Intervention de François Loos

Réunion du 19 octobre 2006 à 15h00
Secteur de l'énergie — Article 3 bis, amendements 19 20

François Loos, ministre délégué :

Certains, notamment M. Reiner, ont mis en doute l'existence même d'un marché de l'électricité. Je voudrais, là encore, répondre à l'aide d'éléments précis.

L'hydraulique, le nucléaire actuel, le nucléaire futur avec l'EPR, le gaz, le charbon, ont chacun un prix de revient et le gestionnaire de la production satisfait la demande en enclenchant logiquement d'abord celles des centrales qui coûtent le moins cher et en recourant aux autres au fur et à mesure de la progression de la demande. Le même gestionnaire se pose en outre la question de savoir s'il a intérêt ou non à produire plus à un prix donné.

Il y a donc un vrai marché, et un prix de marché. Le nier, c'est nier la réalité, et ce n'est pas la solution. Aujourd'hui, les producteurs ont le choix de produire plus ou moins, et leur motivation peut varier suivant les prix.

L'année dernière, il s'est passé deux choses. D'une part, les prix du marché ont progressé parce que, les capacités de base les moins chères étant utilisées à leur maximum, il a fallu recourir progressivement à des capacités supplémentaires plus chères, et le prix du marché a suivi cette évolution.

Pendant des années, je le rappelle, EDF n'a pratiquement pas investi dans la production. Il en est de même à l'échelon européen. Ces investissements sont à présent nécessaires, c'est pourquoi nous avons demandé à EDF d'investir 40 milliards d'euros en cinq ans. Et il arrive un moment où cela joue sur le marché européen.

D'autre part, et ce n'est pas une pirouette, une manoeuvre pour justifier artificiellement l'augmentation des prix, il faut se souvenir que, toujours l'année dernière, sont arrivés les quotas de CO2: c'est une réalité !

Depuis, tout producteur, français ou européen, n'enclenche une centrale au charbon, qui revient cher, que si le prix tient compte des quotas de CO2 qu'il risque de payer. Par un effet mécanique, les producteurs répercutent ipso facto le risque sur le prix.

Donc, deux phénomènes qui n'ont rien à voir avec un quelconque dogme libéral se sont donc produits l'année dernière. Nous subissons tout simplement les effets du défaut d'investissements des années précédentes, auquel nous essayons de porter remède.

Telles sont, brièvement présentées, les données fondamentales du problème. S'y ajoute évidemment un paramètre tout à fait franco-français, je veux parler de l'ampleur de la fourchette des prix du mégawattheure. Une entreprise qui paie 80 euros par mégawattheure peut très bien avoir un concurrent qui ne paie que 40 ou 60 euros. Suivant qu'il s'agit de tarifs régulés ou de prix de marché, et suivant la date d'achat, tous les cas de figure sont possibles, nous en sommes conscients.

La proposition adoptée à l'Assemblée nationale visait à combler l'écart de moitié, ce qui nous amènerait à mi-chemin, soit 30 % environ.

À l'Assemblée nationale, nous avons eu un grand débat pour savoir jusqu'où il était possible d'aller en termes d'efforts tarifaires sans pour autant décourager l'investissement. En effet, plus les tarifs sont bas, moins nous incitons à l'investissement. C'est pour cela que j'ai cité la comparaison européenne des prix de l'électricité au début de mon propos.

Et encore faut-il que les efforts demandés restent dans la limite du raisonnable. Comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, le taux de 30 % est un objectif maximal qui concerne l'ensemble des tarifs, et non pas seulement les tarifs industriels. Nous visons 25 % dans les cas particuliers qui seront spécifiés dans l'arrêté.

Car, s'il est simple de fixer ici des pourcentages, dans la réalité tout est plus compliqué ! Comme l'a montré Gérard Longuet, l'assiette à laquelle on appliquerait le pourcentage en l'occurrence n'est pas sans importance, de même que la diversité des tarifs possibles - je pense en particulier aux tarifs bleu, jaune et vert, soit respectivement aujourd'hui 90 euros, 70 euros et 50 euros hors taxes.

L'idée d'appliquer ce taux de 30 % à la part production est beaucoup moins aisée à mettre en oeuvre qu'il n'y paraît, car il faudrait prendre en compte toutes les factures des industriels chez tous leurs fournisseurs et faire une addition de tout ce qui est, en plus, de la production.

Pour une question de simplicité, je préconise l'utilisation du tarif intégré comme base ; la comparaison sera alors indiscutable. Ce tarif comporte au moins trois colonnes auxquelles nous pouvons appliquer le taux de 30 %.

Le but, je le répète, est d'arriver à 25 %. Je suis prêt à aller de l'avant mais, compte tenu de la complexité du sujet, je doute qu'une rédaction plus fine soit possible dans la loi. L'arrêté qui sera pris ultérieurement concernant l'ensemble des tarifs devra résoudre toutes ces questions.

Cela étant, j'en viens à l'avis du Gouvernement proprement dit sur les amendements et sous-amendements en discussion.

Je ne souhaite pas, bien évidemment, la suppression de l'article 3 bis, je suis donc défavorable aux amendements identiques n° 123 et 334.

Je suis en revanche favorable à l'adoption des amendements n° 19 et 20 de la commission, dont j'ai bien compris qu'ils étaient complémentaires, le premier tendant à supprimer le caractère renouvelable de la durée de deux ans, mais le second prévoyant la présentation d'un rapport devant le Parlement précisément dans deux ans.

Nous ne savons pas quelle sera la situation dans deux ans, mais on peut imaginer que nous serons amenés à nous pencher de nouveaux sur ces questions. Les réponses que nous y apporterons seront sans doute meilleures, parce que nous aurons, entre-temps, engagé toute la réflexion à laquelle Gérard Longuet nous a conviés.

L'insertion du mot « renouvelables » donnerait l'illusion que la situation est durable. Or il est toujours possible de voter une loi ou de prendre un décret.

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