ailleurs indiquer que j’ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec mes collègues Éric Doligé et Jean-Claude Frécon, ainsi qu’avec l’ensemble des membres de ce groupe.

Je concentrerai mon propos sur les propositions relatives au régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Dans un premier temps, je formulerai des remarques d’ordre général sur la sécheresse ; dans un second temps, j’évoquerai la catastrophe Xynthia, qui doit nous encourager à poursuivre notre réflexion sur le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.

S’agissant d’abord de la sécheresse, nous avons observé qu’aucune des parties prenantes ne sollicitait l’exclusion totale du risque de subsidence du régime CAT-NAT. De fait, une telle exclusion impliquerait que les assureurs et réassureurs prennent en charge ce risque, cette couverture s’accompagnant de prix et de franchises élevés. Par ailleurs, cette exclusion totale pénaliserait gravement l’ensemble des assurés occupant des bâtiments existants, ce qui ne nous est pas apparu équitable.

Pour autant, sont aujourd’hui évoquées certaines exclusions partielles, en particulier pour les bâtiments couverts par la garantie décennale, les constructions neuves, au motif qu’elles doivent être couvertes par une garantie dommages-ouvrage, ou encore l’exclusion des dégâts superficiels occasionnés par la subsidence, le régime ne couvrant désormais que les dommages mettant en cause la solidité de la structure.

Nous avons étudié avec soin l’ensemble de ces pistes dans notre rapport.

Nous nous sommes également posé la question d’une exclusion pure et simple de la garantie CAT-NAT pour les ouvrages construits en violation des règles. Si l’adaptation des règles de prévention et de construction aboutissait à de nouvelles prescriptions en matière d’études de sol ou de profondeur minimale des fondations, nous serions plutôt favorables à une telle exclusion, sous réserve d’informer en amont, et de façon circonstanciée, les maîtres d’ouvrage.

J’en viens maintenant aux critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle liée à la sécheresse. Comme l’a indiqué Éric Doligé, nos travaux ont démontré que leur adaptation progressive n’avait pas permis de les « objectiver » totalement et d’aboutir à un dispositif stabilisé, fiable et transparent. Nous sommes conscients que l’amélioration de ces critères est tributaire de l’avancée de travaux scientifiques complexes ayant pour objet de modéliser ce mécanisme de gonflement-dégonflement.

Les représentants de Météo-France nous ont indiqué que, dès la fin de l’année, un dispositif scientifique fiable permettant de cartographier plus clairement ce risque et de le signaler sera disponible. Monsieur le secrétaire d'État, êtes-vous en mesure de nous confirmer que cette échéance sera respectée ?

Au-delà de la seule sécheresse, il semble qu’une refonte globale de notre régime d’indemnisation des catastrophes naturelles s’impose.

Le Président de la République, que je citerai à mon tour, a récemment jugé ce régime « incompréhensible », « parfaitement inefficace, puisqu’il n’incite nullement à la prévention », et « injuste ».

Le groupe de travail a un jugement un peu plus nuancé dans la mesure où le caractère solidaire de ce financement a donné globalement satisfaction. Néanmoins, la sévérité du constat établi par le chef de l’État pourra peut-être nous permettre de remettre enfin à plat ce régime des catastrophes naturelles, réforme tant de fois annoncée.

En quoi cette réforme doit-elle consister ? Tout d’abord, la procédure de reconnaissance doit être plus transparente : les critères et seuils élaborés par la commission interministérielle doivent faire l’objet d’une traduction normative et d’une information accessible aux assurés.

En revanche, nous ne jugeons pas opportune la suppression de l’arrêté interministériel. Nous l’avons constaté lors de la tempête Xynthia, ces arrêtés constituent aussi une manifestation de solidarité nationale et ont une portée « symbolique » qui ne doit pas être sous-évaluée. Par ailleurs, l’absence d’intermédiation des pouvoirs publics serait susceptible de fragiliser la position des assurés face aux assureurs.

La modulation de la surprime en fonction de l’exposition aux risques nous semble également à exclure, s’agissant des particuliers, parce qu’elle est incompatible avec le principe de solidarité qui fonde le régime des catastrophes naturelles. En revanche, sa mise en œuvre est possible pour les professionnels, plus à même de recourir à l’expertise pour réduire leur exposition au risque.

Enfin, il semblerait que la sinistralité des catastrophes naturelles, quel que soit leur type, soit appelée à augmenter. C’est pourquoi nous avons invité le Gouvernement à évaluer rapidement la capacité de la Caisse centrale de réassurance à faire face à des événements climatiques plus fréquents, plus intenses et donc plus coûteux, liés notamment au réchauffement climatique.

Permettez-moi enfin quelques réflexions en lien avec la catastrophe qu’ont vécue les départements de la Vendée et de la Charente-Maritime voilà quelques semaines.

Hier, nous avons créé une mission sur la tempête Xynthia au sein de notre assemblée, qui sera présidée par notre collègue vendéen Bruno Retailleau. Bien sûr, cette mission traitera de la question des indemnisations et des mesures à prendre à court terme, notamment pour interdire les constructions et en déplacer certaines. Mais je forme le vœu qu’elle nous permette aussi d’approfondir le sujet du traitement des catastrophes naturelles et de lui donner une suite opérationnelle.

En effet, nous connaissons bien, mes chers collègues, le sujet des catastrophes naturelles : les inondations de la Somme voilà quelques années, la catastrophe industrielle qu’a été l’explosion de l’usine AZF, la sécheresse de 2003, Xynthia aujourd’hui. Tous ces événements ont donné lieu à de grands moments d’émotion populaire. Cependant, de sept à dix ans plus tard, notre réglementation et nos pratiques ne sont que marginalement modifiées.

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