Si on veut lui donner d'autres missions, d'autres fonctions, un autre rôle, une efficacité accrue dans certains domaines, il s'agit alors d'un véritable changement.
Monsieur le ministre, je m'étonne du caractère fourre-tout de ce texte. Certes, c'est une critique que l'on a souvent adressée à de nombreux projets de lois, notamment à ceux qui portent diverses dispositions d'ordre social ou autres. Toutefois, avec le présent projet de loi, nous nous heurtons à une autre difficulté : cette collection surabondante d'articles en tout genre, ce conglomérat informe de mesures disparates est aussi un catalogue de peurs, petites et grandes, qui traduit l'idée fixe, l'obsession de l'enfermement, de l'exclusion, de la négation de ceux qui sont censés être dangereux.
Je serai très clair : la sanction est nécessaire, indispensable, et nous n'avons jamais prôné le laxisme ; c'est un slogan trop facile.
Monsieur le ministre, vous avez raison lorsque vous dites que la peur de la sanction contribue à la prévention. Mais d'autres éléments contribuent à la prévention.
Nous n'acceptons pas le fantasme perpétuel de l'enfermement et de l'exclusion qui est induit par l'énumération à laquelle vous procédez. En effet, ce texte évoque successivement les gens du voyage, les chiens dangereux, les malades mentaux, les toxicomanes. Comment ne pas voir ce qu'il y a non seulement de gênant, mais aussi de pernicieux dans une telle énumération ?
Il faut bien évidemment protéger la population contre les chiens dangereux : qui pourrait y être opposé ? Mais comme nous le disions ce matin en commission des lois, des dispositions allant dans ce sens, qui relèvent du code rural, auraient pu être prises par la voie réglementaire.
Cependant, évoquer le danger, la peur, en mentionnant les chiens dangereux, les gens du voyage - toujours faciles à stigmatiser -, les malades mentaux, dont la population doit être protégée, les toxicomanes, c'est procéder à une énumération qui induit des amalgames. Monsieur le ministre, il n'est pas neutre de présenter les choses de cette manière. Ce n'est pas seulement le texte en lui-même qui entraîne un certain nombre d'effets ; c'est aussi sa constitution en forme de répertoire de diverses peurs.
Chaque cas appelle des réponses de la société, des traitements, des cures et, dans certains cas, des sanctions. Mais l'amalgame qui est pratiqué est intrinsèquement pervers.
J'en viens à un point particulièrement choquant : les dispositions relatives à la psychiatrie.
Tout d'abord, ce fut une lourde erreur d'inscrire ces mesures dans un texte sur la délinquance. Sans jamais que cela fut dit - mais il y a le posé et le présupposé - ce procédé induit l'image en vertu de laquelle les malades mentaux seraient assimilés à des délinquants. Votre première erreur fut donc de créer une confusion en introduisant les dispositions concernant la psychiatrie dans un texte relatif à la prévention de la délinquance.
Votre seconde erreur fut de refuser d'élaborer une loi spécifique traitant ce sujet d'une manière globale. Tous les professionnels que nous avons reçus, qu'il s'agisse des psychiatres ou de leurs représentants, nous ont affirmé qu'il fallait rénover la loi de 1990 en prenant en compte l'ensemble de la question : l'hospitalisation, les secteurs, les cures, la psychiatrie en prison - la carence est importante en la matière -, sans oublier les rapports avec les familles. C'est un sujet très difficile ; une grande loi est nécessaire, élaborée dans la plus large concertation.
Mais, dites-vous, qu'à cela ne tienne, nous allons réparer l'erreur ! Et M. Sarkozy, ici absent, a cette formule magnifique, reprise dans la presse : « Qu'importe le véhicule, pourvu que le contenu reste le même ! » ; ce sera non plus une loi, mais une ordonnance. J'ai bien entendu les propos de M. Bertrand, mais comment accepter qu'une telle méthode puisse être considérée comme une bonne façon de traiter un problème aussi lourd ?
On a souvent parlé de la loi de 1838 et des débats très riches, mais aussi très complexes, auxquels elle a donné lieu au Parlement. Comment peut-on imaginer que l'on va aujourd'hui traiter cette question par une ordonnance, en fin de législature, afin de tenter de réparer une erreur ? Et, comble de l'aberration, monsieur le ministre, le Parlement va continuer à débattre des articles qui sont censés faire partie de l'ordonnance et qui sont visés par la loi d'habilitation.
En conclusion, permettez-moi de vous donner lecture d'un extrait - qui doit être gravé dans le marbre - du rapport présenté en décembre dernier, au nom de la commission des affaires sociales, par M. Alain Milon, sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé.
M. Milon écrit ceci : « L'introduction d'un article d'habilitation dans le projet de loi ne pose pas en soi de problème de respect des règles constitutionnelles. Néanmoins - ce mot est déjà tout un programme - la démarche suivie par le Gouvernement n'est pas banale - le discours, à lui seul, n'est pas banal, monsieur le président de la commission des lois - puisque le vote de cet article d'habilitation par l'Assemblée nationale n'a pas entraîné la suppression symétrique des articles 18 à 24 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance »
M. Milon poursuit, et c'est vraiment remarquable : « Selon les informations recueillies, il serait envisagé de ne procéder à cette suppression qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance en commission mixte paritaire. »
Ainsi, lors de la commission mixte paritaire au sein de laquelle, jusqu'à preuve du contraire, ne siègent que des parlementaires, députés ou sénateurs, le retrait des dispositions dont nous allons maintenant débattre est déjà prévu, puisque celles-ci figurent toujours dans le projet de loi bien que le Parlement ait autorisé le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur ce sujet. Si, dans cet hémicycle, quelqu'un considère que cette démarche n'est pas absurde, ...