L'article 40 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité dispose notamment
« La Commission de régulation de l'énergie peut, soit d'office, soit à la demande du ministre chargé de l'énergie, d'une organisation professionnelle, d'une association agréée d'utilisateurs ou de toute autre personne concernée, sanctionner les manquements qu'elle constate de la part des gestionnaires de réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité, des opérateurs des ouvrages de transport ou de distribution de gaz naturel ou des exploitants des installations de gaz naturel liquéfié ou des utilisateurs de ces réseaux, ouvrages et installations, dans les conditions suivantes :
« 1° En cas de manquement d'un gestionnaire, d'un opérateur, d'un exploitant ou d'un utilisateur d'un réseau, d'un ouvrage ou d'une installation mentionné au premier alinéa à une disposition législative ou réglementaire relative à l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, à une décision prise par la Commission de régulation de l'énergie ou à une règle d'imputation, à un périmètre ou à un principe approuvés par elle (...)
« Lorsque l'intéressé ne se conforme pas dans les délais fixés à cette mise en demeure, la commission peut prononcer à son encontre, en fonction de la gravité du manquement :
« a) Une interdiction temporaire d'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés au premier alinéa pour une durée n'excédant pas un an ; »
L'article 2 sexies tend à créer une nouvelle catégorie de contrevenants potentiels, à savoir les exploitants des installations de stockage de gaz naturel, c'est-à-dire, concrètement, ceux qui s'assurent de la sécurité d'approvisionnement du pays et qui sont donc susceptibles de répondre à la demande d'alimentation des distributeurs.
On pourrait évidemment se féliciter de cette orientation si elle ne traduisait pas, par simple analyse dialectique, une autre réalité, qui n'est pas forcément satisfaisante.
En effet, l'article 2 sexies consacre le renforcement de la compétence de la Commission de régulation de l'énergie. Ce renforcement se fait, une fois encore, au détriment, d'une part, du pouvoir exécutif, qui édicte les règlements d'application des lois, d'autre part, du pouvoir législatif, qui élabore et vote la loi.
Il s'agit en quelque sorte d'un élément de plus dans le démantèlement progressif du domaine de la loi et du règlement que représente la floraison quasi incessante d'autorités administratives indépendantes, qui deviennent dépositaires du droit sans être soumises à un véritable contrôle démocratique.
Une autre conséquence désastreuse de la privatisation de Gaz de France - notez que la presse ne fait plus état d'une fusion avec Suez, mais bel et bien de la privatisation de l'opérateur public gazier -, dont l'article 2 sexies est un des éléments, sera la dissolution à très court terme des capacités de stockage de l'opérateur public.
Pourquoi donc cette dissolution ? Est-ce pour répondre aux impératifs de la fameuse lettre de griefs de la Commission européenne qui, passant par-dessus les droits les plus élémentaires du Parlement, se permet de dicter la loi au Gouvernement par le biais d'amendements de dernière minute d'apparence anodine, mais de portée générale particulièrement significative ?
L'article 2 sexies vise, sous couvert d'égalité de traitement entre les distributeurs de services et les propriétaires d'installations de stockage, à créer les conditions de la cession, après filialisation temporaire, de l'essentiel des installations de stockage dont Gaz de France est aujourd'hui propriétaire.
Au demeurant, j'en viens à me demander si certaines dispositions relatives à ce processus ne posent pas d'incontestables problèmes juridiques, s'agissant notamment des redevances d'occupation du domaine public pour les collectivités territoriales.
Gaz de France sera de fait invité, dans les années à venir, à ouvrir son réseau d'approvisionnement à tout opérateur alternatif, mais sera aussi poussé à la cession pure et simple de ses installations de stockage, d'autant que, comme y tend le reste du texte, la séparation juridique des activités est largement encouragée, au-delà de la séparation comptable fonctionnelle d'ores et déjà applicable.
En fin de compte, l'article 2 sexies ne conduira-t-il pas au développement d'un inutile contentieux juridique dont les consommateurs finals ne seront pas, en dernière instance, le moins du monde bénéficiaires.