Intervention de Claire-Lise Campion

Réunion du 1er avril 2010 à 9h30
Débat sur les conséquences de la sécheresse de 2003

Photo de Claire-Lise CampionClaire-Lise Campion :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sept années se sont bientôt écoulées et la question de l’indemnisation des sinistrés demeure. Cela fait sept années que des familles ont tout perdu, qu’elles ont vécu des drames psychologiques et financiers, qu’elles se sont battues et se battent encore pour leur dignité et contre l’injustice. Ce sont sept années douloureuses que ces familles ont vécu dans l’attente ; elles ne doivent plus attendre.

La sécheresse de 2003 a été exceptionnelle à plus d’un titre et ses conséquences ont été dramatiques pour beaucoup.

Elle a été exceptionnelle par son intensité : 138 000 sinistrés, des dégâts estimés à 1 108 millions d’euros par la Caisse centrale de réassurance. Or, comme cela a été dit, le gouvernement de l’époque n’a pas apporté une réponse à la hauteur de la situation.

Une enveloppe budgétaire de procédure d’indemnisation exceptionnelle a été adoptée à l’occasion de la loi de finances pour 2006. Son montant de 180 millions d’euros a été porté par le Parlement à 218, 5 millions d’euros. Inexistante pour certains, elle s’est révélée bien insuffisante pour les autres. Le compte n’y était pas ; je suis certaine que vous en conviendrez.

Exceptionnelle, la sécheresse de 2003 l’est également par ses caractéristiques. Les critères scientifiques traditionnels employés pour reconnaître l’état de catastrophe naturelle se sont avérés peu opérationnels. Des assouplissements et des réaménagements ont été nécessaires. Ils ont ainsi abouti à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour environ 4 000 communes sur plus de 8 000 qui l’avaient sollicité !

Comme l’ont rappelé nos collègues au nom de la commission des finances, tant le rapport d’information fait au nom de cette commission que l’opiniâtreté et le travail réalisé par nos collègues Mme Nicole Bricq, M. Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste nous permettent aujourd’hui d’avoir ce débat.

Toutefois, ces réajustements ont été opérés en fonction de considérations budgétaires, afin d’éviter que le coût des indemnisations au titre du régime CAT-NAT n’entraîne l’appel en garantie de l’État. À ce titre, ils ont été ressentis par les sinistrés et les élus comme manquant d’objectivité.

Enfin, la sécheresse de 2003 a mis en évidence les imperfections du zonage météorologique utilisé. Ainsi, des communes voisines qui, pourtant, avaient des caractéristiques géologiques identiques se sont vu appliquer des traitements différenciés, au seul motif qu’elles étaient rattachées à des zones différentes.

Improvisation, arbitraire et incompréhension sont les qualificatifs que nous avons tous entendus et que nous entendons encore dans nos permanences ou lors de nos rencontres avec les sinistrés, pour décrire la gestion de cette catastrophe.

Le déplacement du groupe de travail dans le département que je représente, l’Essonne, a mis en exergue les difficultés extrêmes vécues par les familles, difficultés que je reprendrai pour illustrer ce qu’a vécu et ce que vit encore un trop grand nombre de concitoyens dans l’ensemble des départements qui ont été cités au cours de ce débat.

Parmi les familles visitées, l’une d’elle, habitant Saint-Michel-sur-Orge, a vu son dossier rejeté en préfecture à la suite d’une erreur d’interprétation d’un rapport d’expertise. En 2006, les devis s’élevaient à plus de 80 000 euros de travaux. Aujourd’hui, la situation est bloquée. Ce couple proche de la retraite ne peut pas emprunter auprès d’organismes financiers en raison de problèmes de santé et de l’âge.

Dans une autre commune essonnienne, Arpajon, une femme seule a bénéficié d’une aide de 25 000 euros, alors que la consolidation de son logement était estimée à 120 000 euros. La commune n’ayant pas été reconnue en CAT-NAT, les assurances n’interviendront pas.

L’indemnité exceptionnelle mise en place n’a apporté aucune solution juste et raisonnable aux dommages de 2003. Très insuffisante en général, elle a pu aussi, de façon exceptionnelle, être anormale, voire excessive dans certains cas. C’est la raison pour laquelle je suis pleinement favorable à la demande faite par le groupe de travail sénatorial de mise en œuvre d’une indemnisation complémentaire.

De même, il faut reverser la totalité du reliquat du fonds constaté au titre de la procédure exceptionnelle d’indemnisation aux victimes. La proposition de réserver ces indemnisations à ceux qui ont déjà déposé un dossier dans le cadre de la procédure exceptionnelle et réalisé une expertise préalable va dans le bon sens, j’y insiste, monsieur le secrétaire d'État.

L’adaptation des normes de construction, l’information des acquéreurs, la sensibilisation des élus de communes exposées au risque argileux ainsi que des recommandations à leur intention sont également indispensables.

La sécheresse de 2003 a mis en évidence un dispositif de reconnaissance qui manque de transparence. Ce point concerne notamment la définition de « l’intensité anormale d’un agent naturel ». Elle ne rend pas précisément compte des critères et des seuils physiques retenus pour la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

Des aménagements sont donc nécessaires. Ils doivent répondre à un triple objectif, à savoir la transparence, l’équité et la rapidité. Mais le maintien d’un régime obligatoire faisant appel à la solidarité ne peut être remis en cause.

Si la prise d’arrêtés interministériels constitue une manifestation de solidarité nationale, je suis favorable aux préconisations du rapport, précédées de celles que contenait le texte de Mme Nicole Bricq et de ses collègues socialistes, qui sont une incitation à décentraliser l’élaboration de la prise de décision de déclaration de l’état de catastrophe naturelle. Il est urgent que l’objectivation des critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle entre en vigueur rapidement, afin que les élus et les citoyens en aient connaissance.

L’énorme travail des associations de sinistrés, qui sont très présents ce matin dans nos tribunes et que, à mon tour, je salue, a mis en évidence les multiples dysfonctionnements, opacités ou traitements discriminatoires d’une préfecture à une autre. Il est d’ailleurs regrettable que ces derniers ne soient pas plus associés aux réformes en cours.

J’aimerais croire que ce travail n’a pas été vain ; mais les événements récents tendent à prouver que le Gouvernement n’a pas encore su tirer les leçons de cette catastrophe. J’en veux pour preuve les difficultés rencontrées par les familles et les élus victimes des périodes de sécheresse de 2005 et de 2009.

Une fois encore, l’Essonne, comme d’autres départements, est touché fortement et les communes se battent encore aujourd’hui pour obtenir des réponses quant à leur classement en CAT-NAT.

La mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia apportera à son tour analyses et propositions sur les questions de responsabilité.

Souhaitons que tous ces travaux parlementaires qui se succèdent soient un jour suivis d’effet, tant sur la prévention des risques, la répartition des indemnisations, la transparence des décisions et des critères que sur les seuils retenus. Nos concitoyens l’attendent ; le Gouvernement doit nous entendre.

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