Cet amendement de la commission des affaires économiques est tout à fait essentiel.
Comment en est-on arrivé là ? Telle est la première question qui nous vient à l'esprit, à la lecture de l'article 3 bis. En effet, à de multiples reprises, vous n'avez cessé de nous indiquer que l'ouverture à la concurrence des marchés énergétiques aurait comme corollaire la baisse des prix des fournitures d'énergie, électricité et gaz !
Un certain nombre de clients ayant fait jouer leur éligibilité, l'expérience a été en réalité pour le moins douloureuse.
Au lieu des bienfaits attendus de la concurrence, les clients éligibles comme les clients non éligibles ont plutôt expérimenté des « explosions » de tarifs, avec des hausses réitérées et fréquentes - environ une fois tous les six mois !
Les attendus de la directive « électricité » qui se fondent, entre autres, sur les effets positifs de la concurrence se sont pour le moins estompés à l'épreuve des faits.
À tel point que vous voilà contraints de procéder à la création d'un tarif transitoire d'ajustement du marché, tarif qui se présente comme une sorte de TIPP flottante affectant temporairement le prix du gaz vendu par les distributeurs aux petites et moyennes entreprises devenues éligibles.
Sur le strict plan de l'eurocompatibilité, cet article 3 bis est justifiable et répond au dix-huitième considérant de la directive. Toutefois, il soulève de nombreuses questions.
Ainsi, force est de constater que c'est encore une fois Électricité de France qui va payer la facture représentative des dépassements de prix supportés par ses propres concurrents. C'est le subventionnement du développement de l'activité de Suez et de Gaz de France dans le domaine de la distribution électrique ; c'est le coup de pouce donné à M. Beigbeder, PDG de Poweo, ou à tout autre opérateur alternatif n'assurant pour l'heure qu'une partie réduite de la distribution.
EDF représente aujourd'hui 85 % du marché, quatre opérateurs alternatifs majeurs en détiennent 6 % et une multitude de petits opérateurs assurent les 9 % restants. Mais quand il s'agit de s'assurer du financement du service public de l'électricité, qui va être sollicité pour faire face au financement du tarif transitoire, la charge est supportée essentiellement par EDF, qui en assume plus de 97 %.
C'est donc bel et bien l'argent public qui va assurer, encore une fois, ce financement, au détriment, sans doute, des comptes mêmes de l'opérateur électrique public et des comptes de l'État, du fait de la dégradation du résultat comptable d'EDF SA.
Nous avons donc tout à la fois, dans cette affaire, des marchés ouverts, la hausse des prix et le secours des deniers publics pour aider les entreprises soumises à la hausse de leur facture énergétique et aux prises avec leurs fournisseurs, qui ne peuvent pas faire autrement que de majorer les prix !
Proposer comme vous le faites, monsieur le rapporteur, que cet ajustement transitoire ne puisse être renouvelé, alors que vous savez pertinemment que les prix peuvent encore monter, c'est contraindre, à marche forcée, les usagers à se soumettre aux règles de la spéculation sur les marchés énergétiques, alourdissant les coûts de production et pesant, de fait, sur l'emploi et les salaires.
La vérité est difficile à admettre, mais elle est claire : l'ouverture des marchés énergétiques, pour les entreprises comme pour les particuliers, est une mauvaise affaire, consommatrice de pouvoir d'achat !