Intervention de Claude Biwer

Réunion du 1er avril 2010 à 9h30
Débat sur les conséquences de la sécheresse de 2003

Photo de Claude BiwerClaude Biwer :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la première fois depuis fort longtemps, la sécheresse de 2003 a touché un nombre impressionnant de communes : près de 8 000 d’entre elles, semble-t-il, ont été concernées. Dans la mesure où il s’agissait d’un phénomène qui ne répondait pas aux critères classiques de prise en charge au titre du régime des catastrophes naturelles, le gouvernement de l’époque a tardé à prendre des arrêtés reconnaissant cet état de fait.

Ce n’est que courant 2004, et donc avec de longs mois de retard, que des arrêtés furent enfin pris. Cependant, ils ne concernèrent alors qu’environ 1 300 communes sur les 8 000 qui avaient adressé des dossiers, ces derniers recensant plusieurs dizaines de milliers de maisons d’habitation victimes de désordres consécutifs aux mouvements de terrain induits par cette sécheresse d’une intensité exceptionnelle.

Devant le mouvement de protestation soulevé par cet état de fait, j’avais alors déposé, avec plusieurs de nos collègues sénateurs, une proposition de loi tendant à préciser que tous les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols seraient désormais pris en compte – et ce, je le souligne, quelle que soit leur intensité – pour le classement d’une commune ou d’une partie de commune en zone de catastrophe naturelle. Le bureau de recherches géologique et minière pouvait d’ailleurs mettre en place ce dispositif, comme cela avait été évoqué lors du débat dans cette assemblée.

Il faut rappeler, en effet, que la garantie d’assurance relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles ne peut intervenir que si cette situation est constatée par un arrêté ministériel. Sans ce dernier, aucune indemnisation n’est possible.

Faisant suite à nos insistantes interventions, le Gouvernement dut se rendre à l’évidence, et des arrêtés supplémentaires furent pris, portant le nombre de communes concernés à 4 441, ce qui était déjà bien plus acceptable mais encore très insuffisant au regard des 8 022 communes qui avaient déposé des dossiers, représentant 138 000 sinistres.

Certes, un fonds spécial d’indemnisation fut mis en place et doté de 218, 5 millions d’euros. Ce fonds a permis de faire bénéficier 2 370 communes d’indemnisations complémentaires. Cependant, ces dernières n’ont pas toujours permis, loin s’en faut, de réparer les dommages subis par les maisons d’habitation, dont le coût avoisinait dans certains cas, en cas de reprise des fondations, près de 150 000 euros par habitation, ce qui est considérable.

D’un côté, indemnisations insuffisantes, d’un autre côté, indemnisations inexistantes pour les habitants de près de 1 200 communes touchées par ce phénomène : cette situation doit aujourd’hui, comme à l’époque, nous interpeller.

Je remercie la commission des finances d’avoir mis en place sur ce problème un groupe de travail, lequel a publié un excellent rapport d’information sur la situation des sinistrés de la sécheresse de 2003 et sur celle du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.

Les conclusions de ce rapport me paraissent d’autant plus pertinentes qu’elles reprennent les grandes lignes de mon propre rapport présenté dès le 8 juin 2005 au nom de la commission de l’économie en analyse de la proposition de loi que nous avions déposée, à laquelle nous avions décidé de joindre une autre proposition de loi, déposée sur le même sujet par notre collègue Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste.

Certes, la commission de l’économie puis le Sénat, au cours de la séance du 16 juin 2005, ne firent pas entièrement droit à nos demandes. Une proposition de loi fut néanmoins adoptée, qui améliorait la transparence de la procédure de catastrophe naturelle : en amont, par la mise en place d’un programme national de prévention des risques liés à la sécheresse ; en aval de la catastrophe, par la création de commissions consultatives départementales, auxquelles participeraient des élus locaux, des assurés et des assureurs.

Je regrette que cette proposition de loi, comme bien d’autres, hélas ! n’ait jamais été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Que disions-nous à l’époque?

Nous disions d’abord que le traitement de la sécheresse de 2003 a donné lieu à un large mécontentement, qui rend assurément nécessaire une réforme du système ; nous disions aussi qu’il existe un manque de transparence évident en amont et en aval de la catastrophe naturelle, et que, après la catastrophe, les victimes n’ont aujourd’hui d’autres droits que celui d’attendre la décision des ministères, ce qui n’est pas toujours acceptable.

Nous remarquions également que les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle devaient être clarifiés afin de mieux prendre en compte la réalité des dommages, les actuels critères, abscons, donnant le sentiment, à tort ou à raison, que l’on veut indemniser le moins possible de communes ou de familles concernées.

Nous préconisions de diffuser, avant la catastrophe, l’information sur les risques et sur la façon de les prévenir en généralisant l’information sur l’existence des risques liés à la sécheresse, la connaissance de ces risques devant déboucher sur des mesures de prévention visant les particuliers et les professionnels.

Nous affirmions que les iniquités ressenties et constatées depuis la sécheresse de 2003 exigent une réponse, que le choix de la commune comme périmètre de reconnaissance de la catastrophe naturelle explique une partie du sentiment d’iniquité et que, par ailleurs, les mesures en faveur de l’équité exigent un rappel de la responsabilité des assureurs.

Enfin, nous signalions qu’il fallait à tout prix accélérer la mise en place des informations sur la qualité des sols avant la construction, comme le proposait le BRGM, ce qui fut un élément important de la discussion générale lors du vote de cette proposition de loi en 2005.

Il était alors proposé que, pour un coût de 10 millions d’euros, le programme de cartographie déjà engagé par le BRGM pour définir les zones argileuses à risque puisse être considérablement accéléré et terminé en l’espace de trois ans. Cette proposition n’a, hélas ! pas été suivie d’effet, ce qui est tout à fait regrettable, car cela nuit à la prévention.

Nous sommes aujourd’hui en 2010 et, sept années après la sécheresse de 2003, il y a encore des familles qui n’ont obtenu aucune indemnisation leur permettant de limiter les dégâts.

Par ailleurs, le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles est toujours aussi peu transparent. Les propositions que nous avions formulées sur la transparence, tout à fait convergentes avec celles qui figurent dans le rapport de nos collègues Fabienne Keller et Jean-Claude Frécon, mériteraient enfin d’être prises en considération.

En ce qui concerne l’adaptation des normes de construction, il serait grand temps d’instaurer des règles plus strictes en matière de constructibilité dans les secteurs en difficulté ou susceptibles de l’être à l’avenir.

Enfin, s’agissant de la réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, j’ai lu, sous la plume de nos deux collègues, que « si le risque sécheresse doit rester couvert par ce régime, des exclusions partielles peuvent néanmoins être envisagées, concernant les ouvrages couverts par les garanties décennale ou dommages-ouvrage, les dégâts superficiels ou les bâtiments construits en violation des règles de prévention ou de construction ».

Je pense, pour ma part, qu’il serait dangereux de n’avoir recours qu’à des exclusions partielles. Faire jouer une garantie décennale ou une garantie dommages-ouvrage, c’est entraîner nos compatriotes dans un parcours du combattant procédurier, voire judiciaire, qui serait encore pire que le système actuel. Quant aux dégâts superficiels qui ne nécessitent, par exemple, qu’un ravalement ou des travaux légers, ils occasionnent tout de même une charge de quelques milliers d’euros ; je ne vois pas pourquoi cette somme devrait rester uniquement à la charge des assurés.

Réformons le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles en le rendant plus transparent, plus rapide surtout, et plus équitable, mais ne donnons surtout pas le sentiment à nos compatriotes qu’ils seront moins bien assurés demain qu’hier contre ce risque.

Réglons une fois pour toutes la situation des victimes de la catastrophe de 2003 qui n’ont pas obtenu satisfaction : ce serait à notre honneur, et à l’honneur du Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État ! Il n’a fallu que quelques jours pour que les départements concernés par la terrible tempête du 28 février 2010 soient classés en zone de catastrophe naturelle et que les sinistrés puissent ainsi être indemnisés. Ce n’est certes pas une consolation ; néanmoins, par rapport aux sept années d’attente consécutives à la sécheresse de 2003, cela marque une différence positive que je me plais à signaler.

Enfin, faisons le nécessaire pour faire passer les messages d’information et de prévention aux futurs constructeurs : c’est ce que nous avions décidé en priorité lors de la présentation de la proposition de loi, et je regrette que cela n’ait pu aller plus loin : nous nous trouverions peut-être dans une meilleure situation aujourd’hui.

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