Il faut en premier lieu souligner que l'on ne peut discuter cet article indépendamment de l'article 3 ter, qui suit. En effet, l'un et l'autre sont intimement liés puisque le second a pour objet de pourvoir au financement du mécanisme créé par le premier.
On aurait pu dès lors fondre ces deux articles en un seul. Cela aurait accru la lisibilité du dispositif qui nous est proposé et clarifié son mode de financement.
On touche ici à une question fondamentale. Il ne s'agit pas seulement de la privatisation de Gaz de France. En effet, à travers la variable prix-coût, c'est toute notre économie qui est concernée, c'est toute l'organisation de notre système énergétique qui est touchée, d'une part, du fait de la mise en concurrence d'EDF et de Gaz de France, comme cela a déjà été souligné, d'autre part, parce que l'opérateur historique serait amené à subventionner les fournisseurs concurrents qui ne sont pas en capacité de proposer des tarifs aussi compétitifs que lui.
Le coût se situerait entre 700 millions et 1 milliard d'euros. L'équilibre financier de l'opérateur historique, qui est chargé de missions de service public, en serait de facto affecté.
Nous aurons l'occasion d'y revenir, puisqu'il s'agit là d'une question essentielle. Mais je tenais à souligner que l'on ne peut traiter de cet article sans prendre en compte son mode de financement, prévu à l'article suivant.
Venons-en à l'article lui-même.
Il institue un tarif de retour permettant aux consommateurs ayant exercé leur éligibilité de bénéficier de ce qu'on qualifie de « tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché ».
Le consommateur ne peut, a priori, bénéficier de ce tarif que pour une durée de deux ans. Pour autant, cette période peut être prolongée. Mais, dans la mesure où les conditions d'un tel renouvellement ne sont pas définies, on peut supposer que ce tarif, bien qu'il soit transitoire, pourrait devenir pérenne.
Comment en est-on arrivé là, monsieur le ministre délégué ? On peut y voir le signe évident de l'échec d'une politique libérale qui, loin de permettre le maintien du coût de l'électricité à un niveau compétitif grâce au parc nucléaire, conduit à une déconnexion entre les prix et les coûts réels de production.
Les tensions qui se manifestent sur les marchés mondiaux ont tendance à tirer vers le haut l'ensemble des prix du secteur énergétique, et ce indépendamment des fondamentaux de notre économie, qui bénéficie d'une électricité nucléaire peu coûteuse.
Tout cela contribue à brouiller les indicateurs économiques à moyen et à long terme et nuit aux anticipations des industriels, qui ont pourtant besoin de visibilité pour prévoir le coût de leurs investissements.
La privatisation de Gaz de France accentuera encore ce mouvement, une privatisation dont les Français subiront les conséquences alors qu'elle est totalement injustifiée.
Les Français vont subir les méfaits de l'accélération de la libéralisation des marchés énergétiques engagée par Nicole Fontaine et le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Cela a déjà été souligné, mais il faut y insister, car c'est une décision lourde de conséquences sur le quotidien de nos concitoyens.
L'exemple des entreprises est à cet égard tout à fait éloquent.
Concrètement, pour les entreprises qui ont choisi de quitter le tarif régulé, la facture est lourde, puisque, comme le souligne dans son rapport notre collègue Ladislas Poniatowski, le tarif hors marché se situe entre 32, 4 et 39, 90 euros par mégawattheure, alors que, sur le marché, les prix s'établissent à 70 euros par mégawattheure.
Pour un industriel ayant quitté le tarif régulé, le manque à gagner est compris entre 30 et 37 euros par mégawattheure, ce qui est énorme pour une grosse PME ou PMI électro-intensive.
Avec la majoration de 30 %, le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché, ou tarif de retour, se situerait environ entre 42 et 52 euros par mégawattheure.
Mais j'observe que, au sein même de la majorité, des dissensions se font jour sur l'écart qui doit exister entre le tarif réglementé de vente hors taxes et le tarif de retour.