Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sept longues années se sont écoulées depuis la sécheresse de 2003, plus longues encore pour les victimes de cette catastrophe naturelle, qui souffrent toujours de vivre dans des maisons fissurées et qui espèrent que les pouvoirs publics vont enfin entendre leur désarroi.
Comment imaginer qu’en avril 2010 ce dossier ne soit toujours pas clos, que des familles continuent de subir les conséquences de ce phénomène climatique et que leurs dossiers de demande d’indemnisation n’aboutissent pas ?
Certes, la sécheresse de 2003 a été d’une exceptionnelle gravité. Mais force est de constater que la source du blocage à laquelle nous sommes confrontés sur ce sujet provient essentiellement du refus du Gouvernement d’y apporter les réponses satisfaisantes en temps voulu.
Pourtant, la question de l’indemnisation des sinistrés de la sécheresse de 2003 a déjà fait l’objet de nombreux débats depuis 2006, lors de l’examen des différentes lois de finances et lois de finances rectificatives. À chaque fois, nous avons réitéré avec constance nos demandes d’indemnisation supplémentaire. Mais, à chaque fois, le Gouvernement nous a opposé une fin de non-recevoir.
Face à cette situation de blocage, et sur proposition du président Jean Arthuis, la commission des finances a décidé de créer en son sein un groupe de travail, dont j’étais membre. Celui-ci a accompli un important travail de réflexion, nourri par de très nombreuses auditions et par un déplacement sur le terrain dans mon département de l’Essonne. Pour la première fois, un bilan exhaustif de la sécheresse de 2003 a été effectué et des recommandations constructives ont été adoptées, à l’unanimité.
J’espère par conséquent que ce travail n’aura pas été produit en vain et qu’il sera suivi de mesures concrètes.
La sécheresse de l’été 2003 fut en effet exceptionnelle par son ampleur et les dégâts qu’elle a occasionnés : 138 000 sinistres ont été enregistrés mais, sur les 8 000 communes qui ont sollicité leur classement en catastrophe naturelle, seules 4 441 ont bénéficié de cette classification.
J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer les critiques développées à l’encontre des critères scientifiques qui ont fondé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, notamment sur le mode de rattachement de chaque commune aux stations de référence du zonage Aurore.
Le groupe de travail a d’ailleurs relayé ces critiques dans son rapport. Il a ainsi constaté que des communes pourtant limitrophes ont vu leur dossier être traité de façon différenciée, certaines étant reconnues en état de catastrophe naturelle alors que leurs voisines, rattachées à un autre centre météorologique, en avaient été exclues. Ainsi, dans mon département, particulièrement touché, cinquante-six communes ont été exclues de la procédure de catastrophe naturelle.
Les deux assouplissements des critères de reconnaissance, effectués en janvier et en juin 2005, se sont révélés finalement insuffisants puisque, comme le souligne le groupe de travail, de larges zones n’ont pas été reconnues.
Le premier constat que nous pouvons donc établir est le manque de fiabilité des critères appliqués pour reconnaître ou non l’état de catastrophe naturelle.
Le groupe de travail en appelle d’ailleurs à davantage de transparence de la part des pouvoirs publics sur ce point. En effet, nombreux sont les sinistrés qui se sont interrogés sur les conditions dans lesquelles ces critères ont été assouplis, situation qui a fait naître chez eux un profond sentiment d’injustice dans le processus d’éligibilité de leur dossier.
Le second constat est le fait que s’est ajoutée à cette gestion très imparfaite des critères de reconnaissance l’inflexibilité du Gouvernement dans la mise en œuvre de la procédure exceptionnelle d’indemnisation.
Plus personne sur ces travées ne conteste l’insuffisance de cette indemnisation d’un montant de 238, 5 millions d’euros, mise en œuvre par l’article 110 de la loi de finances pour 2006, puis par la loi de finances rectificative pour 2006.
À l’insuffisance des sommes affectées est venue s’ajouter la complexité de l’instruction des dossiers. Le sentiment d’injustice provoqué par l’exclusion de certaines communes de la procédure de catastrophe naturelle a dès lors fait place à un profond désarroi chez les sinistrés, déconcertés par les procédures mises en place.
Outre la technicité des dossiers à constituer, l’exigence de deux devis détaillés à fournir dans des délais extrêmement courts, alors même que les professionnels se sont trouvés indisponibles face à un afflux de demandes, n’a fait qu’amplifier des disparités de traitement entre les requêtes des sinistrés.
De fait, les services de l’État n’ont disposé que de devis, voire de simples estimations ne portant parfois que sur les désordres observables, et non sur les causes structurelles des sinistres, alors que chacune des demandes aurait dû bénéficier de comptes rendus d’expertise élaborés avec le concours des compagnies d’assurance.
Au final, le montant des sommes débloquées pour mettre en œuvre la procédure exceptionnelle d’indemnisation s’est révélé insuffisant. Certains sinistrés n’ont pas du tout été indemnisés, tandis que d’autres l’ont été insuffisamment.
Cette situation a fait l’objet de nombreux débats dans cet hémicycle, sous l’impulsion des parlementaires de tous bords qui ont relayé les revendications des associations de défense des sinistrés de leurs départements.
Au cours de ces débats, plusieurs ministres se sont engagés à agir en faveur d’une solution équitable. Je ne citerai que Michèle Alliot-Marie, qui, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2008, répondait en ces termes à une question de notre collègue Jean-Pierre Sueur portant sur l’indemnisation complémentaire à apporter aux sinistrés : « Je viens d’obtenir l’accord de Bercy pour répondre au problème posé. Une disposition vous sera donc soumise lors de l’examen du prochain projet de loi de finances rectificative, qui devrait permettre un règlement au début de 2008. Ainsi, dans un délai assez court, sera résolu un problème qui se posait depuis longtemps. »