Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la tempête Xynthia, qui vient de frapper durement l’ouest de la France, nous rappelle combien les aléas climatiques peuvent être dévastateurs. En 2003, notre pays a été frappé par une sécheresse d’une ampleur exceptionnelle, dont les conséquences ne sont pas complètement éteintes aujourd’hui, comme l’ont souligné très justement nos collègues de la commission des finances en intitulant leur rapport Un passé qui ne passe pas.
La canicule de l’été 2003, avec 14 802 décès qui peuvent lui être imputés, a été la catastrophe naturelle la plus grave et la plus fatale pour la France au cours de ces cinquante dernières années. Ce nombre de victimes est bien évidemment l’aspect sans doute le plus dramatique de cet événement. Il est irréparable, et nous nous souvenons qu’il a plongé de nombreuses familles dans la détresse.
Une fois la sécheresse passée, l’heure du bilan matériel est venue. Il a été particulièrement lourd, avec plus de 8 000 communes touchées par les sinistres et des milliers de personnes concernées par des procédures d’indemnisation longues, qui n’ont pas toujours été à la hauteur des attentes.
En notre qualité d’élus – mon département a été particulièrement touché –, nous avons tous vécu sur le terrain les conséquences de cette canicule. Très vite, nous avons pu constater l’insuffisance de la procédure de catastrophe naturelle, du moins dans sa première phase.
Tout d’abord, plusieurs éléments ont conduit à sous-évaluer les dégâts. L’imprécision et la rigidité des critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ont posé des difficultés. Une stricte application aurait d’ailleurs conduit à ne classer que 200 communes seulement. Par ailleurs, ces critères se sont révélés particulièrement inadaptés pour apprécier le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux.
Quant au zonage Aurore, qui aboutissait à exclure de nombreuses communes du fait de leur rattachement à une station d’observation parfois trop lointaine ou d’un bilan hydrique trop grossier, il a été fortement contesté.
Les faiblesses de ces outils ont limité l’état de catastrophe naturelle à 4 441 communes dans un premier temps, et l’insuffisante prise en compte du volume total de sinistres a été vécue à l’époque comme une véritable injustice.
La question des communes non classées mais limitrophes de départements entièrement déclarés en état de catastrophe naturelle a également soulevé des inégalités particulièrement criantes et mal vécues sur le terrain.
Il faut reconnaître que l’État n’est pas resté sourd à cette situation, poussé par la mobilisation des élus et des associations de sinistrés. Certes, la réponse est arrivée un peu tardivement, mais elle est arrivée quand même.
En effet, la loi de finances pour 2006 a permis d’aller plus loin, en prévoyant une procédure exceptionnelle d’indemnisation. Nous sommes nombreux sur ces travées, quel que soit l’endroit où nous siégions, à avoir regretté à l’époque la méthode retenue, qui n’a pas privilégié l’élargissement des critères de reconnaissance.
Sans méconnaître les contraintes liées à l’équilibre financier du régime CAT-NAT, le recours à une procédure exceptionnelle encadrée sur le plan budgétaire n’a pas permis de satisfaire toutes les demandes d’indemnisation. À ce jour, les 218, 5 millions d’euros apportés par la loi de finances pour 2006 et par la loi de finances rectificative qui l’a suivie n’ont pas complètement rempli leurs objectifs. Des centaines de familles n’ont toujours pas pu faire valoir leurs droits résultant des dommages causés à leurs habitations, en particulier lorsque le phénomène de subsidence a décalé l’apparition des fissures.
C’est pourquoi, chaque année, afin de répondre aux attentes des assurés, mais aussi aux injustices constatées, nous demandons une rallonge dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances. Toujours en vain pour le moment, hélas… Compte tenu du nouvel effort budgétaire qui devra être fourni pour aider les victimes de la tempête Xynthia, l’exercice risque d’être encore plus périlleux l’année prochaine, s’agissant de la sécheresse de 2003. Cependant, nous ne manquerons pas de rappeler l’État à son devoir de solidarité nationale envers les sinistrés qui n’ont pas encore reçu le moindre euro.
Je souhaiterais d’ailleurs profiter de ce débat pour évoquer également la situation des agriculteurs. En effet, on a parfois tendance à oublier que certains d’entre eux ont fortement souffert de cette canicule historique.
Les cultures hivernales en particulier, qui avaient déjà subi les effets d’un hiver très froid et d’un gel tardif, furent atteintes par la vague de chaleur qui débuta en juin 2003, avançant ainsi le développement des récoltes de dix à vingt jours, ce qui n’est pas négligeable. Une maturation hâtive, entamée de surcroît sur un sol très desséché, a entraîné des baisses vertigineuses de rendement, en particulier pour le fourrage dont le déficit avait atteint 60 % dans notre pays. Mais les cultures de pommes de terre et le secteur viticole ont aussi été très sérieusement touchés par le manque d’eau.
Les agriculteurs sont donc aussi les grandes victimes de ces intempéries : le temps, qui est parfois leur allié, peut aussi très vite devenir leur ennemi le plus redoutable.
Les exploitants de la côte atlantique viennent de le vivre en voyant une tempête extrême anéantir complètement des installations agricoles et des parcs à coquillages. Certes, un soutien spécifique de l’État est à chaque fois mis en place, mais les plans agricoles s’avèrent bien souvent insuffisants pour répondre à tous les dégâts et, surtout, aux pertes de revenus consécutives aux sinistres sur les exploitations.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je suis attaché à la mise en place d’une assurance récolte pérenne destinée à répondre plus parfaitement aux demandes d’indemnisation des agriculteurs. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion de débattre dans cette assemblée d’une proposition de loi que j’avais déposée sur ce thème. Mais ce texte, malgré l’intérêt suscité et le succès d’estime reçu, n’a pas été adopté. On peut le regretter, mais je compte poursuivre ce débat, une nouvelle proposition de loi ayant été déposée avec le soutien de mes collègues du RDSE.
Voilà, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais faire sur ce thème qui soulève beaucoup de questions. L’excellent et très complet rapport de nos collègues Éric Doligé, Jean-Claude Frécon et Fabienne Keller mériterait sans doute de connaître des prolongements législatifs, tant il est riche de propositions particulièrement pertinentes. Il est important, en effet, de mieux réparer les risques, de mieux les assurer, mais aussi, si possible, de mieux les prévenir. La multiplication des phénomènes climatiques extrêmes est une réalité qu’il nous faut désormais prendre en compte, dans l’intérêt de tous nos concitoyens.