Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l'ouverture du marché de l'électricité aux professionnels, aux entreprises et aux collectivités locales réalisée en 2004 a conduit à une hausse de près de 50 % des prix de l'électricité, mettant ainsi à mal le dogme libéral des prétendus bienfaits de la concurrence « pure et parfaite ».
C'est pour tenter de contrecarrer, pour deux ans seulement, cet effet pervers du libéralisme que les députés ont voté la création d'un tarif réglementé transitoire d'ajustement au marché.
Ce dispositif sera ouvert, « à la demande d'un consommateur final formulée par écrit avant le 1er juillet 2007 » et ne pourra « être supérieur de plus de 30 % au tarif réglementé. »
Ainsi, les entreprises ayant opté pour le marché libre de l'électricité bénéficieront d'un régime transitoire leur réservant un tarif spécifique.
Il était urgent d'agir, monsieur le ministre délégué, mais pas de cette manière !
Il est urgent d'arrêter le processus de privatisation. Aujourd'hui, les mêmes entreprises qui croyaient que, sous l'effet de la « main invisible », les prix du marché déréglementé allaient baisser et qui se battaient pour l'ouverture du marché se trouvent dans une situation financière des plus précaires.
En effet, le coût de l'électricité étant une composante importante de leur prix de revient, certaines d'entre elles ont vu se réduire leur marge comme peau de chagrin.
L'exemple des industries papetières est, à ce titre, très révélateur. Ce secteur, déjà sinistré en raison de la baisse des prix des papiers et cartons, doit aujourd'hui faire face à un renchérissement très important du prix de l'électricité.
Comme je l'ai précédemment souligné, la conséquence immédiate pour ces industries papetières en est bien sûr une réduction importante de leur marge, mais surtout, à terme, leur fermeture et, partant, la suppression de milliers d'emplois.
Monsieur le ministre délégué, des plans sociaux ont déjà eu lieu dans le département de l'Isère aux Papeteries des Alpes ou aux Papeteries des Deux-Guiers. D'autres sont en cours. Or, si le Gouvernement persiste à vouloir privatiser GDF, en dépit d'indicateurs économiques défavorables, la situation déjà précaire de ce secteur s'aggravera, comme elle s'aggravera dans d'autres secteurs.
En effet, alors que le prix du gaz flambe en raison de son indexation sur les cours du pétrole et de l'ouverture à la concurrence, la privatisation de GDF, et donc l'exigence de dividendes des actionnaires qui s'ensuivra, ne peut qu'amplifier ce mouvement vertigineux de hausse des prix du gaz.
Monsieur le ministre délégué, vous le voyez, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes libéralisés. Il aura fallu les cris alarmants du MEDEF pour que vos amis députés prennent la mesure du danger et votent un palliatif. Dans le même temps, les actionnaires d'EDF dénoncent le droit de retour. Quel curieux paradoxe !
Mais les effets pervers de cette libéralisation ne se sont malheureusement pas cantonnés à la hausse vertigineuse des prix. Un article paru dans le quotidien Le Monde fait part d'inquiétantes dérives. Ses auteurs citent une responsable de KalibraXE, une société de conseil aux entreprises en achat d'électricité, qui dénonce le fait que les PME sont parfois « prises en otage par des grands fournisseurs qui leur proposent des clauses exorbitantes », certains - EDF, Suez ou Endesa - exigeant que « le client s'engage à payer, même en l'absence de consommation, une quantité d'énergie donnée », d'autres imposant des clauses d'exclusivité ou des options de sortie dont le coût - plusieurs centaines de milliers d'euros - dissuade le client de se tourner vers d'autres fournisseurs. Et les auteurs de cet article de se demander en conclusion si de telles dérives ne risquent pas « de se reproduire sur le marché du gaz, d'autant que les acteurs, clients comme fournisseurs, sont les mêmes que sur le marché de l'électricité. »
Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce sont là des raisons supplémentaires qui nous font nous opposer fermement au projet de loi que nous débattons, car non seulement il fragilise notre indépendance énergétique, mais encore il menace le droit à l'énergie pour toutes et tous.