Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 1er avril 2010 à 9h30
Débat sur les conséquences de la sécheresse de 2003

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

J’ai moi-même, comme mon collègue Bernard Vera, été membre de ce groupe de travail. Outre M. Arthuis, je tiens donc également à remercier ses rapporteurs, Mme Keller et M. Frécon et, bien sûr, son président, M. Doligé, qui a mené nos travaux de main de maître.

Monsieur le secrétaire d'État, c’est une longue marche, à laquelle ont pris part trois séries d’acteurs, qui nous a conduits aujourd'hui à évoquer la catastrophe naturelle qu’a représentée la sécheresse de 2003, notamment, car, si celle-ci n’est pas un cas isolé, elle a tout de même été, tous mes collègues l’ont dit, d’une ampleur exceptionnelle.

Au premier rang des acteurs figurent les associations et les collectifs de sinistrés, qui ont su s’organiser dans les départements les plus touchés, dans le mien, la Seine-et-Marne, mais aussi dans l’Essonne et le Loiret. Des coordinations interdépartementales se sont même créées, comme en Île-de-France.

Les maires se sont également mobilisés, en constituant, eux aussi, des collectifs. Devant la non-reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et tous les dysfonctionnements précédemment évoqués, ils ont porté le fer devant le tribunal administratif. Si les communes de Seine-et-Marne, dont je veux saluer les maires présents aujourd'hui en tribune, notamment le président de la coordination, ont été déboutées, elles ont fait appel.

Bien évidemment, il faut aussi saluer les initiatives engagées par les sénateurs des départements concernés. Dès 2004, Claude Biwer a déposé une proposition de loi et, l’année suivante, avec plusieurs de mes collègues, dont Jean-Pierre Sueur et Daniel Reiner, j’ai fait de même au nom du groupe socialiste.

Ces deux textes, qui ont finalement été débattus, réclamaient la transparence, l’équité, la responsabilisation des acteurs, la proximité, autant d’exigences que l’on retrouve dans les conclusions tirées par les rapporteurs du groupe de travail.

À l’époque, le groupe socialiste, bien qu’un peu déçu par le débat qui ne lui avait pas donné entière satisfaction, s’était rallié à la proposition de loi de Claude Biwer, amendée mais insuffisante à ses yeux, et l’avait votée. Le problème, c’est que ce texte n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et que le Gouvernement n’y a pas donné suite par voie réglementaire, alors qu’il aurait pu le faire.

Toutefois, face à la mobilisation des associations et à l’opiniâtreté des sénateurs, le Gouvernement a instauré une aide exceptionnelle dans la loi de finances pour 2006, complétée dans la loi de finances rectificative pour 2006.

Monsieur le secrétaire d’État, lors de nos différents déplacements effectués dans le cadre du groupe de travail, à la préfecture de l’Essonne notamment, nous avons pu faire le constat suivant : contrairement à ce qui s’était passé en 2003, les services de l’État se sont réellement mobilisés pour cette aide exceptionnelle, même si nous avons identifié plusieurs faiblesses dans les modalités de sa mise en œuvre.

Je citerai simplement les réserves émises à cet égard par les représentants de la Fédération française du bâtiment lors de leur audition devant le groupe de travail. Elles résument bien, me semble-t-il, les dysfonctionnements constatés dans l’application de cette procédure exceptionnelle : défaut d’information des victimes, délais trop courts, consultation trop faible des professionnels en amont, enveloppe bien trop réduite – cela a été dit, je ne m’y attarderai pas –, gestion technique et financière réalisée en fait par les sinistrés eux-mêmes.

Au total, le taux de rejet des dossiers déposés dans le cadre de cette procédure exceptionnelle a été de 36 %. Loin de répondre à l’attente des sinistrés, elle a engendré de nouvelles et légitimes frustrations, car certaines plaies en voie de cicatrisation se sont rouvertes à cette occasion.

Des parlementaires irréductibles, pour la plupart présents ici ce matin, ont continué à se battre chaque fois qu’ils le pouvaient. Je remercie Jean-Claude Frécon d’avoir cité le département de l’Ardèche : à l’époque, notre collègue Michel Teston, qui ne pouvait assister à notre débat, en était le président du conseil général, et il s’était beaucoup battu pour la reconnaissance des sinistres.

Finalement, le groupe de travail fait un constat sévère de la gestion de la crise. Il souligne lui aussi avec force, après avoir procédé à de nombreuses auditions pendant plusieurs mois, l’opacité de la procédure, la réponse trop partielle et souvent injuste fournie par l’État, le dépassement des délais.

Au travers de ce rapport, notre objectif était que le dossier ne soit pas refermé, et il ne peut pas l’être. Nous avons voulu souligner la nécessité de renforcer la responsabilité des acteurs, élus locaux, constructeurs, propriétaires, l’État, bien sûr, responsable des politiques de prévention. Mais ce dernier, Mme Keller l’a rappelé, a visiblement du mal à assurer le financement, alors que c’est pourtant sa mission. Il y va ainsi de la cartographie des zones d’aléa argileux, élément essentiel pour les maires. Très souvent – c’est le cas dans mon département –, le conseil général finance cette action auprès du BRGM.

Aujourd'hui, c’est la question de la mise en application de nos recommandations qui est posée. Si le Sénat excelle dans la rédaction des rapports, en l’occurrence, il faut que nos propositions, toutes pertinentes, soient suivies d’effet.

Depuis l’adoption du rapport par la commission des finances en octobre dernier, nous avons eu de nouveau un débat lors de l’examen de la loi de finances pour 2010. Puisque la LOLF le permet, le groupe socialiste a présenté des amendements visant à affecter des crédits au programme de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », en vue, notamment, de passer enfin à une cartographie généralisée.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie, s’était alors, ici même, engagée à ce que le reliquat des crédits votés pour l’aide exceptionnelle dans le cadre de la loi de finances pour 2006 soit affecté à l’indemnisation des victimes. Monsieur le secrétaire d'État, cela a-t-il été fait ?

La demande de renouvellement de l’aide exceptionnelle, que nous avions formulée dans ce même débat, a été rejetée par le Gouvernement.

Concernant le dispositif d’alerte, Mme Jouanno avait pris l’engagement de faire dans les trois mois, c'est-à-dire pour mars 2010, « un rapport complet, accompagné d’un calendrier sur la mise en place du dispositif d’alerte élaboré avec Météo France » ; elle avait toutefois refusé la demande de crédits formulée par le groupe socialiste et portant sur 10 millions d'euros. Cela avait amené Éric Doligé à déclarer ceci : « Je le répète, si un amendement de même nature est présenté à nouveau par mes collègues sur un texte quelconque pour essayer de faire face à cette situation, et si nous n’avons pas, dans trois mois, une réponse précise […], je le voterai. »

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