Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 9 janvier 2007 à 16h00
Prévention de la délinquance — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

... et ce conformément à la volonté des Français.

Aujourd'hui, chacun convient que la lutte contre la délinquance a constitué, et constitue toujours, une préoccupation majeure des Français, du Parlement et de notre gouvernement.

En conséquence, depuis bientôt cinq ans, des textes s'ajoutent aux textes constituant un arsenal législatif, certes lourd, mais qui permet aux forces de police et de gendarmerie comme à l'institution judiciaire d'agir le plus efficacement possible contre une délinquance qui recule.

Si la délinquance « zéro » n'existe pas, il nous faut y tendre et, donc, sans cesse adapter nos outils aux évolutions d'un phénomène que notre société ne tolère plus. Face aux nouvelles formes de l'insécurité, la réponse de nos politiques publiques se doit de comporter aussi une forte dimension sociale et éducative, autrement dit préventive, en agissant en amont.

Le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance qui nous est aujourd'hui proposé en deuxième lecture vise cet objectif essentiel en appréhendant la notion de prévention dans une dimension large : d'une part, il aborde des domaines aussi divers que la famille, la santé publique, l'éducation, l'action sociale, les collectivités territoriales ou encore l'urbanisme ; d'autre part, il fait intervenir une multiplicité d'intervenants et d'acteurs.

Il s'agit ainsi d'apaiser ce sentiment d'insécurité qui se nourrit de la délinquance, bien sûr, mais peut-être et surtout de la confrontation quotidienne aux incivilités. Celles-ci ne constituent pas nécessairement des infractions pénales et des troubles à l'ordre public : il en est ainsi, même si cela peut paraître désuet, des manquements aux règles ordinaires de la courtoisie et du respect. Comme de nombreuses sociétés qualifiées de modernes, la France est malade de l'incivilité.

Car ce sont bien ces comportements incivils, parfois dépourvus de toute codification juridique, qui se trouvent au coeur du sentiment d'insécurité. Si la lutte contre la délinquance passe en grande partie par l'interdiction, la répression et le code pénal, la lutte contre les incivilités passe, d'abord et avant tout, par l'éducation, la responsabilisation et la prévention.

Prévenir la délinquance et les incivilités, c'est poursuivre la lutte contre l'insécurité. Ce projet de loi donne des outils pratiques pour permettre d'instituer un dispositif d'anticipation, de détection et d'endiguement des comportements délinquants. Ces dispositifs sont réactifs dès les premiers signes de délinquance de la part de mineurs à la dérive.

En simplifiant les procédures et en rassemblant tous les acteurs - administrations, travailleurs sociaux, magistrats, élus, éducation nationale, associations - ce texte doit permettre de responsabiliser des mineurs prédélinquants de plus en plus jeunes. Les chiffres le montrent, on assiste à un rajeunissement alarmant de la délinquance des mineurs, particulièrement pour les actes de moyenne gravité.

Comme le soulignait en son temps Lionel Jospin : « On ne peut nier que des comportements soient délinquants sous prétexte que leurs auteurs sont très jeunes ». S'il n'est pas question de faire l'amalgame entre « jeunes » et « délinquants », pas plus d'ailleurs qu'entre « délinquants » et « jeunes des quartiers difficiles », il s'agit de traiter un jeune délinquant comme un délinquant qui doit être sanctionné de façon sévère et graduée en fonction de la gravité de son acte, et pas uniquement en fonction de son âge.

Il faut bien admettre qu'une réforme d'ensemble de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquance s'impose. D'ailleurs, n'a-t-elle pas commencé puisque cette ordonnance a déjà connu, à ce jour, pas moins de trente-huit modifications ?

Nombreuses sont les notions sur lesquelles repose l'ordonnance de 1945 qui paraissent obsolètes, alors même que les grands principes modernes des textes internationaux auxquels la France a souscrit en sont absents, comme la proportionnalité de la sanction, l'égalité des chances, la non-discrimination ou l'intérêt supérieur de l'enfant.

Selon le président de l'Observatoire national de la délinquance, les délinquants mineurs n'ont jamais été aussi jeunes, aussi réitérants, aussi violents et aussi féminisés.

Quand on parle de la délinquance des mineurs, il ne faut pas oublier le rôle indispensable des parents. C'est pourquoi il faut saluer comme une avancée le stage de responsabilité parentale prévu par le projet de loi.

Dans sa décision du 29 août 2002, le Conseil constitutionnel a dégagé un « principe fondamental reconnu par les lois de République en matière de justice des mineurs » qui rappelle, d'une part, l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en raison de leur âge, et d'autre part, « la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées ».

C'est bien dans ce cadre constitutionnel que s'inscrivent les dispositions de ce projet de loi relatives à la délinquance des mineurs, parmi lesquelles une mesure éducative d'activité de jour pour les mineurs déscolarisés ou encore de nouvelles sanctions éducatives applicables aux mineurs de dix ans et plus.

On ne peut nier le bien-fondé de ces mesures, mais elles ne doivent pas nous empêcher de poser la question de l'enfance délinquante de façon plus globale. Nous ne pouvons plus faire l'économie d'une nouvelle législation de fond adaptée aux réalités de notre époque en matière de délinquance des mineurs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion