En tout état de cause, monsieur le ministre, votre échec est évident, comme l'a déjà montré Mme Assassi en citant plusieurs chiffres. Pour ma part, je rappellerai simplement la hausse de 27 % en quatre ans des « violences non crapuleuses ». Votre échec, vous essayez toujours de le dissimuler derrière la responsabilité des autres. Au risque d'enflammer les banlieues, le ministre de l'intérieur a dénoncé la « racaille », comme si le mal des banlieues pouvait se résumer au comportement de quelques individus ! Au risque de déstabiliser un peu plus une institution déjà en difficulté, vous accusez l'école. Au risque de nourrir les idées les plus extrêmes, vous cédez à l'amalgame en associant troubles et immigration. Au risque d'introduire de façon inconséquente un dysfonctionnement majeur dans l'appareil institutionnel de l'État de droit, vous accusez les magistrats de démission.
Eh non, monsieur le ministre, la justice n'est pas laxiste ! Elle peut être lente, car elle manque de moyens d'instruction, mais elle n'est pas laxiste. Nous vous l'avions d'ailleurs déjà dit au mois de septembre dernier. Dans une étude récente parue dans la revue Claris du mois dernier, un sociologue, M. Mucchielli, démontre en effet opportunément le contraire et précise que les juges sont de plus en plus répressifs malgré l'absence très fréquente d'une caractérisation formelle des délits. Les classements sans suite sont de moins en moins nombreux. Les condamnations sont de plus en plus fréquentes, mais elles sont adaptées aux caractéristiques de la délinquance des mineurs. Élément plus intéressant encore, selon l'auteur, qui cite ses propres statistiques, lesquelles sont sûrement solides, la violence de ce type de délinquance n'a pas progressé depuis dix ans, malgré des faits très médiatisés : ce qui s'accroît de façon exponentielle, c'est la « petite délinquance faite de vols, de bagarres, de vandalisme, de consommation de drogues et d'insultes ou de coups échangés avec les policiers lors des contrôles ». Or, je le rappelle, le Premier ministre, était convenu à l'automne dernier que ces contrôles, par leur répétition, pouvaient être insupportables dans certains quartiers.
Que fait donc la justice ? Eh bien, elle agit ! Les mises en cause des jeunes de moins de dix-huit ans ont augmenté de 68 % en dix ans, passant de 109 000 en 1994 à 184 000 en 2004. Les alternatives aux poursuites telles que les rappels à la loi, les médiations, les réparations et les peines adaptées aux délits ont connu une progression colossale et ont été multipliées par quatorze en dix ans, passant de 4 000 à 59 000 sur cette même période. Dès lors, loin de dénoncer le « laxisme » des juges, M. Mucchielli évoque plutôt la « tolérance zéro ».
Monsieur le ministre, tout cela démontre à l'évidence que, sur ce point particulier de la délinquance des jeunes, les prémisses qui fondent la rédaction de votre texte sont fausses. Or c'est le moment que vous choisissez pour achever votre combat contre l'ordonnance de 1945, car, cette fois, nous y sommes ! Il ne s'agit plus d'adaptations, dont on sait qu'elles ont été nombreuses.