Intervention de Daniel Reiner

Réunion du 19 octobre 2006 à 15h00
Secteur de l'énergie — Article 3 bis

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner :

Monsieur Arthuis, tout comme vous, nous sommes bien évidemment sensibles à cette question ; pour autant, elle ne doit pas devenir un argument de chantage.

Nous l'avons souligné dès la discussion générale, le prix trop élevé du gaz nuit aujourd'hui à l'attractivité de la France, et il serait en effet tout à fait regrettable, alors que nous avons d'excellents résultats en termes d'investissements directs étrangers, que des entreprises actuellement présentes sur notre territoire le quittent !

J'ajouterai deux arguments en marge de l'article 3 bis.

Il me semble que la voie sur laquelle nous sommes en train de nous engager est inquiétante et manifeste un certain fatalisme. Il ne s'agit pas de faire preuve d'une volonté politique claire en cherchant à conserver la maîtrise de la politique tarifaire alors même, et chacun ici l'a rappelé, que notre industrie électrique, en particulier l'industrie nucléaire, est de qualité et se montre capable de fournir des produits à un tarif inférieur à celui du marché européen, voire mondial. De ce point de vue, nous sommes plus ou moins dégagés du souci de l'indépendance énergétique.

La voie que nous empruntons est cependant inquiétante parce que, en nous plaçant ainsi, pour le gaz, à mi-chemin entre les tarifs réglementés et les prix du marché, nous mettons en cause, dans une certaine mesure, l'existence des prix réglementés. Je sais bien que cette voie a été ouverte par le contrat de service public signé entre l'État et GDF, contrat qui pose clairement la recherche de « la convergence entre les tarifs réglementés et les prix de vente en marché ouvert ». Cela signifie, en clair, que les prix régulés se rapprocheront des prix du marché, ce qui laisse planer l'inévitable inquiétude sur la détermination du prix du marché, en particulier pour le gaz : le prix de la cargaison d'un méthanier varie considérablement selon le port où elle est livrée. C'est donc extrêmement dangereux.

Nous nous mettons donc en situation de voir disparaître la notion même de tarifs réglementés et l'article 3 bis programme d'une certaine façon leur fin. Il me semble dans ces conditions quelque peu hypocrite de réaffirmer clairement l'existence de tarifs réglementés dans le projet de loi, d'autant que, personne ici ne l'ignore, la Commission européenne n'y est guère favorable.

Je ne voudrais pas que cet article soit un gage donné à la Commission pour la rassurer sur la fin, à terme, des tarifs réglementés en France. Or le président d'EDF - j'en reviens à l'électricité -, entendu par la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale en décembre 2004, observait que, naturellement, le développement de son entreprise supposait des moyens financiers et qu'il comptait « sur une évolution des tarifs, au rythme de l'inflation, et des prix. Les tarifs et les prix se rapprocheront ainsi, les prix du marché pouvant se stabiliser aux environs de 35 euros par mégawattheure ». Aujourd'hui avec le renouvellement partiel du parc, en particulier grâce à l'EPR, on évoque un prix plutôt légèrement supérieur. Étrangement, et cela montre à quel point il est difficile de se mettre d'accord sur un prix, les Finlandais, par exemple, l'ont fixé à 30 euros... Tout cela est donc très opaque.

Au fond, mes chers collègues - et nous ne vous accompagnerons pas sur cette voie -, en votant cet article, vous signifierez que nous sommes dans une période de flottement entre tarif réglementé et prix de marché, que vous reconnaissez comme tel, et, de ce fait, vous accélérerez implicitement la fin des tarifs réglementés. Cette voie me paraît, encore une fois, extrêmement dangereuse.

En ce qui concerne l'article 3 bis, naturellement, nous en demandons la suppression.

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